par Joice Alves

LONDRES, 23 janvier (Reuters) - La saison de publications des résultats d'entreprises européennes, qui démarre cette semaine, va permettre de vérifier si l'optimisme des investisseurs en ce début d'année sur les perspectives économiques est bel et bien étayé sur le terrain.

L'indice paneuropéen Stoxx 600 affiche un gain de plus de 6% depuis le début 2023, ce qui l'a porté à son plus haut niveau depuis avril, et est en voie de réaliser son meilleur mois de janvier depuis 2019.

Ce rally est dû à l'embellie observée sur les récents indicateurs économiques, avec notamment une décélération de l'inflation et une amélioration des chaînes d'approvisionnement. La fin soudaine de la politique sanitaire très restrictive de la Chine a également alimenté l'espoir que le ralentissement économique mondial anticipé cette année soit moins sévère que redouté.

Le recul des prix de l'énergie et des matières premières ces derniers mois a aussi apaisé les craintes liées à l'augmentation des coûts pour les entreprises.

Mais la situation reste loin d'être idyllique pour autant.

"Les entreprises nous disent qu'il sera plus difficile de répercuter la hausse des coûts sur les clients en 2023 alors que la croissance économique ralentit", indique Nigel Bolton, co-directeur des investissements chez BlackRock Fundamental Equities.

"Nous observons déjà des suppressions d'emplois et un recentrage sur la rentabilité dans le secteur technologique, et nous nous attendons à ce que ce thème se propage aux autres secteurs cette année."

Vendredi, le suédois Ericsson a indiqué qu'il allait réduire ses effectifs afin de baisser ses coûts.

DES ATTENTES TRÈS BASSES

Les attentes du marché sur les bénéfices des entreprises pour le dernier trimestre de 2022 sont déjà très basses.

Selon le consensus Refinitiv I/B/E/S, les profits des sociétés du Stoxx 600 pour le quatrième trimestre devraient avoir progressé de 10,7% sur un an, soit la croissance la plus faible en deux ans.

C'est moitié moins que la progression attendue il y a encore deux mois. En excluant le secteur de l'énergie, la croissance des profits est estimée à 4,5%.

Le chiffre d'affaires trimestriel des sociétés du Stoxx 600 devrait pour sa part avoir progressé de 4%, le taux de croissance le plus faible depuis le premier trimestre de 2021.

Quelques entreprises en Europe ont déjà donné un aperçu de leur activité sur la période, et déçu les attentes. C'est le cas du joaillier Richemont et du groupe de luxe Burberry . Le géant européen des livraisons de repas Just Eat Takeaway.com a prévenu de son côté que les commandes avaient baissé sur le trimestre.

Selon BofA Global Research, 16 entreprises ont déjà émis des avertissements sur leurs résultats du quatrième trimestre, la raison la plus fréquemment évoquée étant la faiblesse de l'activité économique qui limite les dépenses des consommateurs.

Cela représente près de la moitié des 35 avertissements sur résultats observés pour le troisième trimestre, qui était le niveau le plus élevé depuis le premier trimestre 2020 et le début de la pandémie.

Le consensus de Refinitiv I/B/E/S pour 2023 anticipe un milieu d'année difficile pour les résultats des entreprises européennes.

Les profits devraient reculer lors de deux trimestres consécutifs : une baisse jusqu'à 6,8% au deuxième trimestre et jusqu'à 8,8% au troisième. Ils devraient ensuite rebondir de 11,4% lors des trois derniers mois de 2023.

INTERROGATIONS SUR LES SALAIRES

En dépit de ces sombres prévisions, les discours des entreprises ont fourni quelques élements d'optimisme. Burberry et Richemont ont ainsi signalé une amélioration de leurs ventes en Chine en amont des festivités du nouvel an lunaire.

Les publications attendues cette semaine de H&M, Associated British Foods et surtout de LVMH devraient donner un aperçu plus précis de l'état de la demande des consommateurs.

Les investisseurs seront attentifs aux commentaires sur la situation en Chine, où une nouvelle vague épidémique est susceptible d'affecter l'activité économique.

La question des salaires reste aussi au centre de l'attention sur fond de revendications salariales multiples qui pourraient mettre sous pression les marges.

"Une grande question est comment le bond des prix l'an passé va affecter les salaires, en provoquant potentiellement un deuxième tour de hausse des coûts pour les entreprises et en créant des pressions inflationnistes supplémentaires", observe Toby Gibb, directeur mondial des investissements chez Fidelity International.

Avec des attentes au plus bas, les investisseurs pourraient toutefois déjà avoir préparé le terrain pour des mauvaises nouvelles.

"Si la volatilité sur les taux persiste, nous pensons que les actions et les valeurs cycliques pourront faire face à une contraction modérée des profits en 2023", estime Emmanuel Cau, directeur de la recherche actions européennes chez Barclays.

(Blandine Hénault pour la version française, édité par Kate Entringer)