En 20 années de cotation, le titre du n°1 mondial de l’élevage du vin a été multipliée par 10, portant la capitalisation du groupe bien au-delà du milliard d’euros courant 2018. L’industriel a atteint des ratios de valorisation dignes du secteur du luxe. L’internationalisation et la diversification sur les alcools, Bourbon et Whisky, ont payé. Cependant, à court terme, le groupe investit lourdement dans la croissance sur le marché du Bourbon, ce qui pèse sur ses marges. Entretien avec Jérôme François, représentant de la 4ème génération à la tête du groupe.
 
Jérôme François, TFF Group a publié une marge opérationnelle bien en deçà des 20% auquel il était habitué. Que s’est-il passé ?
"Nous avons fait le choix d’accélérer très fortement sur le marché à la fois très porteur et très concurrentiel du Bourbon, relais majeur de la croissance de notre Groupe depuis 2016. Le renchérissement du coût des matières premières, les difficultés de recrutement sur le marché américain du plein emploi, le contexte géopolitique nous ont amenés à des décisions stratégiques rapides : renforcement des outils et des équipes de production, développement de notre auto-approvisionnement pour sécuriser la filière amont et nos marges. Notre croissance et la conquête de parts de marché ont eu un coût cette année qui a dépassé nos prévisions initiales, mais il était impératif de l’assumer pour capter la croissance future et conforter notre place de N°2 des tonneliers indépendants sur le secteur du Bourbon avec déjà, en seulement 3 ans, 13% de parts de marché. Au-delà de ces surcoûts non-récurrents qui ont entamé notre marge opérationnelle de près de 2 points, notre diversification dans les alcools nous apporte une forte croissance tout en diluant pour l’instant nos marges. En effet, si la marge opérationnelle normative du pôle Vin se situe toujours autour de 25%, celle du pôle Alcools est à un point bas autour de 8% compte tenu d’un nouveau début de cycle dans le whisky et des lourds investissements menés sur le marché du Bourbon. Notre objectif de résultat opérationnel courant d’environ 70 M€ à horizon 2023, contre 47,6 M€ en 2018/2019, intègre un retour progressif au niveau de rentabilité historique du groupe qui est de l’ordre de 20%."
 

Jérôme François, la 4e génération au pouvoir (Photo TFF Group)
 
Comment comptez-vous atteindre 350ME de chiffre d’affaires en 2023 ?
"Nos trois grands marchés sont bien orientés. Sur le vin, la croissance organique sera modérée et restera malheureusement heurtée par les aléas climatiques, raison pour laquelle nous avons choisi de diversifier nos métiers il y a un peu plus de 10 ans. Nous visons de conforter notre place de n°1 mondial sur le Vins, avec environ un quart du marché. Sur les 272 M€ de CA réalisés en 2018/19, le Pôle Vins représentait 60%. Ce pôle devrait représenter la moitié des 350 M€ de CA visés par le Groupe en 2023, passant ainsi de 164 M€ à 175 M€. Le Pôle Alcools devrait donc croître beaucoup plus vite avec un passage de 107,5 M€ à 175 M€. Le Bourbon constituera le principal moteur de cette croissance, mais cela nécessite des investissements conséquents : 80 M$ d’investissements sont encore prévus d’ici 2023, dont 40 M$ pour l’exercice en cours. Nous devons passer par là pour constituer une position sur le Bourbon aussi forte que celle atteinte sur le Vin : n°1 mondial, avec 25% de parts de marché. Sur le Scotch, nous sommes déjà n°1 des tonneliers indépendants et comptons conforter ce leadership".

La part des alcools dans le chiffre d'affaires poursuit son ascension (Source Présentation SFAF TFF)
 
La situation financière du Groupe a été impactée par les investissements sur l’exercice. Le dividende sera néanmoins maintenu à 0,35€ par action. Quelle sera votre stratégie de croissance externe d’ici 2023 ?
"Notre endettement a augmenté car nous avons investi, à fin avril 2019, 95 M$ dans le Bourbon, pour passer de 4 à 7 sites de production cette année, et parce que nous avons réalisé une très belle acquisition dans le Vin : Darnajou. Cette tonnellerie familiale située entre Pomerol et Saint-Emilion réalise 7 M€ de CA auprès de maisons de premier rang, pour moitié à l’international. Nous avons réalisé plus d’une acquisition par an en moyenne depuis 20 ans et cela ne devrait pas s’arrêter, nous avons à disposition des lignes de crédit dans des conditions favorables".