(Actualisé avec précisions, contexte)

OUAGADOUGOU, 24 janvier (Reuters) - L'armée du Burkina Faso a annoncé lundi avoir déposé le président Roch Marc Christian Kaboré, suspendu la Constitution, dissout le gouvernement et l'Assemblée nationale et fermé les frontières du pays, confronté selon eux à une "dégradation continue" de sa sécurité.

Ce putsch est une nouvelle secousse au Sahel, où des pays européens, en premier lieu la France, s'efforcent de lutter contre des groupes islamistes armés qui déstabilisent les pouvoirs en place.

Dans un communiqué, signé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et lu par un autre officier à la télévision nationale, les militaires assurent que leur prise de pouvoir s'est déroulée "sans effusion de sang et sans aucune violence physique sur les personnes arrêtées qui sont détenues en lieu sûr dans le respect de leur dignité".

Cette annonce a été faite au nom du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), un nouveau mouvement dont Paul-Henri Sandaogo Damiba est présenté comme le président.

Citant la dégradation de la situation sécuritaire et "l'incapacité manifeste" de Roch Kaboré à unir les Burkinabés, le MPSR a déclaré avoir "décidé d'assumer ses responsabilités" et de déposer le président.

"Le mouvement, qui regroupe toutes les forces de défense et de sécurité, a décidé de mettre fin au pouvoir de Monsieur Roch Marc Christian Kaboré ce 24 janvier 2022", a annoncé le MPSR.

Les militaires s'engagent à "proposer dans un délai raisonnable après consultation des forces vives de la nation un calendrier de retour à un ordre constitutionnel accepté de tous".

Le MPSR a également instauré un couvre-feu de 21h00 à 05h00 du matin sur tout le territoire, à partir de lundi et jusqu'à nouvel ordre.

INCONNUES AUTOUR DU SORT DE KABORÉ

Cette allocution télévisée intervient après deux jours de troubles au Burkina Faso, où des fusillades sont survenues dimanche dans plusieurs casernes de l'armée, les soldats demandant davantage de moyens pour lutter contre les groupes djihadistes Al Qaïda et Etat islamique qui déstabilisent aussi le Mali voisin, lui-même théâtre de deux coups d'Etat en 18 mois.

Les militaires ont aussi pris le pouvoir en Guinée, où ils ont renversé le président Alpha Condé en septembre, et au Tchad, après la mort du président Idriss Déby en avril dernier dans des combats.

Le sort de Roch Kaboré était inconnu lundi, après que des fusillades ont été entendues aux alentours de sa résidence dans la nuit de dimanche à lundi.

Le parti de Roch Kaboré a déclaré que le président burkinabé avait survécu à une tentative d'assassinat, sans donner plus de détails, ajoutant que sa résidence avait été mise à sac.

Plus tôt dans la journée, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) avait dénoncé une "tentative de coup d'Etat" et prévenu qu'elle tenait l'armée pour responsable de "l'intégrité physique" du président.

Le Burkina Faso, l'un des pays les plus pauvres d'Afrique de l'Ouest malgré son activité dans la production d'or, a été le théâtre de nombreux coups d'Etat depuis 1960, date de son indépendance.

Les insurgés islamistes ont étendu ces dernières années leur influence dans de nombreuses régions du pays où ils imposent une vision rigoriste de la loi islamique. La lutte contre ces groupes armés a entamé les maigres ressources financières du pays.

Ces derniers mois, Roch Kaboré a été confronté à une vague de protestations contre les fréquents meurtres de civils et de soldats par des militants souvent affiliés à l'État islamique et à Al Qaïda. (Reportage Thiam Ndiaga, David Lewis, Ange Aboa, Nellie Peyton, Bate Felix et Moussa Aksar, rédigé par Estelle Shirbon, version française Tangi Salaün, Laetitia Volga, Blandine Hénault et Camille Raynaud, édité par Bertrand Boucey)