Acteur mondial du légume (39% Conserves, 37% Frais, 24% Surgelés), le groupe de la famille Bonduelle peine à reprendre de la hauteur en Bourse après avoir relativement bien résisté lors du krach-Covid. Si le surgelé et la conserve se portent bien, le surstockage a ses contrecoups et la consommation hors domicile continue de trinquer. Surtout, la profitabilité reste affectée par une activité frais américaine qui peine à se redresser, 4 ans après l’acquisition de Ready Pac Food. Après l’enthousiasme suscité par cette acquisition majeure, les déconvenues se sont multipliées. Au point que la place semble cristalliser son attention sur ce point. En s’étant renforcé au capital depuis la fin mars, les actionnaires familiaux offrent une bonne raison d’espérer. 

Grégory Sanson, dans quelle mesure la crise sanitaire occasionne une adaptation de la stratégie de Bonduelle ?

« Les circonstances actuelles ne modifient pas notre stratégie. Cette dernière répond à un double enjeu : croitre de façon durable donc rentable en ayant un impact sociétal positif. L’inscription de notre raison d’être dans nos statuts va dans ce sens : « Nous inspirons la transition vers l’alimentation végétale pour contribuer au bien-être de l’Homme et à la préservation de la planète ». Notre mission consiste donc à fournir des produits végétaux sains, sûrs et accessibles à une population mondiale croissante, tout en accompagnant nos partenaires agriculteurs et en satisfaisant l’exigence de rentabilité des capitaux investis. La crise sanitaire, en réhaussant l’importance des problématiques sanitaires et environnementales, nous conforte dans nos orientations. »

Quelles tendances de consommation ressortent de cette crise ?

« Clairement, quelles que soient les zones où nous sommes présents, les produits de longue conservation comme la conserve et le surgelé ressortent renforcés, alors que le frais emballé est impacté. En termes de canaux de distribution, la GMS a vu sa croissance dynamisée et compenser la chute de l’ordre d’un quart des ventes en RHD, restauration commerciale en tête. Maintenant, aujourd’hui encore il est difficile de dire ce qu’il en restera dans quelques années. Nous pensons que si la cuisine à domicile en sortira renforcée, pour autant la praticité des produits frais emballés peut tirer son épingle du jeu. Ces phénomènes nous confortent dans la nécessité d’avoir une offre diversifiée. »

Le développement « multi-local » de Bonduelle (source : société - février 2021)

Comment évoluent les parts de marché du Groupe dans ses principaux pays/segments ? 

« Elles sont en hausse, que ce soit dans les marchés en croissance comme le Surgelé ou la Conserve, ou dans les marchés en déclin ponctuel comme le Frais. Tout simplement car les produits innovants et à marque engagée sont plébiscités par des consommateurs davantage prêts à payer le juste prix pour une alimentation de qualité emballée de façon responsable, c’est-à-dire moins consommateurs d’emballage ou incorporant des matériaux plus recyclables. »

Quel sera l’impact de la hausse des matières premières sur votre marge brute et votre marge opérationnelle sur l’exercice en cours ?

« La moitié de notre activité est réalisée sur longue conservation, qui dépend principalement de la récolte estivale. Nous sommes assez confiants dans notre capacité à répercuter l’inflation que nous aurons  en amont sur les prix en aval de la filière lors des récoltes. Notamment car certains distributeurs nous accompagnent dans la juste rémunération de l’amont (agriculteur et industriel) compte tenu du fait que le consommateur est prêt à payer pour la qualité. Cette logique nous paraît fondamentale en ce qu’elle pérennise nos approvisionnements et les débouchés de nos fournisseurs avec qui 98% des contrats annuels sont renouvelés d’année en années. Quant à l’atterrissage chiffré de nos marges sur notre exercice qui s’achève en juin, nous visons, moyennant 1 à 2% de croissance du CA, une stabilité de la marge brute, ce qui est satisfaisant en période d’inflation, et une marge opérationnelle - à taux de change et périmètre constant - en bas de la fourchette 3,6%-3,8% que nous avons indiqué. »

Pourquoi visez-vous à présent le bas de fourchette ? 

« La crise sanitaire se prolongeant, la RHD continue de pénaliser notre chiffre d’affaires et de désorganiser notre activité, occasionnant de la volatilité et des surcoûts de production et logistiques. En Amérique notamment, le redressement de nos marges est ralenti par le manque de main d’œuvre disponible pour la récolte de produits frais. »

Présentation investisseurs de Bonduelle (février 2021)

Ces difficultés persistantes dans le Frais en Amérique expliquent-elles la division du cours de Bourse part plus de deux depuis début 2018 ? 

« En grande partie. L’acquisition il y a 4 ans, pour 400M$, de Ready Pack Food, le premier producteur de salades-repas en portion individuelle aux États-Unis avait suscité un emballement quelque peu excessif. Depuis, les 800M$ de CA acquis ont été confrontés à des difficultés d’ordres sanitaire, commercial avec la moindre contribution d'un distributeur du fait de sa stratégie de diversification, ou encore opérationnelles avec une pénurie de main d’œuvre impactant nos usines. Mais nous sommes confiants sur la trajectoire de redressement engagée par cette activité qui doit rejoindre à terme le niveau de retour sur capitaux investis référence du Groupe, autour des 12% réalisés avant cette acquisition, contre 7-8% actuellement. Cela passe notamment par l’automatisation accrue de nos process, chantier sur lequel nous obtenons des résultats encourageants.»

Quelle est la signification de l’augmentation de capital réservée à vos fournisseurs agriculteurs annoncée cette semaine à l’occasion de la publication de votre 3e trimestre ?

« Cette petite opération qui va nous permettre de lever 2M€ est surtout symbolique, renforçant notre logique de filière et de partage de la création de valeur avec nos partenaires agriculteurs. Les défis auxquels ils font face pour produire autant avec moins d’intrants nécessitent un accompagnement technique de notre part et leur participation au succès de Bonduelle aligne nos intérêts dans la durée.»

Bonduelle a toujours allié croissance organique et externe. Sur quels marchés le Groupe a-t-il le plus de probabilité de réaliser de la croissance externe ?

« Notre priorité est aujourd’hui à cette création valeur dans le frais américain. Cela étant, nous visons effectivement une croissance annuelle de 5% dont la moitié par croissance externe. En la matière, nous privilégierons les marques fortes, les sociétés ayant adopté des standards agro-industriels au niveau des nôtres. Nos parts de marché étant déjà élevés en Europe, il s’agirait plutôt d’acquérir des niches, alors qu’hors Europe nous pourrions réaliser des acquisitions d’envergure, sachant qu’avec un ratio d’endettement DFN/EBE de 3x en fin d’exercice nous avons de la marge par rapport à la limite de 3,5x que nous nous sommes fixés. Pour autant, il s’agit de rester sélectif, les ratios de valorisation étant actuellement élevés dans l’ensemble. »

Cours de Bonduelle depuis son arrivée en Bourse en 1999 (source : Prorealtime )