L’entreprise de services numériques SII, fondée il y a 40 ans par Bernard Huvé, son principal actionnaire, vient encore une fois de publier des résultats annuels très solides. Moins connue que ses pairs, elle délivre année après année, avec prudence et discrétion. Entretien avec Eric Matteucci, à qui Bernard Huvé a passé le flambeau de l’opérationnel en 2007, pour se consacrer à la présidence du Conseil de Surveillance
 
Eric Matteucci, SII est arrivée en Bourse il y a 20 ans, avec une valorisation qui a vraiment décollé à partir de 2015 seulement. Comment l’expliquez-vous et qu’est-ce-qui vous différencie de vos comparables boursiers ?
"Par rapport à nos pairs cotés en Bourse, nous sommes, depuis le rachat d’Ausy par Randstad, 4e après Altran, Alten et Akka. Nous avons un ADN maison, très local, avec des cycles de décision très courts et beaucoup d’autonomie. Sur le plan de la technologie, il y a peu de différence Chez le client, nous nous différencions en étant très engagés, avec un souci du service et du savoir être très développé. Nous avons par exemple été les premiers à être certifiés ISO9001 et CMMI. Nous avons l’image d’un prestataire sérieux, fiable, mais discret et presque trop timide. Notre image auprès des investisseurs est semblable d’ailleurs. La reconnaissance a pris du temps car nous sommes prudents dans nos prévisions et ne dévoilons pas de plan à moyen terme. Notre couverture par les analystes financiers s’améliore et va s’améliorer, mais ce n’est pas notre priorité".

SII, une entreprise internationale (Source Présentation SFAF - Cliquer pour agrandir)
 
La cotation en Bourse vous apporte-t-elle quelque chose ?
"Nous en discutions justement avec Bernard Huvé, qui a fondé l’entreprise et qui en reste l’actionnaire principal. L’intérêt de la cotation s’est limité à la notoriété vis-à-vis de nos clients et de nos collaborateurs et aux contraintes de rigueur imposées par la cotation. Nous n’avons pas eu besoin d’aller chercher de financement sur les marchés, et nous n’aurions aucun mal à trouver un partenaire financier pour sortir de Bourse".
 
Vous annoncez d’excellents chiffres annuels et, en même temps, un changement d’organisation. Pourquoi ?
"Cela va bien mais nous pensons que, compte tenu de notre taille et des besoins de nos clients, l’organisation devait évoluer. Les savoir-faire sont différents d’un pays et d’un site à l’autre et nous pourrions dégager davantage de synergie. Par ailleurs, certains clients ont besoin de plus de stabilité en termes d’interlocuteurs et de méthodes. Nous avons créé un Comité Exécutif Groupe resserré autour de 7 personnes et des échelons intermédiaires de décision, de coordination et de gestion pour la France et à l’international. Cela bouscule un peu notre ADN qui donne une grande place à l’autonomie, mais cela répondra mieux aux demandes de certains clients. L’agence restera l’unité centrale de notre organisation. La nouvelle organisation leur fournira des supports et moyens complémentaires pour continuer à délivrer un haut niveau de performance commerciale et opérationnelle en capitalisant sur l’ensemble des savoir-faire du Groupe".
 
Les perspectives 2019/20 que vous venez de dévoiler traduisent une absence de levier opérationnel de la croissance, toujours robuste, sur la profitabilité. Pourquoi ?
"Au regard de la dynamique du secteur et des prévisions 2019 favorables publiées par les représentants du secteur numérique, le groupe SII ambitionne pour l’exercice à venir un chiffre d’affaires compris entre 675 et 700 M€. Cela traduit une croissance organique située entre 7% et 11%, contre 13% en 2018. Effectivement, nous n’attendons pas de hausse de la marge opérationnelle à ce stade du fait de l’investissement dans la nouvelle organisation qui s’accompagnera notamment du recrutement de 7 hauts manageurs. Nous avons cependant des leviers d’amélioration par ailleurs pour absorber cette hausse passagère des coûts d’organisation, comme le redressement d’une de nos deux activités allemandes, déficitaire et qui doit revenir à l’équilibre cette année. En ce qui concerne la France, nos hausses de prix accompagnent les hausses de salaire qui avoisinent les 2%".

L'évolution de SII depuis 2013 (Source Présentation SFAF - Cliquer pour agrandir)
 
Votre dernière croissance externe remonte à 2017. SII génère beaucoup de cash et affiche à fin mars 33 M€ de trésorerie nette. Avez-vous des cibles en vue ?
"Nous restons à l’écoute. Nous avons la capacité de renouveler une acquisition d’une taille de l’ordre de 50 M€ de CA, soit en France sur des secteurs où nous sommes peu présents comme l’énergie, en dehors des énergies fossiles, soit à l’international dans des pays où nous pourrions nous renforcer, comme la Belgique ou la Suède. Nous sommes ouverts à toute demande émanant d’un client qui souhaiterait qu’on l’accompagne dans un nouveau pays".
 
Des gérants et analystes souhaiteraient vous marier avec votre confrère Neurones, qui s’est montré ouvert à une discussion. Qu’en pensez-vous ?
"Il est vrai que nous avons le même ADN humain, et que nous nous apprécions beaucoup, mais aucun n’a encore fait sa demande en mariage ! Industriellement, la logique n’est pas évidente, nous ne faisons pas du tout le même métier. Nous sommes juste complémentaires en termes de clients et, de leur point de vue, d’implantations géographiques. Un rapprochement n’est pas d’actualité. Un mariage avec Ausy eut été plus logique…".
 
SII a connu quarante années fastes depuis sa création. Le meilleur est-il derrière ?
"Notre horizon de croissance est encore très long, la loi de Moore opère toujours, le numérique envahit notre quotidien et nous ne pouvons plus nous en passer. Une nouvelle problématique émerge avec l’impact environnemental des ressources informatiques et nous avons là un nouveau gisement de solutions à apporter …".

L'auteur de l'entretien est actionnaire à titre personnel.