Disons-le tout net, il est difficile d'être optimiste pour le secteur européen de l'acier à court terme. L'économie du vieux continent est en berne, le Brexit menace, le marché mondial ralentit et les investisseurs sont aux abois en vue de la fin du cycle de croissance le plus long de l'histoire moderne. En bourse, cette défiance est visible. Il n'y a qu'à regarder le palmarès des valeurs du secteur depuis le 1er janvier pour comprendre que quelque chose cloche : à l'exception de Vallourec, en situation très particulière, deux titres sont en légère hausse depuis le 1er janvier, mais cinq affichent une baisse à deux chiffres. Dans l'intervalle, l'indice Stoxx Europe 600 a pris 15,44%.

Jefferies se retient pourtant de dresser un tableau trop noir. La banque pense que les perspectives ne sont pas aussi sombres que ne le pense le marché. Après tout, les capacités ont été réduites, la Commission prend des mesures de protection et la saisonnalité est traditionnellement favorable. En outre, le prix des matières premières recule et les tensions commerciales pourraient, sait-on jamais, se réduire.

L'équipe d'analystes a procédé à trois modifications de recommandations :

  • Elle a dégradé Voestalpine (achat à conserver, objectif de 27 à 23 EUR) parce que son ROCE, qui dépassait jadis celui de ses pairs grâce à sa forte exposition à l'automobile, devrait souffrir au vu des difficultés actuelles des constructeurs et de leur écosystème.
  • Elle a aussi dégradé Salzgitter (conserver à sousperformance, objectif de 18 à 14 EUR). C'est la forte exposition à l'Allemagne qui fait craindre des lendemains difficiles. Avec des PMI en berne et 48% des revenus réalisés outre-Rhin, les perspectives sont brouillées.
  • Elle est passé de conserver à acheter sur Kloeckner (objectif de 4,90 à 7,40 EUR). Le dossier est actuellement trop décoté, selon Jefferies, qui a pratiqué une estimation à la casse. Une valorisation "punitive" alors que l'entreprise n'a pas de souci de continuité d'exploitation, juge le spécialiste.

La banque a aussi procédé à un ajustement d'objectif de cours sur ArcelorMittal, dont la valorisation passe de 24 à 20 EUR. Elle reste à l'achat sur le dossier, ce qui devient presque un pari contrarian par les temps qui courent. Ses arguments ? La nette amélioration du bilan et de la génération de cash-flow renforce la résistance dans un environnement de prix bas, tandis que les ratios EV/EBITDA (2,7 fois 2020) et PER (4,9 fois 2020) sont faibles "compte tenu de ses atouts en matière de taille et de diversification". Enfin, le programme de cession d'actifs et une allocation prudente des ressources pourrait permettre de rémunérer les actionnaires.

Jefferies n'a pas touché à Aperam, la valeur la plus résistance du secteur cette année, malgré une forte sousperformance par rapport aux indices. La recommandation reste à l'achat et l'objectif à 30 EUR. Le dossier reste "le fabricant d'inox le plus qualitatif du secteur avec le ROCE le plus élevé", avec un bilan allégé et une exposition au Brésil (19% des revenus 2018) offrant un levier que ses rivaux n'ont pas.

Enfin, Vallourec est suivi à "conserver" avec un objectif de 2,75 EUR, très proche des niveaux actuels. Jefferies n'est pas emballé par l'industriel français, qui n'a pas sa préférence dans l'univers OCTG (il préfère Tenaris) et qui est historiquement très endetté. La génération de trésorerie négative cette année repousse le désendettement à 2020. Toutefois, les covenants bancaires devraient tenir à moyen terme. 

Dans l'échelle des préférences de l'analyste, ArcelorMittal devance SSAB et Aperam dans le secteur.