La nouvelle génération qui a pris la direction de ce groupe familial nantais imprime sa marque. Bien engagée dans la réalisation d’un plan 2020 prudemment ambitieux, elle prépare un plan 2025 qui devrait conquérir les investisseurs. Et entraîner une forte revalorisation d’un titre qui se paie aujourd’hui moins que ses fonds propres. Rencontre, au siège du groupe.

Vincent Bedouin, vous avez choisi "Connected Technologies for a Smarter World" comme signature du groupe. LACROIX Group a opéré sa métamorphose ?

"Historiquement, le groupe était une holding financière contrôlant trois activités distinctes, sans synergie. Quand mon père m’a transmis la direction générale du groupe il y a six ans, le moment était idéal pour initier une convergence de ces trois activités autour d’une vision très forte : notre monde se trouve face à de grandes transformations et les réponses pour le changer passeront par des équipements connectés, dans un univers plus digital et plus économe. Pour LACROIX, le moment était venu de lancer un plan de transformation interne, dont la 1ère étape s’achèvera en 2020 avec comme objectifs financiers un CA groupe de 525 M€ pour un ROC de 20 M€, le tout en gardant une structure financière solide avec un ratio d’endettement inférieur à 50%."

Quelles sont vos principales réalisations depuis votre arrivée à la tête de ce groupe que votre famille contrôle à 70% ?

"En quelques années, LACROIX Group est devenu un équipementier technologique international avec trois activités complémentaires. Nous fournissons des équipements connectés et sécurisés pour la gestion des infrastructures de la voirie intelligente à travers LACROIX City (éclairage public, gestion et régulation du trafic, etc.), et pour la gestion des infrastructures d’eau et d’énergie à travers LACROIX Environment. Par ailleurs, nous développons et produisons les équipements électroniques de nos clients du secteur automobile, domotique, aéronautique, de l’industrie ou de la santé à travers LACROIX Electronics. L’internationalisation du Groupe s’est accélérée, avec 66% de notre activité hors de France en 2018 et 70% visés en 2020, notamment en réalisant quatre acquisitions et prises de participation à l’international. Notre projet attire et nous avons fait évoluer en profondeur notre gouvernance, avec un COMEX qui s’est enrichi de talents internationaux, le dernier en date étant l’arrivée début septembre de l’ex-responsable monde de l’activité Eau chez Siemens, nommé DG de LACROIX Environment. Nous ont également rejoints Vincent Sabot, en provenance de Sigfox, pour diriger LACROIX City, ainsi que Stéphane Henry, directeur de la R&D, ex-STM. Stéphane est un spécialiste du edge computing, une technologie absolument clé dans la création de valeur des futurs objets connectés. Nous avons maintenant les hommes pour achever la mutation du groupe courant 2020 et élaborer notre plan 2025 qui sera annoncé en janvier 2021."

La structure du Groupe Lacroix fin 2018 (Source société)

Celui-ci se traduira notamment par la construction et la montée en puissance d’une usine du futur en Anjou …

"Effectivement. Nous avons 9 sites industriels employant près de 4000 personnes, dont 1150 en France. Notre principal site français, situé dans les Mauges, étant centenaire, se contenter de le moderniser n’était pas cohérent avec notre niveau d’ambition technologique et l’horizon long terme sur lequel se projette notre ETI familiale. Nous allons donc fermer ce site pour construire une usine électronique du futur à quelques kilomètres. Le projet, qui nécessitera 20 à 30 M€ d’investissement, associe six partenaires de renom : PTC, Inventy, Microsoft, ASM, Schneider Electric et Orange. Tous veulent en faire une vitrine de leurs technologies pour l’industrie 4.0. Nous souhaitons piloter en temps réel la production et les tests de composants, tout en industrialisant la collecte des données pour optimiser l’identification des pannes et des composants défectueux. Sachant que plus de 10 millions de composants sont manipulés par jour dans l’usine actuelle, les enjeux financiers et de productivité sont importants. L’ouverture est prévue pour 2021, avec une montée en puissance sur 5 ans qui nous permettra de passer d’un CA de 50 à 100 M€ sur ce site, à effectif quasi-constant, soit 460 collaborateurs."

La transformation du groupe passe également par des acquisitions … avec quels moyens financiers ?

"La stratégie de croissance externe vise à nous renforcer dans notre positionnement de leader des objets connectés industriels, dans les activités existantes. Il ne s’agit pas de nous diversifier mais de renforcer notre technologie ou nos positionnements géographiques. Le tout avec un ROI court en sachant bien ce que nous achetons et ce que nous allons en faire. Nous avons déjà réalisé l’essentiel des acquisitions nécessaires à la réalisation de notre plan 2020. Au-delà, ce sera probablement surtout notre présence aux Etats-Unis qui aura vocation à se renforcer, notamment via la montée au capital dans notre participation à 12,5% dans Firstronic, qui exerce une activité proche de LACROIX Electronics. Les Etats-Unis seront incontournables pour nos autres activités, notamment compte tenu de nos ambitions dans les véhicules autonomes. Pour ce qui est des moyens disponibles pour réaliser des acquisitions, notre levier d’endettement pourra légèrement augmenter, sans toutefois dépasser les 80-85%. Enfin, nous ne nous interdisons pas de faire appel à la Bourse. Cela passera par une valorisation plus en phase avec la vraie valeur du groupe, aujourd’hui inférieure aux fonds propres..."

Le groupe achève son exercice 2018/19. Comment  se situe-t-il par rapport à ses objectifs 2019 et 2020 ?

"Nous sommes un peu en retard cette année sur le chiffre d’affaires du fait du ralentissement automobile, qui représente la moitié de l’activité de LACROIX Electronics, et d’un incendie intervenu sur notre usine tunisienne. Cependant, notre objectif de ROC de 17 M€ a été revu en hausse il y a quelques mois, autour de 19 M€, grâce à divers phénomènes qui sont venus l’impacter favorablement, comme l’intégration de l’allemand SAE IT-Systems, qui se passe très bien. Pour ce qui est du Plan 2020, nous avons dépassé le milieu du gué et sommes dans les objectifs de transformation, d’investissement et de résultat projetés."

Les objectifs du plan stratégique en cours (Source Société)

Une dernière question : quand et à quel prix le vieux litige dans la signalisation traditionnelle sera-t-il soldé ?

"Je ne peux anticiper les décisions de justice et vous renvoie à la lecture de nos comptes, où nous exposons en détail notre vision du risque… Ce qui est certain, c’est que cela ne nous empêche pas de dérouler notre stratégie."

 

(L'auteur est actionnaire à titre personnel)