Cette année, le cours du métal coté sur le London Metal Exchange (LME) enregistre de loin la plus forte hausse de son compartiment. Le nickel progresse effectivement de près de 70%, loin devant la timide hausse de 3% du plomb et tranchant distinctement avec le parcours du cuivre (-2,75%), de l’aluminium (-7,8%) ou encore du zinc (-8,7%) depuis le début de l’année.

Une analyse plus exhaustive de cette dynamique imposerait toutefois de prendre un peu de recul sur cette marche en avant, en raison de la chute des cours en 2018, de l’ordre de 28%. Les sommets enregistrés en 2008 paraissent de la même manière encore inaccessibles, à plus de 30.000 USD la tonne métrique.

En prononçant fin juillet, à la grande surprise des opérateurs, l’interdiction de ses exportations de minerai de nickel en 2022, le gouvernement indonésien a mis le feu aux poudres au marché du nickel. L'Indonésie est le premier pays producteur de nickel, avec près de 560.000 tonnes de métal produites en 2018, selon les données de l'Institut géologique américain, l'USGS. Dans ce cadre, les craintes en termes d’approvisionnement se sont naturellement intensifiées, d’autant plus que les stocks de nickel ont tendance à se contracter sur les dernières années et peinent à se reconstituer. La course en avant s'est d'autant plus accélérée que les autorités indonésiennes ont annoncé l'arrêt des exportations de minerai de nickel à compter de la fin du mois de décembre, au lieu de l'horizon 2022 évoqué dans un premier temps. Le bras de fer entre l'Indonésie et les utilisateurs finaux de la filière se durcit un peu plus, Jakarta abattant toutes ses cartes pour arriver à ses fins - celles de remonter la filiale afin de capter davantage de valeurs ajoutées. L'idée demeure ici de stopper progressisement l'exportation de minerais bruts afin d'en raffiner une plus grande partie sur place. Les enjeux sont colossaux puisqu'un retrait rapide de l'offre indonésienne pourrait s'accompagner d'une offre déficitaire.


Dynamiques des stocks gérés et entreposés par le London Metal Exchange  (LME) – source : Bloomberg
 
Ce potentiel embargo raisonne comme un coup dur porté à l’industrie chinoise, Jakarta étant son premier fournisseur de ferronickel. En dépit de l’intensification des tensions commerciales avec les Etats-Unis, la production chinoise d’acier inoxydable se maintient à des niveaux records, sous-entendant que la Chine devra défendre bec et ongles ses approvisionnements en nickel afin de maintenir ce rythme de production. L'influence de la Nouvelle-Calédonie, autre producteur de nickel de la région Asie-Pacifique, s'apprête ainsi à s'intensifier dans les mois à venir. La filiale d'Eramet, la société minière le Nickel (SLN), pourrait apaiser les craintes chinoises via de nouveaux contrats d'approvisionnements, ce qui raisonnerait comme une aubaine pour la filiale calédonienne SLN, en difficulté économique depuis des années.

Dans ce cadre, la spéculation ne cesse de s’accroitre depuis le début du mois de juillet, synonyme d’achats massifs de contrats à terme sur un marché déjà réputé relativement volatil.

Il n’est pas sans rappeler que le nickel joue un rôle notoire dans les secteurs des technologies d’avenir et plus particulièrement dans l’électromobilité. A l’instar du cobalt et du lithium, le nickel entre dans la composition de certains types de batteries électriques. De quoi créer davantage de distorsion entre l’offre et la demande en cas de retrait de l’Indonésie dès la fin de l'année.