"Quel regard portez-vous sur l’évolution des politiques monétaires conduites par la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne ?
Les deux banques centrales s’inscrivent dans un processus de normalisation lent et progressif, même si la Fed se situe à un stade plus avancé que la BCE.

Des rendez-vous phares sont programmés ce mois-ci pour ces deux institutions. En particulier, le Conseil des gouverneurs de la BCE doit se réunir ce jeudi 8 juin. A quoi vous attendez-vous ?

Le message d’une évolution très graduelle de la politique monétaire conduite devrait être réaffirmé. Il est encore un peu tôt pour que la BCE fasse des annonces plus marquantes.
Nous escomptons des déclarations de plus grande portée au dernier trimestre de l’année.
Eventuellement certaines mentions du communiqué officiel pourraient être supprimées.

Lesquelles ?

Jusque là il était fait allusion à des taux qui resteraient bas au niveau actuel ou à un niveau inférieur. La dernière partie de cet énoncé pourrait être retirée. Cela confirmerait au marché que les taux n’auraient pas vocation à être abaissés davantage dans la zone euro.

Quelle suite des évènements escomptez-vous d’ici la fin de l’année ?

Nous n’attendons pas de changement d’ici la fin de l’année que ce soit sur le niveau des taux ou le montant du programme de quantitative easing qui a fait l’objet d’une réduction au premier trimestre de 80 à 60 milliards.

Et pour 2018 ?

Le programme d’achat pourrait encore être diminué à 40 milliards d’euros. Mais nous ne voyons pas d’intervention sur les taux avant 2019 eu égard aux anticipations d’inflation.

La BCE pourrait-elle se lancer dans un calendrier précis s’agissant de son programme ?

Je ne pense pas que la BCE s’engagera dans un processus régulier de contraction de son programme à l’instar de ce qu’avait fait la Fed. Cette dernière avait informé le marché d’un rythme de baisse de ses achats de 10 milliards de dollars par mois.

Que voyez-vous du côté de la Fed ?

La Fed devrait faire part à l’issue de la réunion du FOMC des 13 et 14 juind’une nouvelle hausse de ses taux directeurs. Dans la mesure où cette donne est totalement intégrée par les marchés, la Banque centrale américaine devrait saisir l’opportunité de cette anticipation pour agir.
La Fed devrait ensuite, à nouveau monter ses taux en septembre. En décembre, des indications devraient être livrées à propos du dégonflement de la taille de son bilan. Elle pourrait décider de baisser le montant réinvesti des coupons des titres détenus arrivés à échéance.

Y a-t-il selon vous un risque de surprise par rapport à ce qu’anticipe présentement le marché ?

Le marché est plutôt en ligne avec ces scénarii de base. L’incertitude concerne surtout la capacité de l’administration de Donald Trump à mettre en œuvre les réformes promises. La marge de manœuvre réellement donnée au président américain influera sur le comportement à venir de la Fed.

Si les mesures sont adoptées a minima, elles pourraient s’avérer insuffisantes pour stimuler l’économie américaine. La Fed pourrait alors redoubler de prudence dans la normalisation de sa politique monétaire.
Cette dernière menace a gagné en acuité. Toutefois, pour l’heure, nous pensons que les différents projets avancés, notamment sur le plan de la fiscalité et des dépenses d’infrastructures, finiront par être validés. Nous avons cependant conscience le calendrier devra vraisemblablement être repoussé.
Le marché table à ce jour sur une hausse des taux de rémunération des dépôts de la BCE fin 2018. Cette vue devrait être ajustée d’ici là.

Quelles retombées les prochaines actions de la Fed et de la BCE devraient avoir sur le marché ?

La normalisation de la politique de la Fed et de la BCE devrait pousser les taux à se réhausser. Nous voyons le taux à dix ans américain croitre vers 2.8% et le taux à dix ans allemand vers 0.7%. En cela, nous écartons le phénomène de krach obligataire.
L’écart de taux de part et d’autre de l’Atlantique devrait se caractériser par une certaine stabilité à autour de 200 points de base.

Des répercussions seront-elles aussi perceptibles sur le change ?

Sur un plan fondamental, nous avons une économie américaine qui présente des signes de fragilité et une économie européenne qui continue de croître. Pour cette raison, en dehors de la problématique taux court-taux long, nous tablons sur une appréciation de l’euro contre le dollar. Nous anticipons un niveau de 1.15 en fin d’année.

Au-delà de la Fed et de la BCE, que vous inspire la posture adoptée par la Banque centrale du Japon et la Banque centrale d’Angleterre (BoE) ?

La Banque centrale du Japon est une grande banque centrale qui continue à d’être très accommodante. Son agissement devrait maintenir un certain soutien à la valorisation des marchés, ce d’autant plus qu’il n’est pas présagé de changement en la matière.
Le positionnement à venir de la Banque centrale d’Angleterre va beaucoup dépendre du développement du dossier du Brexit et de la voie vers laquelle vont s’orienter les négociations : un hard Brexit ou un soft Brexit. Il existe pour l’heure de nombreux aléas. En particulier, le résultat des élections législatives demeure très incertain. Les sondages ne donnent pas de majorité nette pour un parti.
La BoE va devoir s’adapter aux éventuels impacts du Brexit sur l’économie britannique.
A notre avis, ces impacts ne seront pas négligeables. Aussi, il est très probable que la BoE persiste dans une politique accommodante.



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