Bruxelles (awp/afp) - Les États membres de l'Union européenne sont parvenus vendredi, malgré leurs divisions, à se mettre d'accord pour mieux contrôler le marché du gaz, des changements qui devraient compliquer le fonctionnement du futur gazoduc russe Nord Stream 2.

Quatorze mois après la proposition originelle de la Commission européenne, les 28 ont convenu d'une position commune à la faveur d'un compromis proposé conjointement par la France et l'Allemagne, ont expliqué à l'AFP des sources diplomatiques.

La présidence roumaine de l'UE va maintenant entrer en négociation avec le Parlement européen pour s'accorder sur un texte final, vraisemblablement dès la semaine prochaine.

L'amendement de la "directive gaz", proposée en novembre 2017 par la Commission européenne, était perçu dès sa genèse comme une volonté de l'institution de mieux encadrer le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne sur lequel elle n'a pas de pouvoir d'intervention.

L'exécutif européen, qui a publiquement exprimé son scepticisme sur un projet qui pose question sur l'indépendance énergétique de l'UE, justifie de son côté cet amendement comme un "complément et une clarification" de la directive existante afin d'inclure les gazoducs en provenance et à destination de pays tiers.

Le Parlement européen, hostile à Nord Stream 2, a une position de négociation proche de la Commission.

Les détracteurs de Nord Stream 2 dénoncent une trop grande dépendance au gaz russe, ainsi que la volonté de Moscou d'éviter le transit par l'Ukraine.

Le projet complète Nord Stream 1, tous deux gérés par le géant russe Gazprom. L'infrastructure offshore va relier directement la Russie et l'Allemagne via les eaux territoriales de cinq pays -- Russie, Finlande, Suède, Danemark et Allemagne -- et permettre de doubler la quantité de gaz acheminée en Allemagne via ce réseau.

"Énorme pression" américaine

Opposés à Berlin, de nombreux pays de l'Est, dont la Pologne et les États baltes. L'Allemagne n'avait pas de minorité de blocage pour s'opposer vendredi à une révision, qui aurait été adoptée sans elle, explique-t-on côté français. Le sujet de la révision de la directive, et de Nord Stream 2, est très sensible outre-Rhin.

"Il y a effectivement eu un accord qui n'a été possible que grâce à l'étroite coopération entre la France et l'Allemagne, sous la présidence roumaine de l'UE", a déclaré la chancelière Angela Merkel lors d'une conférence de presse à Berlin.

La France s'est réjouie vendredi que l'Allemagne ait "beaucoup évolué" sur le projet de gazoduc Nord Stream 2, en acceptant de voter une directive qui va le "soumettre à un contrôle européen".

En échange la France a accepté que ce soit le régulateur allemand qui soit chargé de l'application des règles dans le cas de Nord Stream 2.

L'amendement proposé ne remet pas en cause Nord Stream 2, mais "pourrait amener sans doute à le contrôler strictement et à le reconfigurer potentiellement", estime-t-on à l'Élysée.

Le but est que les règles du marché commun de l'énergie s'appliquent aux gazoducs étrangers qui entrent sur le territoire de l'UE. Un des enjeux principaux pour Nord Stream 2 est la séparation des activités de fournisseur et de gestionnaire de l'infrastructure, entièrement dans les mains de Gazprom.

Deux choix se dessinent alors, selon l'Élysée: soit une reconfiguration importante du projet, "avec un très fort impact sur le délai de réalisation", soit une demande de dérogation en démontrant le respect des règles de la concurrence.

Dans ce dernier cas, il faudrait alors garantir que le gaz russe continue de transiter en partie par l'Ukraine, souligne cette même source.

Nord Stream 2 provoque également des remous au-delà des frontières européennes. Les États-Unis, et le président Donald Trump en personne, ont tancé les Européens à plusieurs reprises sur la question, tentant dans le même temps de leur vendre plus de leur gaz liquéfié.

Pour un diplomate européen, "Washington a mis une énorme pression sur les capitales européennes ces derniers jours pour empêcher Nord Stream 2".

Le projet associe le géant Gazprom, majoritaire, à plusieurs entreprises européennes: les groupes allemands Wintershall et Uniper, néerlando-britannique Shell, français Engie et autrichien OMV.

Environ 600 kilomètres de tuyaux ont déjà été posés, selon Nord Stream 2, qui table sur un calendrier lui permettant d'être opérationnel fin 2019.

afp/rp