(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Sur le commerce et l'Italie, le blocage risque de se prolonger

* Les banques centrales modifient leur discours, sans vraiment convaincre

* Les résultats des sociétés encore fragiles au T2

par Marc Angrand

PARIS, 10 juin (Reuters) - Après les turbulences du mois de mai, le brouillard du mois de juin ? Il est un peu tôt pour le dire mais les investisseurs qui espéraient des éclaircissements sur les dossiers clés du moment devront sans doute attendre quelques semaines encore, tant les décideurs s'ingénient à entretenir le suspense.

La première semaine du mois a certes été porteuse pour les marchés actions puisque les principaux indices européens et américains s'acheminaient vendredi vers des progressions hebdomadaires de plus de 2%, et même de plus de 3% pour le Standard & Poor's 500.

Mais la semaine a aussi été marquée par un repli marqué des rendements obligataires, avec un plus bas historique pour le dix ans allemand, signe que la recherche de sécurité reste d'actualité, faute de certitude.

Sur les tensions commerciales, d'abord, puisque Donald Trump, a laissé entendre jeudi que même le sommet du G20, à la fin du mois au Japon, pourrait ne pas être décisif et qu'il pourrait attendre juillet pour décider d'une éventuelle nouvelle vague de droits de douane sur les produits chinois.

Le dossier des barrières douanières risque donc de plomber la fin du deuxième trimestre pour les investisseurs et de décourager un retour plus déterminé vers les actifs risqués pour plusieurs semaines encore.

"La probabilité d'un accord a diminué et surtout, le périmètre de cet accord semble plus compliqué à déterminer", résume Laetitia Baldeschi, responsable des études et de la stratégie de CPR AM.

"On a le sentiment qu'il va falloir mettre beaucoup, beaucoup d'eau dans le vin - ou dans le Coca - de M. Trump pour atteindre un semblant d'accord."

JÉROME POWELL A-T-IL ÉTÉ TROP RAPIDE ?

La politique monétaire américaine reste elle aussi une importante source d'incertitude. Si le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a donné un coup de fouet à Wall Street lundi en entrouvrant la porte à une hypothétique baisse de taux, validant ainsi un scénario déjà largement intégré dans les cours, certains observateurs jugent qu'un tel virage est encore loin d'être acquis. "S'il est vrai que les indicateurs américains ont pris bien mauvaise tournure ces derniers temps, la nécessité d'une baisse des taux est discutable à ce stade", estime ainsi Véronique Riches-Flores, présidente de Riches Flores Research.

"A moins que l'objectif soit seulement de soutenir les Bourses, le lien entre une baisse des taux d'intérêt et les conséquences de la guerre commerciale que mène Donald Trump ne coule pas de source. À ce stade, on le comprend, Jerome Powell aurait mieux fait de prendre son temps."

Les partisans d'un assouplissement de la politique monétaire disposent néanmoins d'un argument supplémentaire depuis vendredi avec les chiffres bien inférieurs aux attentes de l'emploi aux Etats-Unis: à 75.000 seulement en mai, les créations de postes ont déçu et la hausse des salaires a ralenti.

Côté chinois, la semaine à venir sera animée par les chiffres mensuels de la balance commerciale lundi, puis par ceux de la production industrielle et des ventes au détail vendredi, deux occasions de mesurer l'impact du conflit sur l'économie.

Le débat sera sans doute alimenté par les derniers chiffres des prix à la production aux Etats-Unis en mai, mardi, puis des prix à la consommation le lendemain.

LA BCE LAISSE CERTAINS SUR LEUR FAIM

La Banque centrale européenne (BCE), elle, n'a guère surpris jeudi en repoussant de nouveau le calendrier du resserrement de sa politique monétaire et en ajustant à la marge ses prévisions économiques. Revers de la médaille: le marché n'a trouvé dans ces décisions et les commentaires de son président, Mario Draghi, aucune raison de changer franchement de positionnement, et certains restent sur leur faim, évoquant déjà un retour de l'assouplissement quantitatif (QE).

"La BCE devra probablement en faire plus pour empêcher un décrochage des anticipations d'inflation, ce qui pourrait la conduire à dépoussiérer le mode d'emploi du QE", juge ainsi Brian Coulton, chef économiste de Fitch Ratings.

Troisième dossier chaud qui risque de le rester: le bras-de-fer entre l'Italie et la Commission européenne sur les finances publiques de la péninsule.

La menace d'une procédure pour déficit excessif (DPE) est désormais officiellement brandie par Bruxelles et devrait être évoquée lors de l'Eurogroupe de jeudi mais la décision de la mettre en oeuvre relève des dirigeants politiques et pourrait donc prendre du temps, au moins jusqu'à la réunion des ministres des Finances de l'Union prévue le 9 juillet.

D'ici-là, il faudra surtout surveiller l'évolution des relations entre les deux partis formant la coalition gouvernementale italienne.

Pour Fabio Fois, économiste de Barclays, "il faut s'attendre à ce que la Ligue et le M5S resserrent les rangs afin de maintenir une position critique envers les institutions de l'UE tout en essayant de préserver la stabilité financière, mais aussi à ce qu'ils mandatent le président du Conseil Conte et le ministre des Finances Tria pour négocier avec la CE le plus petit ajustement budgétaire possible permettant d'éviter une mise à exécution de la DPE".

UN 2E TRIMESTRE TERNE POUR LES PROFITS

Dans ces conditions et à trois semaines de la fin du semestre, il semble difficile pour les investisseurs de modifier en profondeur les stratégies, sauf à accroître le positionnement défensif.

Chez NN Investment Partners, l'heure est ainsi à la réduction du risque, avec une nouvelle révision à la baisse de la position sur les actions, désormais légèrement sous-pondérées.

"La conjonction de la montée des craintes sur le commerce, des incertitudes sur la croissance et de l'absence d'un flux de nouvelles suffisamment positif du côté des entreprises (...) a servi de socle à cette décision", explique la société de gestion, qui a réduit son exposition aux secteurs cycliques.

Parmi ces derniers, celui des hautes technologies voit son étoile pâlir nettement.

"Le secteur des technologies de l'information dépend fortement du libre-échange, les chaînes d'approvisionnement des sociétés high-tech étant globalisées", explique NN. "Les estimations de résultats du secteur pour l'ensemble de l'année ont rapidement chuté, passant de plus de 10% au troisième trimestre 2018 à 2% seulement aujourd'hui."

La tendance ne concerne pas seulement les "techs": le tout dernier consensus Refinitiv montre que les bénéfices du S&P-500 ne devraient progresser que de 0,4% au deuxième trimestre, alors que le marché attendait +2,8% début avril. Pour le Stoxx 600, le marché table désormais sur une baisse de 2,3% des profits.

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(Edité par Blandine Hénault)