Paris (awp/afp) - En 2021, les Bourses étaient à la fête et ont enregistré record sur record, mais le début de l'année 2022 a été l'un des pires de l'histoire des marchés, forcés de redescendre de leur petit nuage d'argent gratuit.

"C'est incroyable de voir comment le monde a changé vite ce semestre 2022", s'étonne Charlotte de Montpellier, économiste de la banque ING.

Loin des gains de 2021, l'indice élargi de la Bourse de New York S&P 500 a perdu depuis le début de l'année 18%, un semestre catastrophique comparable aux replis enregistrés en 1974, après le premier choc pétrolier, ou en 1962, année d'un krach boursier.

Il n'y a que le deuxième semestre de 2008, en pleine crise financière, et la période de la Grande Dépression du début des années 1930 qui ont vu l'indice chuter significativement plus fortement.

La dégringolade concerne également les Bourses européennes, avec des baisses d'environ 15%, sauf à Londres, sauvée par ses entreprises pétrolières qui ont bondi avec les prix du pétrole.

Pire que le Covid-19

Marko Kolanovic, co-directeur de la recherche de JP Morgan, note qu'un portefeuille classique "a plus fléchi que pendant la pandémie de 2020 ou n'importe quelle autre crise après 2008".

En plus des actions, le prix des obligations s'est en effet effondré: un investisseur qui n'aurait misé que sur les obligations aurait perdu 9,9% au niveau mondial et même 13,5% s'il s'était concentré uniquement sur les obligations américaines, rapporte à l'AFP Paul Jackson, responsable mondial de la recherche en allocation d'actifs d'Invesco.

Sur le marché des cryptomonnaies, c'est carrément le "chaos", "l'hémorragie" ou la "chute libre" selon les analystes: le bitcoin a perdu plus de 50% depuis le début de l'année et même 70% par rapport à son sommet historique de novembre 2021.

L'humeur générale des marchés est au "sauve-qui-peut mais il n'y a pas beaucoup d'endroits où se cacher", résume Vincent Juvyns, responsable de la stratégie de marché au sein de J.P. Morgan Asset Management.

Une inflation qui accélère mois après mois, une perturbation des chaînes d'approvisionnement mondiales, des confinements en Chine, une guerre en Ukraine qui fait flamber les prix de l'énergie... autant de facteurs qui accablent en effet l'économie mondiale depuis le début de l'année.

Plus rapide hausse des taux

Face à des taux d'inflation record, qui dépassent 8% aux Etats-Unis et dans la zone euro, les institutions garantes de la stabilité des prix sont contraintes d'agir, et de façon très marquée: la quasi-totalité des principales Banques centrales ont effectué, ou prévoient d'effectuer, des hausses importantes de leurs taux directeurs.

En réaction, les taux d'intérêt sur le marché obligataire ont dû s'ajuster, et très rapidement. Le taux de la dette de l'Etat allemand à dix ans, qui fait référence pour la zone euro, a grimpé de 1,80 point de pourcentage depuis le début de l'année, passant de -0,1% à +1,7%. C'est la hausse semestrielle la plus rapide de l'histoire.

Pour le taux américain à dix ans, la remontée est également historique (+1,70 point de pourcentage), à peine moins qu'en 1984 ou en 1980, années marquées par une inflation très élevée aux Etats-Unis et des hausses de taux de la Réserve fédérale.

Avant 2022, "on était habitué depuis plusieurs années à des Banques centrales" qui soutenaient l'économie et les marchés, amenant ces derniers "dans une situation de croissance artificielle", explique à l'AFP Charlotte de Montpellier.

Pour elle, le changement de ton des Banques centrales a provoqué "un changement complet de paradigme".

L'ajustement des portefeuilles d'actifs a dû se faire de façon aussi rapide et abrupte, selon Shamik Dhar, chef économiste de BNY Mellon IM, qui estime que les marchés boursiers pourraient bien baisser encore un peu, au moins jusqu'à ce que les entreprises revoient à la baisse leurs prévisions de bénéfices. Vu le contexte actuel, "une baisse des bénéfices est inévitable", dit-il.

afp/jh