Paris (awp/afp) - Les dettes des pays du sud de l'Europe, Italie en tête, ont enregistré une nette tension mercredi, du fait des craintes suscitées par l'esquisse d'un programme de gouvernement en Italie envisagée par la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste).

Parallèlement, les pays considérés comme les plus solides, en particulier l'Allemagne, ont joué à plein leur rôle de refuge et se sont détendus.

"La tension est généralisée pour les pays du sud de l'Europe, mais le mouvement est plus marqué pour l'Italie, ce qui est assez logique", a résumé auprès de l'AFP Eric Bourguignon, directeur général délégué de Swiss Life Asset Management France.

"Le risque politique prend en effet une certaine ampleur avec la coalition gouvernementale qui est en train de se mettre en place en Italie et qui considère que l'union monétaire n'est pas une bonne chose, qui projette des dépenses pharaoniques et envisage des réformes structurelles qui pourrait remettre en cause la solvabilité de l'Italie", a-t-il développé.

Une sortie de l'euro, la renégociation des traités européens, l'annulation de 250 milliards d'euros de la dette italienne par la BCE figurent, entres autres mesures, dans une ébauche de "contrat de gouvernement" entre la Ligue et le M5S publiée par le Huffington Post.

Confirmée à l'AFP par une source proche du M5S, cette version datant de lundi matin est toutefois "dépassée" et a été "amplement modifiée", ont indiqué dans un communiqué les deux formations, dont les tractations se poursuivent en vue de la formation d'un gouvernement antisystème en Italie.

- Bund "grand gagnant" -

"Ces projets créent un climat anxiogène et la politique italienne met tous les pays les plus fragiles sous tension" car avec un fort endettement par rapport à son produit intérieur brut "l'Italie est le pays le plus fragile, mais ce n'est pas le seul", a relevé M. Bourguignon.

Pour autant, face à toutes ces pistes de gouvernement et notamment celle d'un effacement de 250 milliards d'euros de dette, la réaction du marché n'est pas si excessive, a estimé le spécialiste.

Dans ce contexte, selon lui, "le grand gagnant de la séance est le Bund", le taux d'emprunt à dix ans de l'Allemagne qui sert d'étalon au marché, "qui baisse sensiblement et efface sa hausse des derniers jours".

Car "la tendance de fond du marché est à une remontée des taux d'intérêt", rappelle-t-il. C'est le corollaire d'une économie qui va mieux et d'une banque centrale européenne appelée à arrêter progressivement son soutien à l'économie.

"Mais jusqu'ici la BCE a tout fait pour éviter que cette remontée aille trop vite. Et ce n'est pas ce qui se passe en Italie qui va lui donner envie d'aller plus vite", analyse M. Bourguignon.

Après la crise de la dette en Europe, "il y a eu un assainissement budgétaire et une amélioration conjoncturelle. Mais il reste d'importants stocks de dette et la situation n'est tenable que si le refinancement se fait à des taux raisonnables.

A 18H00 (16H00 GMT), le taux d'emprunt à dix ans de l'Italie a fini en hausse à 2,117% contre 1,954% mardi à la clôture du marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise.

La tension a été aussi forte pour celui de la Grèce qui a terminé à 4,373% contre 4,129% la veille.

Elle a été moindre, mais néanmoins prégnante, pour le taux de l'Espagne, à 1,412% contre 1,359%, et celui du Portugal, à 1,807% contre 1,741%

A l'inverse le taux d'emprunt à dix ans de l'Allemagne a baissé à 0,606% contre 0,645%, tout comme celui de la France à 0,843% contre 0,863%.

En dehors de la zone euro, le taux d'emprunt britannique à dix ans a clôturé à 1,503% contre 1,517%.

A la clôture des marchés européens, le taux d'emprunt à 10 ans des États-Unis se stabilisait, après avoir atteint un plus haut depuis juillet 2011 mardi, à 3,078% contre 3,072% mardi, à l'instar de celui à 30 ans à 3,207% contre 3,201%. Le taux d'emprunt américain à deux ans s'établissait pour sa part à 2,573% contre 2,575%.

afp/al