Le dirigeant d’Haulotte, dont la valorisation a été divisée par quatre en deux ans pour se situer à la moitié de l’actif net, a fait le choix stratégique d'une montée en gamme et en prix de ses machines au sortir de la précédente crise, en 2013. Si le succès commercial est au rendez-vous, les marges sont à la peine alors que pointe la fin de cycle. Entretien.

Alexandre Saubot, quel est, à court terme, le principal souci que vous crée cette crise sanitaire liée au coronavirus ?

"A très court terme, la situation en Italie puisque le nord de l’Italie nous fournit, via différents fournisseurs, un certain nombre de composants que l’on ne trouve pas ailleurs :  blocs hydrauliques, réducteurs, variateurs électroniques etc. La décision datant d’hier soir, nous sommes en pleine évaluation de l’ampleur des arrêts de production, des solutions alternatives et de l’impact. Nous avons un délai de stockage des composants de l’ordre de un à deux mois selon les pièces, donc nous ne sommes pas encore affectés dans la production, mais le temps de retour à la normale chez nos fournisseurs risque de nous impacter tôt ou tard. Tous nos modèles ne sont cependant pas concernés par ces pièces critiques italiennes. Nous serons plus à même de quantifier ces éléments d’ici la fin du mois…"

Quid de votre site d’assemblage en Chine et des éventuelles annulations de commande de la part de vos clients loueurs ?

"Notre outil Chinois a repris son activité à plus de deux tiers. Quant aux carnets de commande, il est trop tôt pour le dire, l’intensification de la crise en Europe est trop récente, nous connaitrons l’impact au mieux à fin mars. Je ferais remarquer que nos machines ne sont pas utilisées dans les secteurs les plus impactés par le coronavirus et que les chantiers sont très généralement extérieurs, avec moins de risques de transmission du virus."

De quoi dépendra surtout votre capacité à maintenir votre niveau de résultat opérationnel courant de 36 ME en 2020 malgré une baisse de 10% du chiffre d’affaires du groupe cette année ?

"Cet objectif est décorrélé du COVID-19, il repose essentiellement sur une confirmation de l’évolution favorable du prix des matières premières et de notre capacité, compte tenu de l’évolution qualitative de nos produits ces dernières années, à passer une hausse des prix de vente de 1 à 2%. Nous avons plus que doublé l’effort de R&D en 5 ans, à environ 3% du CA nacelles, ce qui représente plus de 15 M€ annuel. Cela nous a permis de renouveler près des deux tiers de la gamme en 5 ans et la quasi-totalité d’ici 2022."

Source : Haulotte (présentation SFAF des résultats 2019)

Comment se fait-il qu’en haut de cycle le retour sur capitaux investis du groupe (ROCE avant impôt) du groupe soit d’à peine 9% alors que la société est leader en Europe ?

"Le marché connait des changements importants :  consolidation des acteurs, transition numérique, émergence de la Chine etc. Nous y avons répondu, au sortir de la crise de 2009 c’est-à-dire à partir de 2013, en investissant davantage dans la différenciation de nos produits et dans notre présence commerciale en Amérique du Nord et en Chine. Compte tenu d’une concurrence renforcée, ces investissements étaient nécessaires et nous ont permis de prendre de parts de marché, y compris en Europe. Nous comptons bien recueillir les fruits de la hausse de nos coûts fixes, d’environ 20 M€ sur trois ans, lors du prochain cycle."

Le marché de la nacelle se situe à la fin d’un cycle de forts investissements et la pression concurrentielle s'est accrue. Comment préparez-vous l'entreprise à des années probablement difficiles ?

"Nous avons tablé sur des ventes 2020 en baisse de 10%, en ligne avec la baisse que nous attendons sur le marché mondial de la nacelle de 10%. Toute la question est de savoir de quelle ampleur sera la phase de baisse. En temps normal, un marché de renouvellement se contracte de l’ordre de 15 à 30%, typiquement sur 2 à 3 ans.  Chaque zone se situe à un moment différent du cycle. Le premier marché mondial, l’Amérique, a déjà connu une baisse de 10% en 2019 et devrait baisser d’autant en 2020, pour peut-être redémarrer en 2021. La Chine, deuxième marché mondial de la nacelle en volume, pourrait rester bien orienté cette année et en 2021. Il suffirait que l’Europe se stabilise l’année prochaine pour que nos ventes globales repartent à la hausse. Nous n’avons donc à ce stade pas d’ajustement majeur à prévoir et disposons de nombreux volants de variabilisation de nos coûts de production, avec un point mort situé autour de 450 M€ à structure de coûts inchangée."

La dette nette du groupe a progressé depuis quelques années, à 150 M€. Est-ce inquiétant ?

"Nous avions plutôt un peu trop de stocks à fin 2019. Une baisse de l’activité est théoriquement facteur de désendettement, sauf coup de frein brutal sur le marché…"

Que pouvez-vous nous dire de votre nouveau siège social dans lequel plus de 15M€ ont été investis au total ?

"Nous devrions déménager à l’été, avec une inauguration prévue en septembre. Nous avons souhaité avec ce nouveau siège rassembler deux sites dans un endroit où il fait bon travailler, respectueux de l’environnement et attractif pour les meilleurs talents de l’industrie. Nos ambitions restent fortes pour les années à venir, en particulier en Asie où nous envisageons à horizon 2/3 ans d’ouvrir un deuxième site de production en Chine qui nous permettra de produire sur place une partie plus large de la gamme et ainsi éviter les 15 à 20% de surcoût liés à l’importation de nos machines fabriquées actuellement en France."

Graphique Haulotte Group