Dans les grandes lignes, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont annoncé le 12 juin qu’ils ne vendraient plus leur cacao en deçà de 2600 USD la tonne, une mesure visant à retourner davantage de valeur aux agriculteurs. On parle donc bien d’un prix plancher. Si cette annonce fait son effet et sonne comme une bombe auprès des médias traditionnels amateurs de titres à sensation, il ne faut pas oublier que la volonté des producteurs à mettre en place des actions collectives ne date pas d’hier. L’Organisation Internationale du Cacao (ICCO) a déjà appelé - et à plusieurs reprises - les principaux pays producteurs à adopter une politique commune et ferme pour limiter la production ou bien générer davantage de valeur localement. L’idée demeure bien évidemment d’agir sur la dynamique des stocks ou bien d’influer sur les prix mondiaux, à l’image d’un cartel comme l’OPEP pour les marchés pétroliers (une conception déjà explorée fin 2017 : Vers la formation d’un OPEP du cacao ?).
                            
La collaboration entre la Côte d'Ivoire et le Ghana est historique car inédite et qu’elle lie les deux plus gros producteurs de cacao. Ils représentent conjointement près de 65% de l’offre mondiale, bien assez pour peser sur les prix, surtout si la demande reste vigoureuse. Cette dernière, appréciable à travers les données de broyage, demeure particulièrement soutenue selon les dernières données de l’ICCO, qui prévoit une progression des broyages de l’ordre de 4% et 2%, respectivement pour les continents américain et européen (de bons chiffres pour des marchés dits "mûrs") tandis qu’ils devraient augmenter de 6% en Asie.
 
Néanmoins, les défis des producteurs pourraient être ailleurs, plus particulièrement sur le contrôle de l’offre et, in fine, des stocks de cacao. C’est bien l’abondance de la campagne 2016-2017 qui a provoqué l’effondrement des cours, qui ne se sont stabilisés qu’avec une campagne 2017-2018 plus équilibrée. Cette année, si la campagne 2018-2019 est teintée de problèmes de production (en cause, une météo capricieuse ou le développement de maladies touchant les cacaoyers), elle devrait une nouvelle fois être excédentaire. La Côte d’Ivoire devrait ainsi s’établir à un niveau record à 2,2 millions de tonnes. Par ailleurs, les prix planchers annoncés récemment n’entreraient en vigueur qu’à partir de la campagne 2020-2021, de quoi écarter les risques de forte tension sur les marchés compte tenu du niveau des stocks.
 
Enfin, il convient de souligner que ces mesures présentent un risque, celui d’inciter les producteurs ivoiriens et ghanéen à produire de plus en plus, ce qui aggraverait drastiquement les problématiques liées aux excédents de cacaos. Ces mesures, qui procèdent d'une intention bien compréhensible, seraient alors à terme complètement contre-productives voire même néfastes aux maillons situés en amont de la filière, d’autant plus si l’on tient compte de la concurrence entre pays producteurs.
 
Une chose est certaine, ces réformes ouvrent la voie à une période qui promet d’être riche en annonces et rebondissements. Mais gare aux potentielles désillusions.