Dans les dernières miscellanées de Zonebourse, le document mi-sérieux, mi-rigolo, que nous rédigeons en décembre chaque année après avoir revêtu notre déguisement de Nostradamus, personne n'avait osé annoncer le rachat du Crédit Suisse par UBS. Les dirigeants d'UBS n'auraient pas osé non plus. D'ailleurs, ils n'en avaient probablement aucune envie au début de la semaine dernière, vu l'état de déliquescence de leur vieux rival. Mais il a fallu composer avec le politique, la stabilité financière et l'intérêt général. Alors, oui, l'UBS va croquer le Crédit Suisse, non sans avoir négocié des garde-fous XXL auprès des autorités helvétiques. Une autre banque a mordu la poussière

Comme dirait mon voisin Emile, menuisier nonagénaire et philosophe à ses heures perdues, "C'est comme ça avec les événements improbables : ils n'arrivent pas jusqu'à ce qu'ils se produisent". Et il s'y connaît en événements improbables, mon Emile : je l'ai vu désherber notre bordure de terrain commune au gasoil : si c'est pas improbable ça ! En réalité, il n'y a rien d'improbable dans cette nouvelle crise financière, puisqu'elle est alimentée par des excès, des manquements et des abus. Un peu comme à chaque fois en fait. Les banques américaines qui ont déjà chuté (Silvergate, SVB Financial et Signature) sont des établissements qui avaient bénéficié de la dérégulation de l'ère Trump, de l'argent facile et, aussi, en partie, du marché des cryptomonnaies. La remontée des taux a exposé leurs faiblesses structurelles. Pour le Crédit Suisse, l'histoire n'est pas si différente. L'établissement zurichois était devenu une caricature à force de se retrouver empêtré dans les scandales : Archegos, Greensill, espionnage, Mozambique, Bermudes, Bulgarie, oligarques russes… Toutes ces affaires étaient le signe d'un contrôle interne défaillant et de prises de risques non maîtrisées. La confiance a été ébranlée, à juste titre, jusqu'au désastre de dimanche, lorsque il a fallu choisir entre une faillite, une nationalisation et une absorption par l'UBS.

Passons un peu de temps sur cette opération, parce que la façon dont elle a été montée pourrait donner des indications sur la prochaine zone de grabuge du marché.

Techniquement, l'acheteur va payer 3 milliards de francs et reprendre une partie de la dette. Pour bien fixer les choses, le Crédit Suisse pesait encore 43 MdsCHF il y a cinq ans, et 35 MdsCHF début 2021. UBS a conditionné la reprise à une garantie de 25 MdsCHF de Berne contre un certain nombre de risques, ainsi que d'autres protections spécifiques. En outre, les vannes à liquidités de la Banque nationale suisse lui sont ouvertes en grand. Le rachat sera réalisé par échange de titres, c’est-à-dire la remise d'une action UBS pour 22,48 Crédit Suisse. Sur la base des cours avant l'ouverture (respectivement 17,11 et 1,86 CHF), cela représente 0,76 CHF par action Crédit Suisse. Ce sauvetage est singulier parce que les actionnaires vont certes perdre beaucoup d'argent, mais ils ne perdront pas tout, comme le voudrait l'usage. D'autant qu'il a été annoncé en parallèle que 16 MdsCHF d'obligations Additionnel Tier 1 (AT1) ont été ramenées à zéro. Des actionnaires mieux lotis que des obligataires dans une quasi-faillite, c'est suffisamment rare pour être souligné, et cela donnera sûrement lieu à une contestation devant les tribunaux. Le patron d'UBS a assez bien résumé le sentiment lors de l'annonce de l'opération. C'est, a-t-il dit, une bonne opération pour les actionnaires d'UBS, mais il a aussi rappelé qu'il s'agit d'un sauvetage d'urgence, avec les risques que cela implique.

Une fois qu'on a expliqué ça, on n'est pas beaucoup plus avancé. D'autres zones de faiblesse vont-elles émerger ? Si j'avais écrit il y a quinze jours que les difficultés d'une petite banque de la Silicon Valley allaient entraîner la chute du Crédit Suisse, vous vous seriez moqués de moi et j'aurais pris un coup de fil ulcéré et assassin en provenance de la Confédération. Pourtant on en est là, par ricochet. Et le message envoyé, s'il apaise à court terme, n'est pas particulièrement rassurant. Je peux vous dire que la valorisation retenue pour la banque et l'éviction de certains obligataires AT1 entraînent déjà quelques réévaluations du risque et crée de nouvelles zones d'incertitude (ce marché représente environ 275 Mds$). D'ailleurs, la Fed et cinq grandes banques centrales (BCE, BoE, BNS, BoC et BoJ) ont annoncé hier qu'elles procèderont à des adjudications quotidiennes en dollars à partir d'aujourd'hui, pour assurer un meilleur accès aux liquidités à l'échelle mondiale. D'habitude, ces opérations sont réalisées sur une base hebdomadaire.

