JOHANNESBURG (Reuters) - Le Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir en Afrique du Sud, n'est pas parvenu vendredi à trancher sur le sort du président Cyril Ramaphosa, après la publication d'un rapport recommandant l'ouverture d'une procédure de destitution à son encontre pour malversations financières.

L'avenir du chef de l'Etat est en suspens depuis la publication, mercredi, de ce rapport concernant la découverte, en 2020 lors d'un cambriolage, de millions de dollars en liquide dans une ferme d'élevage lui appartenant et sur le fait qu'il n'ait jamais signalé la perte de cette somme. Ce "Farmgate", comme l'a surnommé la presse sud-africaine, a éclaté en juin.

Cyril Ramaphosa a démenti depuis toute irrégularité et n'a pour l'heure été inculpé d'aucun délit. Le chef de l'Etat a expliqué que la somme en jeu était bien inférieure aux 4 à 8 millions de dollars cités dans les médias et qu'il s'agissait des recettes issues de la vente d'animaux sauvages.

Le Comité exécutif national de l'ANC, constitué d'environ 80 membres, se réunira de nouveau avant le 6 décembre, date de l'examen du rapport par le Parlement, a annoncé le trésorier général de l'ANC, Paul Mashatile.

La découverte du vol de millions de dollars en liquide à Phala Phala, le ranch de Cyril Ramaphosa au nord de Pretoria, a soulevé des interrogations sur la provenance de ces sommes et sur leur éventuelle dissimulation au fisc.

Ancien syndicaliste devenu homme d'affaires, Cyril Ramaphosa a été élu président en 2018 sur un programme notamment axé sur la lutte contre la corruption.

La commission indépendante désignée par le Parlement sud-africain a estimé dans son rapport rendu mercredi que le chef de l'Etat "pourrait être coupable d'infractions sérieuses à certains articles de la Constitution" et se serait placé lui-même dans "une situation de conflit d'intérêts entre ses responsabilités officielles de président et (ses activités privées) d'homme d'affaires".

Cette commission a jugé que Cyril Ramaphosa avait "agi d'une manière incompatible avec son mandat", ouvrant la voie à une éventuelle procédure de destitution du président.

L'ANC FAIT BLOC

Le président de l'ANC, Gwede Mantashe, a écarté vendredi les informations parues la veille dans la presse selon lesquelles Cyril Ramaphosa envisageait de démissionner, ce qui a provoqué un vent de panique sur les marchés financiers sud-africains.

"Selon moi il serait prématuré que le président démissionne", a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne de télévision locale Newzroom Afrika.

Gwede Mantashe, actuel ministre des Ressources minières et de l'Energie, a jugé que le rapport du comité comportait de nombreuses failles et pouvait être contesté.

Autre soutien du président, le ministre des Finances Enoch Godongwana a également déclaré à Reuters qu'il souhaitait que Cyril Ramaphosa reste à son poste, tout en appelant les investisseurs à rester calmes.

Pénalisés jeudi par les craintes d'une démission de Cyril Ramaphosa, le rand sud-africain et les obligations souveraines ont rebondi vendredi après ces déclarations.

Deux autres ministres ont cependant appelé le président à démissionner: Nkosazana Dlamini-Zuma, ministre de la Gouvernance coopérative et des Affaires traditionnelles, ex-femme de l'ancien président Jacob Zuma et adversaire malheureuse de Cyril Ramaphosa pour la direction de l'ANC en 2017, et la ministre du Tourisme Lindiwe Sisulu, en campagne pour la présidence de l'ANC.

Si Cyril Ramaphosa obtient le soutien de la direction de l'ANC, une procédure de destitution au Parlement serait peu susceptible d'aboutir au vu de la domination de l'ANC.

L'ANC se réunit le 16 décembre pour désigner son prochain dirigeant, appelé à devenir chef de l'Etat si le parti remporte les élections législatives prévues en mai 2024.

(Reportage Kopano Gumbi, Tim Cocks, Alexander Winning, Olivia Kumwenda-Mtambo, Alexander Winning et Wendell Roelf ; version française Myriam Rivet et Jean-Stéphane Brosse, édité par Sophie Louet)

par Kopano Gumbi et Olivia Kumwenda-Mtambo