Je discutais l'autre jour avec un ami aussi féru de marchés financiers que de géopolitique. Nous en sommes venus à parler du plus gros risque pesant sur les actions. A sa demande, je me suis lancé dans un catalogue assez scolaire des menaces, en insistant lourdement sur les politiques monétaires. Après m'avoir laissé terminer mon petit laïus, il m'a juste asséné un "tu te trompes", avant d'enchaîner "tous les risques que tu m'as décrits sont bien compris : le marché les appréhende plus ou moins bien, mais globalement, il sait les gérer". Le Risque avec un grand "R" du moment, c'est une invasion de l'Ukraine par la Russie, parce que personne n'en connaît les conséquences réelles, et surtout pas les marchés financiers.

Bon évidemment, j'aurais sûrement dû parler de cette anecdote la semaine dernière, ce qui m'aurait permis de briller un peu avant les autres. Vendredi, Wall Street a brutalement pris conscience de la gravité de la situation à l'est de l'Europe. Ce réveil est venu alourdir un climat déjà pesant, jusqu'à enfoncer le Nasdaq 100 de 3% et le S&P500 de près de 2%. L'Europe avait déjà viré au rouge plus tôt dans la journée, toujours secouée par le nouveau dérapage de l'inflation aux Etats-Unis. En réalité, mon ami a reconnu que d'autres facteurs de risque sont aussi à prendre en considération, la flambée des prix plus que tout autre. Mais ce qu'il a voulu m'expliquer, c'est qu'une invasion de l'Ukraine par la Russie serait un événement d'une autre nature, qui aurait des conséquences bien plus difficiles à prévoir que celles d'un simple cycle économique, fut-il particulièrement complexe.

Pour l'heure les chancelleries s'affairent, mais tout cela ressemble à un dialogue de sourds. Si vous avez quelques minutes, lisez l'excellent article d'Anne Applebaum dans The Atlantic sur la vacuité et les erreurs de la diplomatie occidentale face à Vladimir Poutine.

Cette nouvelle couche d'inquiétude, ou plutôt le réveil un peu tardif des marchés financiers vis-à-vis de la situation à l'est de l'Europe, entraîne un net rebond de la volatilité, symbolisée par l'indice VIX qui remonte en flèche. Si la géopolitique et la macroéconomie inquiètent, l'échelon des entreprises a plutôt tendance à rassurer, du moins dans l'immédiat puisqu'on sait bien que les remous globaux finissent par rattraper l'économie réelle. Concrètement, le bilan des publications des 72% des entreprises américaines de l'indice S&P500 qui ont présenté leurs chiffres ressemble à ceci :

  • D'abord, le nombre de sociétés qui dépassent les estimations de bénéfice par action est supérieur à la moyenne sur cinq ans, mais la proportion de dépassement est conforme à la moyenne sur cinq ans. En langage moins abscons, les résultats des entreprises sont bons (i.e. ils sont comme d'habitude supérieurs aux prévisions toujours un peu trop prudentes des analystes) mais il n'y a plus de dépassements exubérants comme on a pu les voir lors des précédents trimestres.
  • Plus intéressant, le multiple de valorisation des actions par les bénéfices, le fameux PER, s'établit à 19,8 fois les résultats attendus dans un an. Cela reste supérieur à la moyenne sur 5 ans (18,6) et sur 10 ans (16,7), mais cela représente une réduction substantielle par rapport au niveau de 21,3 fois affiché fin 2021. La baisse des cours des actions et des prévisions de bénéfices un peu plus élevées expliquent cette réduction des multiples. En Europe, je n'ai pas le bilan chiffré pour l'instant mais la tendance générale est aussi favorable, avec des écarts moins importants par rapport aux attentes. Le vieux continent est aussi plus modérément valorisé : l'univers de couverture d'AlphaValue, qui comprend plus de 400 actions européennes, affiche un PER 2022 moyen de 15,6 fois.

