Paris (awp/afp) - Les taux d'emprunt des pays du sud de l'Europe se sont fortement tendus lundi, la crise turque ayant déclenché une poussée d'aversion au risque chez les investisseurs, qui s'inquiétaient en outre au sujet du futur budget italien.

La chute de la livre turque sur fond de crise diplomatique entre la Turquie et les Etats-Unis a secoué vendredi les Bourses européennes et les marchés des changes, suscitant les craintes d'une contagion à d'autres économies émergentes, notamment dans le secteur bancaire.

En réaction, cette aversion au risque a fait grimper les taux d'emprunt des pays du sud de l'Europe, jugés les moins solides de la zone euro.

"C'est un mouvement d'aversion pour le risque très marqué, qui a débuté vendredi en raison de la Turquie et se poursuit, d'autant plus qu'il n'y a pas beaucoup de liquidités, ce qui exacerbe ce mouvement", a commenté auprès de l'AFP Guillaume Rigeade, gérant allocation d'actifs et dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management.

"Nous sommes dans l'attente de savoir comment peut se formaliser une sortie de crise", ajoute le spécialiste.

Mais les dirigeants turc et américain semblaient peu disposés à baisser le ton dans l'immédiat. Lundi, le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui impute à un "complot" américain la chute brutale de la livre turque, a accusé les Etats-Unis de chercher à frapper le pays "dans le dos".

Incertitude sur l'Italie

Les marchés s'inquiétaient en outre des tractations en cours au sein du gouvernement italien pour le budget 2019, qui entend avancer sur les promesses phares des deux partis: baisses d'impôts drastiques et création d'un revenu de citoyenneté.

Le gouvernement est en train "de mettre en place le budget de 2019, et cela semble compliqué. Il y a beaucoup d'incertitudes entre ceux qui sont agressifs comme Luigi Di Maio (le vice-Premier ministre italien, NDLR) et ceux qui sont plus conciliants comme Giovanni Tria (le ministre de l'Economie). Tant qu'il n'y aura pas de proposition de Budget remportant l'adhésion de l'ensemble des partis, cela créera de l'incertitude sur l'Italie", détaille M. Rigeade.

Dans un entretien au Corriere della Sera lundi, Luigi Di Maio a promis "le plus grand respect des équilibres budgétaires", mais a demandé à l'Europe de lui "laisser faire les réformes" qui permettront "de réduire la dette publique et l'augmentation de la demande interne".

De toutes les façons, après les élections européennes de 2019, "on en aura fini avec l'époque de l'austérité et on entamera un septennat de budgets d'expansion", a affirmé le responsable italien.

Toutes ces déclarations ont encore avivé les craintes des investisseurs très réticents à conserver des emprunts italiens dans leurs portefeuilles.

A 18H00 (16H00 GMT), le taux d'emprunt à dix ans de l'Allemagne s'est très légèrement détendu à 0,311% contre 0,317% vendredi, à la clôture du marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise.

A l'inverse, celui de la France est monté, s'établissant à 0,681% contre 0,670%.

Le taux d'emprunt à dix ans de l'Italie a quant à lui nettement progressé à 3,102% contre 2,993%. Celui de l'Espagne a suivi la même tendance, bien que moins marquée, à 1,454% contre 1,407%, tout comme celui du Portugal à 1,846% contre 1,778%.

En dehors de la zone euro, le taux d'emprunt britannique à dix ans s'est un peu tendu, à 1,252% contre 1,242%.

A la clôture des marchés européens, le taux d'emprunt à dix ans des États-Unis était quasiment stable à 2,870% contre 2,873% vendredi, tandis que celui à 30 ans montait à 3,041% contre 3,030%. Celui à deux ans s'établissait pour sa part à 2,612% contre 2,604%.

afp/rp