LNA Santé a publié des résultats semestriels sans grande surprise, comme à son habitude. L’ETI familiale déroule de façon indépendante et prudente une stratégie ambitieuse sur un marché porteur, mais mouvant. Entretien avec son PDG et fondateur, Jean-Paul Siret.

Jean-Paul Siret, le modèle économique, avec l’externalisation de l’immobilier, et la stratégie géographique de LNA Santé, centrée sur la France, vous distinguent par rapport à vos deux grands confrères cotés. Pourquoi avez-vous fait ces choix ?

"Notre projet d’entreprise familiale s’inscrit sur le long terme, voire le très long terme. J’ai pensé ce projet il y a 30 ans, et mon fils Willy prend au fur et à mesure la direction du groupe pour le faire grandir pendant les 25-30 années à venir. Nos décisions sont influencées par ce cadre pérenne, ce qui est rare pour un organisme de santé, privé comme public. Nous partons des besoins à long terme des personnes fragiles, et de nos collaborateurs, que nous cherchons à fidéliser davantage.

L’élargissement, il y a quelques années, de notre offre en créant les Ehpad “Confort”, qui allient prestations de qualité et prix modérés, est un exemple. Et c’est un succès : un outil bien conçu pour les salariés et les patients garantit un bon fonctionnement et un équilibre économique dans la durée. Vous évoquez le choix d’externaliser l’immobilier, qui effectivement est à l’opposé de la tendance observée chez les principaux groupes privés. Cela s’explique par notre souhait historique de privilégier la croissance de l’exploitation, notre cœur de métier, plutôt que d’investir dans l’immobilier. Je rappelle que nous avons attendu 25 ans avant de distribuer un premier dividende, toujours dans le souci de réserver nos fonds propres à la croissance de l’Exploitation. Tout l’immobilier est conçu par nos propres équipes et vendu ensuite, sans profit, afin de garantir sur le long terme des loyers bas qui assurent notre rentabilité opérationnelle. Quant à notre présence uniquement en France et en Belgique, nous avons considéré qu’il y avait déjà suffisamment à faire sur nos territoires d’implantation historiques."

La carte d'identité du Groupe LNA Santé

Ces choix stratégiques sont-ils amenés à évoluer à l’avenir ?

"Avec des capacités d’investissement qui s’élèvent aujourd’hui à 200 M€, et des taux très bas, la question peut se poser. Je pense qu’à partir du moment où nous aurons atteint la barre d’une centaine d’établissements, contre 69 aujourd’hui, les résultats dégagés par le Groupe pourront en partie être consacrés au portage de l’immobilier, peut-être pas à vie, mais pendant un certain nombre d’années, afin de garder du résultat en réserve et profiter de la valorisation de l’immobilier dans le temps.

Il en va de même pour le développement international, qui nous permettrait de diversifier notre risque. Notre plan de développement actuel Grandir ensemble 2022 se limite à la Belgique, mais le plan suivant envisagera un élargissement géographique qui doit être bien préparé. Sachant que personne ne nous attend, et que chaque pays a ses spécificités. Nous souhaitons éviter d’essuyer des pertes que nous aurions du mal à compenser, faute de taille suffisante. D’ici là, nous comptons récolter le fruit des efforts déployés par le Groupe depuis de nombreuses années pour modéliser des solutions de reprise d’une filière publique et associative, qui se trouve dans une impasse."

Les projets de développement de LNA Santé à moyen terme

Vous évoquez la vision très longue du management, qui cherche toujours à avoir 5 à 10 ans d’avance. Comment voyez-vous l’avenir de la filière en France et comment comptez-vous y transformer l’offre de santé ?

"Les besoins en rénovation des établissements publics et associatifs sont colossaux, mais les moyens de financement leurs manquent. Surtout, ce n’est pas en reconstruisant à l’identique que l’on trouve la solution : il s’agit de modéliser des établissements suffisamment grands pour réaliser des économies d’échelle tout en offrant les meilleures conditions aux patients et aux collaborateurs. Les besoins en Ehpad sont tels que le nombre de lits médicalisés autorisés passera de 650 000 aujourd’hui à 1 000 000. Nous allons accompagner cette croissance avec des transferts progressifs mais inéluctables du parc. En ce qui concerne le moyen séjour, composé de nos établissements de SSR et de l’HAD, elle devrait continuer de représenter environ 40% de notre chiffre d’affaires compte tenu de la montée en puissance très forte, et encouragée par les pouvoirs publics, de l’HAD. Il en va du bien-être des patients et de la maîtrise des dépenses de la Sécurité Sociale. Enfin, nous allons continuer d’opérer notre transformation digitale afin de faciliter l’utilisation de nos outils informatiques par les patients, les collaborateurs, et les professionnels de santé."

Graphique LNA Santé

Que dites-vous aux investisseurs qui s’impatientent de voir s’accélérer les nouveaux développements et les acquisitions ? 

"Ce n’est pas simple. Nos projets doivent se confronter à toute l’organisation politique et administrative de notre pays. Cela nécessite énormément de pédagogie auprès des directeurs d’établissements et des nombreux élus concernés. Et de ménager toutes les susceptibilités. Sans compter qu’actuellement, la proximité des élections municipales suspend certains développements. Voilà pourquoi cela prend du temps, parfois un peu plus que prévu, ce qui nous fera avancer par à-coup. Nous sommes convaincus que nous avons mis au point une solution économique au doublement de la grande dépendance d’ici 2050."

L'auteur est actionnaire.