Récemment entré dans notre sélection, le fonds Quadrige Europe est géré par Sébastien Lemonnier depuis 2017. Avec une progression de 12.5% par an sur 5 ans à fin juillet, ce fonds véritablement européen n’hésite pas à concentrer son portefeuille sur quelques fortes convictions qu’il suit de très près en multipliant les contacts avec leurs dirigeants, analystes, clients ou encore fournisseurs. Ce qui l’amène à faire preuve d’une grande réactivité dans la gestion de ses positions.

 

Sébastien Lemonnier, Quadrige Europe surperforme sa catégorie, notamment dans les marchés haussiers. Comment l’expliquez-vous ?

" Quadrige Europe est un fonds très concentré avec près d’un tiers du portefeuille investi sur 5 positions et la moitié sur 10 positions. Je suis de très près ces dossiers, au travers en moyenne plus de 400 contacts annuels avec le terrain que je complète par une veille de marché : flux acheteurs et vendeurs, évolution du consensus d’analystes, etc. Fort de ces données, je me remets en question en permanence, avec pragmatisme et sans complaisance, partant du principe que le marché est plus fort que moi. Cette capacité à être positionné au moment des périodes d’inflexion n’y est certainement pas pour rien dans notre capacité à profiter historiquement des mouvements haussiers du marché même si les performances passées ne préjugent pas du futur. Je pense par exemple à notre positionnement en amont de l’annonce des premiers vaccins, au deuxième trimestre 2020, sur de belles valeurs déprimées dont plus personne ne voulait comme l’italien Marr (grossiste alimentaire pour restaurants) ou le belge Kinepolis (salles de cinéma). Lors de l’annonce du 1er vaccin en novembre dernier, ces valeurs ont gagné plus de 30% dans la journée. Finalement, notre turnover est supérieur à la moyenne des fonds, sans pour autant tomber dans la dispersion puisque finalement sur les 3 dernières années nous avons tourné le portefeuille autour de 70 à 80 valeurs européennes leader sur leur marché."

Le fonds surperforme sa catégorie sur cinq ans. (Source : Quantalys)

Quel est le portrait-robot de la valeur parfaite pour Quadrige Europe ?

" Le leadership des entreprises en portefeuille, notamment leur capacité à se différencier de la concurrence, laquelle doit se traduire par des gains de parts de marché, en organique surtout, est notre principal critère. Nous sommes convaincus que ces sociétés vont sortir renforcées de la crise, avec ou sans croissance externe. Marr en est un exemple : ils ont gagné des parts de marché depuis un an et quand la fréquentation des restaurants sera revenue à la normale, cette part de marché pourrait dépasser les 20%, contre 17% avant Covid. Une valeur idéale est également contrôlée par un actionnaire qui alloue au mieux le capital de façon à créer de la valeur dans le temps, par ses investissements dans l’innovation, l’optimisation de sa structure financière, etc. Une fois ces critères réunis, nous achetons quand nous détectons une accélération de la croissance, avec une capacité à surprendre les attentes, et une valorisation attractive, notamment en comparant le ratio de valeur d’entreprise vs EBIT projeté par rapport à sa moyenne historique. Cela explique pourquoi Barco, société belge leader dans les technologies de la lumière, est actuellement la première position du fonds, à 7.5%. Notre conviction sur Barco repose en particulier sur le fait que la fréquentation des cinémas reviendra tôt ou tard à la normale et que leur projecteur à technologie laser, sur lesquels leurs clients ont un retour sur investissement rapide, va leur permettre de gagner des parts de marché. D’autant plus que leur principal concurrent est en difficultés et que Sony sort du marché. Cette conjonction de facteurs pourrait les amener à peser plus de 60% du marché d’ici quelques années, contre environ 50% estimé par les analystes. Combiné à un retour à la normale sur ses autres activités, dédiées aux salles de réunion et à l’imagerie médicale, nous estimons que le cours de Barco offre un potentiel à la hausse sensible sur les prochaines années. Les achats de titres récents par les dirigeants finissent de nous convaincre que ce titre est très en retard. "

Quelle est votre lecture du contexte de marché actuel ?

" La récession mondiale, historique par sa violence et sa très courte durée, nous semble terminée. Elle a engendré des mesures de soutiens monétaires et budgétaires historiques, coordonnées au niveau mondial, favorisant l’entrée dans un nouveau cycle économique favorable aux actifs risqués, petites et moyennes capitalisations en tête. La normalisation progressive de la croissance économique mondiale est favorable à la croissance des profits, les niveaux de stocks historiquement bas dans de nombreuses industries amplifiant la reprise de l’activité. Cependant, certaines sociétés de grandes qualités sont surreprésentées dans les portefeuilles et leurs valorisations me paraient dangereuses à l’heure actuelle car elles ne laissent plus la place aux bonnes surprises et leurs évolutions boursières semblent surtout corrélées aux perspectives sur les taux ce qui ne me semblent pas forcément sain. Aussi, confiant dans l’économie et la qualité des résultats à venir des entreprises, je suis vigilant sur les marchés, le découplage marché/économie pouvant être amené à s’inverser compte tenu notamment des distorsions dans les constructions des indices boursiers. D’où le doublement de notre poche de liquidités à 20% sur le mois dernier, avec une surpondération de ce que nous appelons les petits tickets de consommation, comme le cinéma ou le restaurant, estimant que la tendance inflationniste, que j’estime durable, leur profitera tout comme nous l’espérons la poursuite de la normalisation de la situation sanitaire."

Quel est le principal point fort et le principal point faible de deux de vos toutes premières positions du fonds ?

" Nous avons déjà vanté les atouts de Barco plus haut. Le titre a pâti de l’annonce du départ de son Directeur Général, mais ses perspectives restent prometteuses du fait de l’accélération de l’inflexion positive de son carnet de commandes au 2ème trimestre. Le point de vigilance sur le titre réside dans le timing du retour à la normale de ses marchés compte tenu de la volatilité à court terme sur l’évolution sanitaire. Notre deuxième ligne, l’allemand Mister Spex, entrée à l’occasion de son arrivée récente en Bourse. Ce distributeur de produits d’optique a pour avantage majeur d’être devenu omnicanal en partant du digital. Avec plus de 20 000 commandes journalières, il détient 25% de part de marché sur les moins de 45 ans en Allemagne. De plus, Luxottica, déjà actionnaire, a profité de la levée de fonds de 200 M€ pour renforcer sa participation au capital fin juin, ce qui pourrait déboucher sur une prise de contrôle à terme. L’IPO vise au 3/4 à accélérer les ouvertures de magasins dont la productivité est d’environ 30% supérieure aux acteurs conventionnels. Mister Spex vise en moyenne sur les prochaines années une croissance organique de 20%, soit environ plus de 5 fois la croissance sous-jacente estimée de son marché. Son point faible est celui des IPO récentes : elle suscite la méfiance et est peu connue."

Quels sont les tous derniers arbitrages réalisés par le fonds ?

" Mister Spex et Dermapharm sont nos derniers achats, nos derniers mouvements ayant consisté à faire du cash, en allégeant par exemple Kinepolis pour réduire le risque que le pass sanitaire s’étende à d’autre pays que la France."

Performance du fonds sur cinq ans : point bleu sur le graphique de droite (Source : Quantalys)