Co-fondateur et PDG de Solutions 30, Gianbeppi Fortis nous a accordé cette interview à l’occasion de la publication de l’activité semestrielle du groupe, dont le calendrier a été avancé pour rassurer les investisseurs après une période de trouble jeté par le fonds spéculatif américain Muddy Waters. Le fameux hedge fund n’a pas encore motivé les raisons de sa prise de position. Entretien.

Gianbeppi Fortis, comment avez-vous vécu les ventes à découvert de la part du fonds Muddy Waters, auquel d’autres fonds ont emboité le pas ?
"Mal, naturellement ! Nous ne connaissions pas vraiment ce type de pratique. Nous nous sommes remis en question, nous avons passé du temps à chercher ce qui pouvait nous être reproché et à répondre à des centaines de sollicitations d’investisseurs devenus parfois très méfiants. Il y a eu un mouvement de panique jusqu’à la mi-juin, puis les investisseurs ont réalisé que les fondamentaux étaient bons et le cours s’est repris".

Quelles décisions cela a-t-il provoqué en interne ?
"Nous avons pris plusieurs mesures avec la volonté de mener une véritable opération transparence. L’avancement de notre publication semestrielle au 17 juillet en est un exemple. Nous avons enrichi la quantité d’informations disponibles sur notre site internet, notamment sur la gouvernance qui a beaucoup évolué depuis 2018 et qui est aujourd’hui plus stable, plus compétente et plus structurée pour adresser au mieux les sujets qui lui reviennent : audits, rémunération, stratégie, etc. Nous avons accéléré nos deux chantiers clés avec nos commissaires aux comptes EY : le transfert de la cotation du titre sur le marché règlementé d’Euronext et la publication de nos comptes aux normes IFRS. Ces deux chantiers aboutis, nous aurons pleinement rassuré et nous pourrons attirer des investisseurs plus internationaux, américains notamment. Nous reconnaissons que le groupe a grandi tellement vite que nous avions pris du retard sur ces sujets. Ces chantiers sont maintenant bien lancés et nous pouvons à nouveau nous consacrer à l’opérationnel".

Solutions 30 vient de publier son activité semestrielle. Quel regard portez-vous sur ce semestre ?
"Ce semestre est très bon, notre chiffre d’affaires a bondi de 80%, notre croissance organique reste très forte à +37%, dont 32% pour le seul 2è trimestre. A noter que les circonstances nous ont amenés à publier notre position cash nette de dettes, hors créances factor cédées, qui est excellente puisqu’elle est positive, à 17,5 M€, soit une amélioration d’une trentaine de millions d’euros depuis le 31 décembre 2018. Cela démontre encore une fois que notre modèle de croissance, qui allie de façon équilibrée croissance organique et croissance externe, est éprouvé. Sans cela, nous n’aurions pas, avec moins de 20 M€ levés depuis notre création, intégré plus de trente acquisitions et embauché plus de 5000 salariés à temps plein".

Quelles sont les perspectives à moyen terme pour le groupe ?
"Cette tempête boursière ne modifie absolument pas nos ambitions de croissance, y compris externe. Le marché est en mouvement et il y a des opportunités qui ne se présentent qu’une fois. Nous continuons de viser 1 milliard de chiffre d’affaires à moyen terme, en alliant croissance interne et externe. Pour cela, nous allons continuer de gagner des parts de marché sur les marchés existants, qui sont encore relativement jeunes, comme les télécoms et l’énergie, et en nous assurant d’être pionniers sur les marchés naissants comme la santé ou les véhicules électriques aujourd’hui et autonomes demain. Le tout en élargissant notre périmètre géographique à toute l’Europe".

Quels sont les facteurs clé de succès de Solutions 30 ?
"Nous avons été les pionniers de ce marché né en 2004 avec l’arrivée du DSL. Depuis, nous avons beaucoup travaillé, nous avons mis en place des méthodes abouties, industrielles, avec une forte capacité d’investissement dans les outils, ce qui nous rend plus performants face à une concurrence qui travaille de façon plus artisanale. Cela fait de nous un consolidateur naturel de nos marchés, qui sont encore très éclatés et où nous sommes de loin le plus gros acteur. Ces acquisitions entretiennent un cercle vertueux où la densité du maillage territorial réduit le temps entre les interventions de nos techniciens, et donc nos charges, la main d’œuvre pesant pour plus des deux tiers dans nos charges quand on combine salariés et sous-traitance. Notre partenariat avec l’opérateur télécoms Belge Telenet, que nous avons mis plus d’un an et demi à signer, monte en puissance depuis un an, et devrait en être une nouvelle illustration. Nous avons déjà réalisé 35 M€ de chiffre d’affaires avec Telenet au premier semestre, ce qui est très satisfaisant par rapport à notre objectif de réaliser 70 M€ de CA annuel sur cette JV à 70%. Nous avons engagé de nombreuses démarches commerciales pour déployer d’autres solutions : économies d’énergies, sécurité, TV, et tout appareil numérique à installer ou dépanner. L’appartenance de Telenet au groupe américain Liberty Global pourrait, dans un second temps, mener notre co-entreprise en dehors de la Belgique".