Résultats porteurs ou pas, les indicateurs avancés européens sont bien ancrés dans le rouge ce matin. Tokyo a perdu 2,2% et les places chinoises sont en baisse de plus de 1%. Le CAC40 perd plus de 2% à 6843 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Pas grand-chose à se mettre sous la dent, hormis la production industrielle de décembre en Europe (11h00). Il faut toutefois noter deux discours de banquiers centraux. L'américain James Bullard, qui avait dit tout et son contraire depuis le début du mois (17h00) et l'européenne Christine Lagarde, dont la tâche a consisté la semaine dernière à essayer de rétropédaler après ses commentaires offensifs sur les hausses de taux (17h15). Notons aussi que la Fed a organisé un "Closed Board Meeting" aujourd'hui à 17h30, qui suscite certaines interrogations et un peu de spéculation.

La paire euro / dollar évolue à 1,13466 USD, pendant que l'once d'or prend la pente ascendante à 1853 USD. Grosse remontée du pétrole pendant le weekend, avec un baril de Brent à 95,60 USD et un baril WTI tout près de 94,50 USD. Le rendement de la dette américaine a reculé à 1,95% durant le weekend, après être monté à plus de 2% sur 10 ans. Le bitcoin recule à 41 800 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • AMG Advanced Metallurgical Group : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 42 EUR.
  • Aveva : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 3250 GBp.
  • Bakkafrost : Fearnley passe de vendre à conserver en visant 720 NOK.
  • Barclays : KWB passe de surperformance à performance de marché en visant 215 GBp.
  • Delivery Hero : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 46 EUR.
  • Electricité de France : AlphaValue passe d'accumuler à alléger en visant 8,50 EUR.
  • Grieg Seafood : Fearnley passe de conserver à acheter en visant 121 NOK.
  • Italgas : Citigroup passe de vendre à neutre.
  • H. Lundbeck : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 219 à 211 DKK.
  • Komax : Research Partners relève son objectif de cours de 300 à 325 CHF.
  • Legrand : AlphaValue passe d'alléger à accumuler en visant 97,40 EUR.
  • Norway Royal Salmon : Fearnley passe d'acheter à conserver en visant 250 NOK.
  • Prudential Plc : Goldman Sachs démarre le suivi à l'achat en visant 1761 GBp.
  • Rheinmetall : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 110 à 115 EUR.
  • Schibsted : deux neutres à l'achat en visant 300 NOK.
  • Snam : Citigroup passe de vendre à neutre.
  • Steico : Berenberg passe de conserver à acheter en visant 123 EUR.
  • Terna : Citigroup passe de neutre à achat.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Le Crédit Agricole va se concentrer sur la croissance interne en Italie.
  • Un accord entre le gouvernement italien et Stellantis sur le projet d'usine de batteries du constructeur automobile à Termoli, dans le sud du pays, sera signé très prochainement, selon le gouvernement transalpin.
  • Tikehau lance son premier placement privé durable aux Etats-Unis, pour 180 M$.
  • SES crée une coentreprise avec Jio Platforms pour développer les réseaux en Inde.
  • AB Science réagit après la séance publique du 11 février 2022 de la Commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers.
  • Electricité de Strasbourg a publié ses comptes et/ou des prévisions.

Dans le monde

Annonces importantes (et autres)

  • Cisco aurait proposé de racheter Splunk pour plus de 20 Mds$, selon le WSJ.
  • Clariant a ouvert une enquête comptable en raison de soupçons d'irrégularités pour l'année 2020 et le premier semestre 2021, après les informations de lanceurs d'alerte internes. La publication des résultats est décalée.
  • ConocoPhillips envisage de vendre 1 Md$ d'actifs dans la zone permienne.
  • Intel lance une puce blockchain pour exploiter le boom des cryptomonnaies.
  • Lockheed Martin met fin à l'accord de 4,4 Mds$ pour l'acquisition d'Aerojet Rocketdyne.
  • La pilule anti-Covid de Pfizer autorisée en Chine.
  • D'Ieteren entre en négociations exclusives pour acquérir Parts Holding Europe.
  • Le géant pétrolier saoudien Aramco a transféré 4% de ses actions au Fonds d'investissement public (PIF) du pays.
  • Les actions Advanced Micro Devices ont perdu 10% vendredi après l'annonce d'une cession de titres par le directeur financier.
  • Principales publications du jour : BHP Group, The Charles Schwab, Capgemini, Tokio Marine, Michelin, Rakuten, Temenos, InterpumpTout l'agenda ici.

Lectures