PARIS (Reuters) - La France affronte mardi une nouvelle journée de grève et de manifestations nationales contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, auquel s'opposent les principales organisations syndicales dans un rare front uni.

Forte du succès de la première journée de mobilisation nationale, l'intersyndicale a appelé à un mouvement encore plus massif que celui du 19 janvier, qui a réuni plus d'un million de manifestants à travers la France, selon les autorités, plus de deux millions selon la CGT.

Des appels à la grève ont été lancés dans de nombreux secteurs, notamment à la SNCF et à la RATP, qui ont prévenu d'un trafic à nouveau très limité mardi.

L'activité dans la fonction publique, l'enseignement, les raffineries ou encore la production d'énergie est aussi perturbée.

La production d'électricité d'EDF était en baisse mardi matin de 4,4%, soit 2,9 gigawatts, selon les données de l'énergéticien.

Le taux de grévistes dans les raffineries de TotalEnergies oscille selon la CGT entre 75 et 100%.

TotalEnergies a fait savoir que toutes les expéditions de produits raffinés sont interrompues ce mardi, tout en assurant "qu'il n'y a pas de manque de carburants dans nos stations". "En outre les stocks en dépôts et en station-service sont à un niveau satisfaisant", a ajouté le groupe dans un communiqué.

Plus de 250 manifestations sont prévues partout en France, a indiqué la CGT. Le gouvernement a indiqué que 11.000 policiers et gendarmes seraient mobilisés mardi, soit un millier de plus que pour le 19 janvier.

"Nous espérons au moins autant de manifestants et de grévistes que le 19, voire plus", a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, sur BFMTV.

"Si le gouvernement ne change pas, il y aura des suites" à ce nouveau mouvement de grève, a-t-il promis.

"RÉFORME INJUSTE"

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a lui aussi appelé à la mobilisation générale. "J'appelle les gens à se mobiliser, à surtout ne pas croire que les jeux sont faits", a-t-il déclaré lundi sur France 2.

"Toutes les organisations syndicales sont d'accord pour dire que cette réforme est injuste, qu'elle est brutale", constate le secrétaire général de l'UNSA Fonction publique, Luc Farré, interrogé par Reuters.

Le gouvernement reste déterminé à faire passer son projet de réforme des retraites - une promesse de campagne d'Emmanuel Macron - qui prévoit notamment le report de l'âge légal de départ de 62 ans à 64 ans en 2030, une mesure qui cristallise l'opposition mais sur laquelle l'exécutif ne semble pas vouloir reculer.

"Ça n'est plus négociable, la retraite à 64 ans et l'accélération [de l'allongement de la durée de cotisation, ndlr] de la réforme Touraine", a affirmé dimanche la Première ministre Elisabeth Borne sur Franceinfo.

En déplacement aux Pays-Bas où il a rencontré le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, le chef de l'Etat a apporté lundi soir son soutien à la Première ministre.

Interrogé en conférence de presse sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron a réaffirmé que celle-ci était "indispensable, quand on se compare en Europe et quand on regarde la nécessité que nous avons de collectivement préserver notre système de retraite par répartition".

MAJORITÉ DIFFICILE À L'ASSEMBLÉE

Présenté le 10 janvier, le projet de réforme du gouvernement suit son cours et est arrivé lundi en commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale, ouvrant une autre bataille politique.

La gauche et l'extrême droite s'opposant au projet, le camp présidentiel - qui ne dispose plus de la majorité absolue au Parlement - compte sur le soutien des conservateurs, et en particulier Les Républicains, pour faire adopter sa réforme.

"J'invite les parlementaires à ne pas aller, tête baissée, dans le report de l'âge légal à 64 ans parce que c'est rejeté par une immense majorité des salariés", a plaidé lundi Laurent Berger sur France 2.

Le responsable syndical semble avoir été entendu par Aurélien Pradié qui a assuré mardi matin sur Europe 1 qu'il ne voterait pas la réforme "en l'état actuel". Le numéro deux des Républicains a conditionné son vote à l'adoption d'un amendement déposé par son parti afin que les personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans puissent prendre leur retraite après 43 annuités, même si elles n'ont pas atteint l'âge de 64 ans.

Du côté des syndicats, on prépare déjà un possible "acte 3" de la mobilisation nationale. L'intersyndicale a prévu de se réunir mardi dans la soirée pour décider des suites à donner au mouvement.

"Il faut absolument que le gouvernement entende", a estimé auprès de Reuters la secrétaire générale de la CFDT Fonction Publique, Mylène Jacquot. "Quand il y a quelque chose qui est aussi profondément ancré comme rejet, c'est même dangereux de la part du gouvernement de ne pas entendre".

(Rédigé par Blandine Hénault et Tangi Salaun, avec la contribution de Leigh Thomas, édité par Kate Entringer et Jean Terzian)