La Banque du Canada a donné le ton du resserrement cette année parmi les banques centrales supervisant les 10 devises les plus échangées, en augmentant son taux d'intérêt directeur de 300 points de base pour atteindre son plus haut niveau en 14 ans, soit 3,25 %, afin de lutter contre l'inflation galopante.

Mais face à l'attitude de plus en plus belliqueuse de la Fed et aux signes que les coûts d'emprunt plus élevés pourraient déjà ralentir l'économie canadienne, les marchés monétaires parient maintenant que la Fed terminera son cycle de resserrement avec un taux directeur plus élevé que celui de la BdC.

La semaine dernière, la banque centrale américaine a augmenté son taux d'intérêt de référence au jour le jour de trois quarts de point de pourcentage pour atteindre une fourchette de 3,00 % à 3,25 % et a signalé d'autres augmentations importantes à venir.

Les investisseurs s'attendent à ce que le taux directeur de la Fed atteigne un taux terminal d'environ 4,60 % d'ici la fin du premier semestre de 2023, contre environ 4,10 % pour le taux directeur de la BdC. Il y a quelques semaines à peine, le point final pour les deux banques centrales était vu à environ 3,75 %.

Un taux terminal plus bas pour la BoC que pour la Fed n'est pas rare, mais il menace de jeter de l'eau froide sur les attentes des haussiers du dollar canadien selon lesquelles les différentiels de taux d'intérêt contribueraient à soutenir la monnaie au cours de l'année à venir.

Les spéculateurs ont réduit leurs positions longues nettes sur le dollar canadien à leur plus bas niveau depuis début juin, selon les données de la Commodity Futures Trading Commission américaine vendredi.

"Nous avons atteint des niveaux de tarification des taux d'intérêt où les marchés regardent quel sera l'impact sur l'économie canadienne et voient que la Banque du Canada aura du mal à égaler la Réserve fédérale dans son cycle de resserrement", a déclaré Andrew Kelvin, stratège en chef pour le Canada chez TD Securities.

SLIDES DE LOONIE

Les rendements obligataires canadiens ont chuté en dessous de leurs homologues américains ces dernières semaines, un autre signe possible que les investisseurs considèrent les taux d'intérêt élevés comme moins durables au Canada.

Et l'inversion de la courbe de rendement, un signe avant-coureur potentiel de récession, s'est accentuée beaucoup plus sur le marché obligataire canadien que sur le marché américain.

Le dollar canadien s'est affaibli de 7,5 % par rapport au billet vert depuis le début de l'année. C'est une meilleure performance que l'euro, le yen et les autres devises du G10, bien que la quasi-totalité de cette baisse soit survenue depuis la mi-août.

Un repli du prix du pétrole, l'une des principales exportations du Canada, a constitué un vent contraire supplémentaire pour le huard, qui a touché lundi son plus faible niveau intrajournalier depuis mai 2020, à 1,3808 par dollar américain, soit 72,42 cents américains.

"Les investisseurs surveillent les gains négatifs de l'emploi (canadien), le ralentissement de la croissance de la consommation et les preuves d'un accident de train au ralenti sur le marché du logement", a déclaré Karl Schamotta, stratège en chef du marché chez Corpay à Toronto.

"Avec des taux qui grimpent aux États-Unis et chez nous, le fardeau (économique) s'alourdit de jour en jour."

Le marché canadien du logement a rapidement ralenti au cours des derniers mois, alors que sa part de l'économie, à 9 %, est près de deux fois supérieure à celle du marché du logement américain.

De plus, les Canadiens sont susceptibles de faire face à des renouvellements de prêts hypothécaires plus tôt que les Américains - la durée la plus courante des prêts hypothécaires au Canada est de cinq ans, contre 30 ans aux États-Unis - et l'endettement des ménages canadiens est le plus élevé au sein du G7, un regroupement qui comprend les États-Unis, l'Allemagne, le Japon, la Grande-Bretagne, la France et l'Italie.

"L'économie canadienne est tout simplement plus sensible aux taux d'intérêt que l'économie américaine", a déclaré Royce Mendes, directeur général et chef de la stratégie macro chez Desjardins.

"Chaque hausse de taux d'intérêt au Canada va se manifester plus rapidement et de façon plus prononcée que ce qu'une dose égale de resserrement monétaire fera aux États-Unis."