Des deux grandes options dont elle disposait, la BCE a choisi la plus rude : relever son principal taux directeur de 0,75 point, après avoir déjà donné un premier tour de vis de 0,50 point précédemment. En deux réunions, le prix de l'argent est passé de 0 à 1,25% en Europe. Ce faisant, la banque centrale de la zone euro a suivi le même chemin que plusieurs de ses homologues avant elle. L'objectif est de réduire l'offre de liquidités pour calmer l'activité économique et donc les prix. Enfin, si tout se déroule comme prévu évidemment, parce que le choc énergétique à l'œuvre brouille quand même un peu la transmission de la politique monétaire. Ce resserrement de 0,75 point avait les faveurs du marché et manifestement celles des banquiers votant à la BCE, qui ont été unanimes dans leur décision, a pris soin de préciser l'institution.

Presque en même temps, le patron de la Fed, Jerome Powell, tenait un discours de fermeté aux Etats-Unis, confirmant la détermination de la banque centrale américaine à pratiquer une politique d'austérité aussi longtemps que nécessaire. Ce qui n'a pas empêché le dollar de lâcher du lest après une longue série haussière. L'euro est repassé au-dessus de la parité et le Dollar Index, qui confronte le billet vert à six grandes devises, est redescendu de 110 à 108 points. Le yen a notamment repris du terrain après des déclarations des autorités japonaises qui font penser aux cambistes que la banque centrale pourrait intervenir pour soutenir une monnaie qui a cédé un quart de sa valeur en 2022 contre le dollar. Sur le marché de la dette souveraine, le 10 ans américain n'a que peu bougé, autour de 3,29%, tandis que les signatures européennes se sont logiquement redressées après la décision : 1,71% pour le Bund allemand ou 2,25% pour l'OAT française.

Les marchés boursiers ont donc accueilli avec un certain flegme toute l'agitation de la veille, même si elle confirme des lendemains plus compliqués pour l'économie. Le pétrole a en parallèle poursuivi sa décrue pour revenir sous les 90 USD le baril de Brent, ce qui n'était plus arrivé depuis le tout début du mois de février. Une bonne nouvelle pour l'inflation. Paradoxalement malgré l'accumulation des vents contraires, il y a probablement moins d'incertitudes actuellement qu'il n'y en avait il y a quelques semaines. Enfin, il faut quand même se méfier un peu du terme "incertitude". C'est la digression du vendredi.

Dans notre monde où tout a l'air si profondément quadrillé, collecté, catégorisé, suivi et analysé, il est toujours curieux de constater le pouvoir de déstabilisation des événements qui sortent de l'ordinaire. A moins que ce ne soit le contraire : c'est parce que tout est bien rangé que la moindre tangente désorganise tout. On l'a vu avec la crise des subprimes. On l'a revu avec le coronavirus. Et aussi avec la guerre en Ukraine. La réalité, c'est qu'aucune de ces crises n'est sortie de nulle part. Des institutions financières avaient très tôt signalé le risque que représentait la masse des prêts hypothécaires américains. Mais pourquoi s'en faire tant que tout le monde se goinfrait ? Les pandémies figurent depuis longtemps dans le catalogue des menaces que les gouvernements savent qu'ils auront à affronter. Mais en queue de classement, loin derrière la grogne sociale ou les querelles politiques. Quant à l'Ukraine, les tensions ressurgissaient ponctuellement dans l'actualité, mais le sort des anciens satellites soviétiques n'était pas considéré comme une source majeure de désordre.

J'évoque ces grands événements mais beaucoup d'autres ont façonné les vingt dernières années : les attentats du World Trade Center, l'ouragan Katrina, la guerre civile Syrienne, la crise de la zone euro, Fukushima, l'arrivée de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis et j'en oublie sûrement une flopée. En réalité, il se passe toujours quelque chose d'inattendu dans le monde. Et chacun de ces événements a apporté son lot de stupéfaction, de tensions, de réactions. N'oubliez pas qu'il n'y a pas si longtemps, tout le monde se fichait bien de savoir si l'armée allemande avait des obus pour ses chars, d'où venaient les masques utilisés par le secteur médical ou quel régime interlope nous abreuvait en matières premières. Ce qui change, c'est notre complaisance collective vis-à-vis du cours des choses. Cette complaisance était au niveau maximum jusqu'à la fin de l'automne 2021. Les risques ont toujours été là. Les gens étaient simplement aveugles à ces risques, le résume mieux que moi l'auteur américain Morgan Housel pour qui "les gens sont plus conscients que l'avenir peut prendre n'importe quelle direction, que ce qui est prospère aujourd'hui peut s'évaporer demain, et que les prédictions qui semblaient assurées il y a quelques mois peuvent paraître folles aujourd'hui".

C'est intéressant parce que ces phases peuvent permettre de rebâtir certaines choses. L'UE est en plein dedans, avec sa stratégie énergétique ou son positionnement géopolitique. Pour un investisseur, c'est une leçon intemporelle : de la même façon qu'il faut songer en permanence à son risque, il faut aussi estimer sa propre complaisance vis-à-vis du contexte. Et tâche bien plus ardue, la complaisance de la foule, c’est-à-dire du marché financier. Prendre un peu de hauteur ne fait jamais de mal. Mais je vais rassurer les plus cyniques : le monde a une cervelle de moineau et il suffit que les planètes de la complaisance s'alignent à nouveau, fut-ce au forceps, pour que tout reparte comme avant.

