Londres (awp/afp) - L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a convoqué une réunion exceptionnelle avec ses alliés pour lundi, en plein marasme du marché de l'or noir, plombé par la pandémie de Covid-19 et la guerre des prix entre Ryad et Moscou.

Officiellement, les échanges par vidéoconférence (crise sanitaire oblige) porteront sur la "stabilisation" du marché pétrolier et l'adoption d'une "nouvelle déclaration de coopération", expliquait vendredi le ministère de l'Énergie de l'Azerbaïdjan, allié du cartel via l'accord Opep+, dans un communiqué.

Dans les faits, l'objet principal en sera une réduction de la production à hauteur de 10 millions de barils par jour (mbj), un volume évoqué par Vladimir Poutine vendredi.

Contrairement à leur dernière réunion, la Russie semble cette fois vouloir coopérer. Le président russe a ainsi déclaré qu'il était "nécessaire d'unir les efforts pour équilibrer le marché et réduire la production", lors d'une réunion de travail vendredi.

Un accord "permettrait de rééquilibrer le déficit de la demande, de ramener les prix à des niveaux plus rentables et d'éviter les arrêts de production", a souligné Per Magnus Nysveen, analyste de Rystad, qui évoque une véritable "partie de poker" lundi.

Le point d'achoppement est surtout "la quantité que chaque producteur sera prêt à prendre pour lui", a-t-il ajouté.

Ombre américaine

Le chiffre de 10 mbj est colossal puisqu'il représente à lui seul à peu près la production russe ou saoudienne, respectivement de 10,7 mbj et 9,8 mbj au mois de février, selon le dernier rapport mensuel de l'Opep.

Ce chiffre est apparu pour la première fois jeudi dans un tweet du président américain.

Prenant par surprise les marchés, qui ont tout de suite bondi à sa lecture, Donald Trump disait "espérer et s'attendre" à ce que Ryad et Moscou réduisent leur production "d'environ dix millions de barils, et peut-être nettement plus".

Cette sortie est intervenue alors que le locataire de la Maison Blanche a promis de défendre le secteur pétrolier américain, premier producteur mondial avec 13 mbj, mais dont le pétrole de schiste a un coût de revient élevé et n'est plus rentable aux cours actuels.

L'ombre de Washington va lourdement planer sur la réunion exceptionnelle -le précédent sommet interministériel s'est déroulé il y a un mois et le prochain est prévu début juin- l'appel de Ryad à sa tenue jeudi faisant suite "à la demande du président des Etats-Unis Donald Trump", a annoncé l'agence de presse officielle saoudienne SPA.

Selon une source russe citée par l'agence TASS, le régulateur américain a même été invité à prendre part à la réunion. Vladimir Poutine a, lui, déclaré à être prêt à une entente avec ses partenaires et "à coopérer avec les Etats-Unis".

Éviter le fiasco

Le principal enjeu pour le cartel et ses alliés sera d'éviter le fiasco de la précédente réunion, qui s'est soldée non seulement par une absence d'accord mais par une déclaration de guerre des prix par l'Arabie saoudite, chef de file du cartel.

Les prix du brut, déjà malmenés par une demande au point mort à mesure que les politiques strictes de confinement des populations se généralisaient à travers le monde en réponse à la pandémie de Covid-19, avaient ensuite plongé jusqu'à atteindre lundi des prix bas plus vus depuis 2002.

Les deux cours de référence, celui du baril de Brent européen et celui du WTI américain, ont bouclé en ce début d'année le pire trimestre de leur histoire, avec des prix divisés par trois sur la période.

L'espoir d'un apaisement de la guerre des prix et d'une production enfin jugulée de manière conjointe, même si elle ne sera sûrement pas en mesure de répondre au déficit abyssal de la demande en or noir, a toutefois permis jeudi et vendredi aux cours de se reprendre.

Un tel rebond "laisse penser qu'un accord est déjà conclu, avec seulement son enregistrement attendu la semaine prochaine", a déclaré Chris Beauchamp, analyste chez IG.

Or, selon lui, "les chances de parvenir à un accord semblent assez faibles" et le marché "se prépare à une douloureuse déception, qui pourrait voir les gains des dernières 48 heures rapidement effacés".

afp/rp