Seize de la première fournée de 25 sociétés cotées ont vu leur prix d'introduction en Bourse (IPO) déjà généreux plus que doubler sur Star, qui est géré par la Bourse de Shanghaï.

Le gain moyen lundi a été de 140% durant une séance échevelée au cours de laquelle les coupe-circuits, destinés à tempérer les ardeurs des investisseurs, n'ont cessé d'être déclenchés. La hausse la plus faible a été de 84,22%.

"La hausse a été encore plus dingue qu'on le pensait", a dit Stephen Huang, vice-président de Shanghai See Truth Investment Management. "Ce sont de bonnes entreprises mais les valorisations sont trop hautes. Acheter maintenant n'aurait aucun sens".

Inspiré du Nasdaq et voulu par le président Xi Jinping, Star, regroupement d'entreprises prometteuses des secteurs high tech et biotech notamment, est peut-être l'expérience la plus audacieuse de Pékin en matière de réforme du marché des capitaux. Elle atteste aussi de la volonté de la Chine d'être auto-suffisante technologiquement surtout en période de conflit commercial avec les Etats-Unis.

Pour ce qui est des transactions de cette séance inaugurale proprement dites, Anji Microelectronics (Shanghai), une entreprise de semi-conducteurs, a été brièvement réservée à la hausse à deux reprises, à 30% de gain puis à 60%.

Malgré tout, l'action a atteint un pic de 520% de hausse sur le prix d'IPO en matinée, pour finir sur un gain de 400,2%. C'est la plus forte hausse de la journée et elle donne à la société une valorisation représentant 242 fois son bénéfice de 2018.

Suzhou Harmontronics Automation Technology a elle-aussi déclenché le coupe-circuit mais en sens inverse. L'action a perdu jusqu'à 30% par rapport à son prix d'IPO avant de remonter. Elle affichait en clôture un gain de 94,61%.

Ces variations énormes, permises entre autres par des règles de trading très élastiques, n'ont en soi rien d'étonnant puisque les IPO ont été sursouscrites en moyenne 1.700 fois par une foule d'investisseurs individuels.

Le marché STAR a décidé de ne fixer aucune limite aux fluctuations durant ses cinq premières journées de cotation, alors que les autres places chinoises avaient fixé un plafond de 44% à leurs débuts.

Par la suite, la fluctuation journalière maximale autorisée sera de 20% dans un sens ou dans l'autre, le double de ce qui se fait ailleurs en Chine.

"CHAIR À CANON"

Si les règles sont souples, c'est pour "donner aux intervenants toute liberté de s'investir, d'accélérer la formation de prix d'équilibre et de rendre d'autant plus efficace la formation des prix", expliquait la Bourse de Shanghai vendredi.

Cette dernière a d'ailleurs momentanément fait les frais de l'engouement suscité par Star en perdant 1,3% lundi, tandis que l'indice des valeurs vedettes CSI300 a cédé lui 0,7%. Plus de 40 valeurs du premier compartiment ("main board") ont touché leur limite maximale de baisse autorisée de 10%.

La Bourse de Shanghai juge normales les amples fluctuations des high techs nouvellement cotées car, explique-t-elle, ce type d'entreprise a habituellement des perspectives incertaines et est difficile à valoriser.

A preuve, selon elle, les fortes fluctuations post-IPO du Nasdaq et de la Bourse de Hong Kong, citant à l'appui de ses explications les cas du constructeur de voitures électrique NIO et de la startup chinoise Luckin Coffee.

La Bourse de Shanghai a ajouté qu'un indice ayant le Star pour référent serait lancé au 11e jour de Bourse à la suite de l'entrée en scène de la 30e société cotée.

Malgré l'exubérance du premier jour, certains investisseurs croient en l'avenir de Star.

Pour Yang Tingwu, directeur général adjoint de Tongheng Investment, un fonds spéculatif basé dans la province de Fujian, 80% des sociétés cotées de ce nouveau marché sont de la "chair à canon" mais la possibilité que des 20% restantes émerge le prochain Tencent ou Huawei vaut à elle seule tout le charivari.

"Le Star ouvre un nouveau chapitre pour les Bourses chinoises. A la santé du rêve financier chinois!", a-t-il lancé.

(Avec Luoyan Liu et Winni Zhou, Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)

par Andrew Galbraith et Samuel Shen

Valeurs citées dans l'article : Nio Inc - ADR, Luckin Coffee Inc - ADR