Voilà dans quel contexte débute la semaine, en attendant la décision de politique monétaire de la Fed, mercredi soir. L'outil FedWatch du CME donne une probabilité de 60% à une hausse de taux de 25 points de base, contre 40% pour un statu quo. L'option d'une hausse de 50 points de base a disparu du paysage à cause des tensions bancaires. Le lendemain, ce sera au tour de la BNS et de la BoE de décider de la trajectoire de leurs taux directeurs. Les investisseurs se demandent jusqu'à quand les banques centrales pourront tenir leurs politiques de taux élevés. Et il n'y a pas de situation toute blanche ou toute noire. Maintenir une certaine fermeté pour lutter contre l'inflation risque d'ouvrir de nouvelles failles dans le système bancaire. Mais faire machine arrière brutalement enverrait un signal de panique aux marchés. Je devrais peut-être proposer à Jerome Powell et à Christine Lagarde de passer discuter un peu avec Emile.

Plus sérieusement, dans le reste de l'actualité, quelques informations tombées depuis ce weekend :

  • Xi Jinping en visite d'Etat en Russie "pour la paix".
  • En France, l'assemblée nationale va voter aujourd'hui deux motions de censure contre le gouvernement après le recours à l'article 49.3 dans le cadre de la réforme des retraites.
  • La possibilité d'une arrestation de Trump suscite la sympathie de ses partisans (Sympathy for the devil ?)
  • La Chine est confrontée à une nouvelle poussée épidémique de fièvre porcine.

En Asie Pacifique, on retient la chute plutôt que le sauvetage du Crédit Suisse. Le Nikkei 225 perd 1,1% au Japon, pendant que le Hang Seng s'enfonce de 2,9% à Hong Kong. La Chine continentale limite ses pertes à 0,3%, mais Séoul (-0,6%) et Bombay (-0,9%) accusent le coup, comme Sydney (-1,4%). Les indicateurs avancés européens étaient modérément baissiers, mais ils ont plongé par la suite. Vendredi, les actions occidentales avaient encore perdu du terrain. Le CAC40 perdait finalement 0,55% à 6887 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Les prix à la production allemands de février et la balance commerciale européenne de janvier sont au programme ce matin… autant dire que ça va pas beaucoup faire de bruit dans les chaumières.. Tout l'agenda ici.

L'euro est ferme à 1,0670 USD. L'once d'or se renforce à 1974 USD. Le pétrole est toujours sous pression, avec un Brent de Mer du Nord à 72,43 USD le baril et un brut léger américain WTI à 66,51 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans poursuit son repli à 3,41%. Le bitcoin consolide après une accélération de son ascension, à 27 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • De'Longhi : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 24 à 27 EUR.
  • DiaSorin : Morgan Stanley passe de pondération ligne à souspondérer en visant 91 EUR.
  • Dunelm : Jefferies passe de sousperformance à conserver en visant 1250 GBp.
  • EL.EN : Berenberg passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours de 15,30 EUR.
  • Hensoldt : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 32 EUR.
  • Ionos : Berenberg démarre le suivi à l'achat en visant 22 EUR.
  • JDE Peet's : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 28,20 à 29,75 EUR.
  • Kingspan : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 45,90 à 47,40 EUR.
  • Laboratorios Farmaceuticos Rovi : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 72 à 63 EUR.
  • Nokian Renkaat : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 9,50 EUR.
  • Rexel : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 25 à 27 EUR.
  • Royal Unibrew : Morgan Stanley passe de souspondérer à pondération ligne en visant 550 DKK.
  • Schneider Electric : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 195 à 200 EUR.
  • Thales : J.P. Morgan passe de neutre à surperformance en visant 160 EUR.
  • UBS : KBW passe de performance de marché à sousperformance en visant 21 CHF.
  • Vestas : Haitong International démarre le suivi à surperformance en visant 300 DKK.
  • Vossloh : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 38 à 40 EUR.
  • Wacker Chemie : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 135 à 140 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • BNP Paribas a sondé les autorités néerlandaises cet été en vue d'un rachat d'ABN Amro, selon FD.
  • Alstom citée dans l'enquête sur la catastrophe ferroviaire en Grèce.
  • Orange envisage de supprimer 700 emplois dans sa division entreprises, selon Les Echos.
  • Stellantis investit 200 M€ pour produire des Fiat en Algérie.
  • Sanofi annonce des données positives de dernière heure sur Dupixent dans la dermatite atopique des mains et des pieds modérée à sévère.
  • 37% de grévistes dans les raffineries et dépôts TotalEnergies
  • Aéroports de Paris a annoncé un accord avec GMR pour former un opérateur aéroportuaire coté sur la bourse indienne.
  • Air France-KLM a remboursé 75% de l'aide à la recapitalisation accordée par l’Etat français.
  • Lhyfe et Centrica souhaitent développer l’hydrogène vert renouvelable offshore.
  • Orpea a signé le crédit syndiqué de 600 M€ avec ses banques.
  • S&P Global Ratings a relevé la perspective de la note "BBB-" d'Altarea de "négative" à "stable".
  • Netgem finalise la cession de son activité Fibre France à Nordnet.
  • Elles ont publié / Elles doivent publier : Nicox

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

Lectures