SAN FRANCISCO (awp/afp) - Le conseil d'administration d'Uber continue de se déchirer autour du sort de l'ex-PDG Travis Kalanick, les actionnaires se livrant désormais à une véritable bataille publique entre ses partisans et ses adversaires.

Jeudi, un important investisseur d'Uber, le fonds Benchmark Capital Partners, avait annoncé qu'il poursuivait en justice M. Kalanick, l'accusant notamment d'avoir tenté de soudoyer le comité de direction pour revenir à la tête de la société.

Mais d'autres actionnaires ont riposté ce week-end en demandant à Benchmark Capital de vendre toutes ses actions au sein de la société de location de voitures avec chauffeur (VLC).

"En tant qu'actionnaires d'Uber Technologies nous sommes surpris et peinés d'apprendre par la presse l'existence d'une plainte déposée par votre firme contre l'entreprise ainsi que son fondateur et ex-PDG Travis Kalanick", indique la lettre.

"Bien entendu, nous partageons vos préoccupations sur les problèmes affrontés par l'entreprise ces derniers mois, mais nous sommes aussi grandement préoccupés par les tactiques utilisées par Benchmark pour y répondre. Celles-ci nous semblent douteuses éthiquement et, plus important encore, destructives plutôt que créatrices de valeur", attaque la lettre.

Cette dernière est signée des actionnaires Yucaipa Companies, Maverick ainsi que de Shervin Pishevar, présenté comme "coordinateur de l'alliance des actionnaires d'Uber".

M. Pishevar est l'un des "Angel Investors", ceux qui investissent dans les jeunes pousses par le biais de fonds de capital-risque, les plus connus de la Silicon Valley, tout comme Ron Burkle de Yucaipa Companies.

La lettre s'en prend également aux conditions dans lesquelles M. Kalanick a été évincé en juin de la direction d'Uber.

"Nous ne pensons pas qu'il était ni prudent, ni nécessaire du point de vue des intérêts des actionnaires de rendre l'entreprise otage d'un désastre en terme de relations publiques en demandant la démission de M. Kalanick, ainsi que d'autres concessions, avec seulement quelques heures de préavis et dans les semaines suivant une tragédie personnelle, tout en menaçant de créer un scandale public", accusent les signataires.

La mère de M. Kalanick était morte accidentellement quelques semaines avant son éviction de la tête de l'entreprise.

Le "putsch" contre Travis Kalanick avait été organisé par Benchmark Capital et quatre autres fonds (First Round Capital, Lowercase Capital, Menlo Ventures et Fidelity Investments) qui détiennent ensemble 25% du capital et près de 40% des droits de vote. Il était motivé par les multiples scandales et démissions qui ont récemment touché Uber sur fond d'accusations de harcèlement ou de sexisme.

- Scandales et démissions -

Les actionnaires qui lui restent fidèles demandent à Benchmark Capital de vendre toutes ses actions au sein d'Uber et de se retirer du conseil d'administration, assurant que l'investissement initial de 27 millions de dollars que le fonds a fait au sein d'Uber vaut aujourd'hui 8,4 milliards de dollars.

Uber n'est pas côté en Bourse mais en fonction des fonds placés par des investisseurs et des retours attendus, la société de VLC est valorisée à quelque 70 milliards de dollars.

Dominante dans le secteur des VLC, la société traverse une succession de scandales. Elle s'est aussi mis à dos les taxis qui voient en elle leur mort programmée, les régulateurs de nombreux pays qui cherchent à lui faire barrage, et même ses propres chauffeurs qui réclament de meilleures rémunérations ou un statut plus protecteur.

Elle tente aussi de percer dans le secteur des voitures autonomes mais se retrouve engluée dans une bataille judiciaire avec le géant de l'internet Google.

Waymo, aujourd'hui une filiale de Google, accuse Uber de lui avoir dérobé des technologies en rachetant Otto. Cette société spécialisée dans les véhicules autonomes avait été fondée par Anthony Levandowski qui avait travaillé pour Waymo avant de fonder Otto.

M. Levandowski a depuis été licencié par Uber mais Waymo ne lâche pas prise. Le juge chargé du dossier a transmis en mai le dossier au département de la Justice pour que celui-ci enquête sur le vol éventuel de secrets commerciaux.

En attendant, Uber n'a toujours pas de PDG et peine à en trouver un au milieu de toutes ces controverses.

La très respectée Meg Whitman, PDG de Hewlett-Packard Entreprise, avait été présentée comme candidate potentielle par des médias américains. Mais elle a pris soin fin juillet de le démentir: "Le prochain PDG d'Uber ne sera pas Meg Whitman" avait-elle asséné dans un tweet.

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