L'Asie Pacifique termine la semaine dans le vert. Les hausses sont relativement modérées en Australie et au Japon, mais nettement plus vigoureuses en Chine. Le Hang Seng de Hong Kong gagne plus de 2% à l'heure où ces lignes sont écrites et Shanghai reprend 1,2%. Les marchés européens sont attendus en hausse à l'ouverture. Si les choses ne se déroulent pas trop mal aujourd'hui, les indices pourraient connaître leur première hausse en quatre semaines. Le CAC40 a démarré la séance en hausse de 0,4% à 6154 points.

J'apporte quand même ma contribution aux hommages après la disparition de la Reine d'Angleterre, comme promis à ma fille qui m'a regardé avec des yeux ronds hier soir en me disant "quoi, mais tu vas même pas en parler ???". Elle donnait l'impression d'être bienveillante et d'avoir du bon sens (Elisabeth II, pas ma fille), des qualités qui ne sont pas si répandues au XXIe siècle. Ce qui explique probablement la vague de sympathie et la couverture médiatique ahurissante dont bénéficie l'événement depuis hier soir. Pour ma part, je préfère un hommage bruyant, mais un hommage quand même

Les temps forts économiques du jour

Les stocks des grossistes américains sont attendus à 16h00. Tout l'agenda macro ici. Ce matin, la Chine a publié une hausse de ses prix à la consommation et à la production inférieure aux attentes en août.

L'euro est remonté à 1,0074USD. L'once d'or rebondit aussi à 1719 USD. Le pétrole reste en revanche sous pression, avec un Brent de Mer du Nord à 83,70 USD le baril et un brut léger américain WTI à 89,40 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans est reparti en baisse à 3,23%. Le bitcoin remonte autour de 20 300 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Arkema : Deutsche Bank reste à l'achat avec un objectif réduit de 135 à 120 EUR.
  • BKW : Baader Helvea passe d'alléger à accumuler en visant 125 CHF.
  • Burkhalter : Research Partners reste à conserver avec un objectif relevé de 80 à 84 CHF.
  • Compagnie Financière Richemont : Barclays reste à surpondérer avec un objectif relevé de 142 à 152 CHF.
  • Delta Plus : GreenSome Finance reste à l'achat avec un objectif relevé de 101 à 103,60 EUR.
  • Energean : Berenberg reste à l'achat avec un objectif relevé de 1540 à 1750 GBp.
  • EssilorLuxottica : HSBC réduit son objectif de cours de 210 à 195 EUR.
  • HeidelbergCement : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 51 EUR.
  • Hermès : Barclays passe de pondération en ligne à surpondérer en visant 1450 EUR.
  • Media and Games Invest : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 5,50 à 4 EUR.
  • Nel ASA : Crédit Suisse passe de neutre à sousperformance en visant 10 NOK.
  • NHOA : Kepler Cheuvreux démarre le suivi à l'achat en visant 17 EUR.
  • Reckitt : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif relevé de 5425 à 5600 GBp.
  • Synlab : Berenberg démarre le suivi à l'achat en visant 19 EUR.
  • The Swatch Group : Barclays passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 295 CHF.
  • Tod's : Barclays passe de souspondérer à pondération en ligne en visant 40 EUR.
  • Urban Logistics : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 185 GBp.
  • Vicat : HSBC passe de conserver à alléger en visant 23 EUR.
  • Warehouse REIT : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 175 GBp.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Airbus a livré 380 appareils et reçu 637 commandes nettes sur 8 mois.
  • ArcelorMittal va mettre à l'arrêt l'un de ses hauts-fourneaux polonais en raison des conditions de marché et du prix de l'énergie.
  • Veolia lance un plan d’actionnariat salarié.
  • Des données de phase III montrent une amélioration des signes et symptômes du prurigo nodulaire avec le Dupixent de Sanofi.
  • Imerys négocie la vente à Syntagma de ses actifs destinés à l'industrie du papier (kaolin, talc, carbonate de calcium).
  • Aéroports de Paris et Rémy Cointreau entrent dans l'indice CAC Next20 aux dépens d'Atos et Scor.
  • Somfy et Antin Infrastructure Partners entrent dans le SBF120. Maisons du Monde en sort.
  • Rexel entre dans l'indice CAC 40 ESG.
  • Roche Bobois rachète trois franchisés aux Etats-Unis.
  • Delta Plus Group acquiert Drypro, leader sur le segment des bottes de travail haut de gamme au Mexique.
  • Theranexus et la fondation BBDF finalisent le recrutement de l’étude de phase I/II évaluant Batten-1 dans la maladie de Batten.
  • PCAS, Vranken-Pommery Monopole, Miliboo et Rubis ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Mercedes et Rivian veulent produire ensemble des camionnettes électriques.
  • Merck KGaA va créer 800 emplois dans son usine alsacienne de Molsheim.
  • T-Mobile US gonfle son programme de rachat d'actions à 14 Mds$.
  • Tesla songe à installer une raffinerie de lithium au Texas.
  • S&P relève la note crédit de Barry Callebaut à "BBB".
  • Le détaillant de mode en ligne ASOS annonce des ventes faibles en août.
  • Le rachat de Quantile par le London Stock Exchange reçoit un feu vert provisoire de l'antitrust britannique.
  • Telecom Italia est proche de vendre une participation minoritaire dans sa branche de services aux entreprises.
  • General Motors dévoile un SUV électrique.
  • Le constructeur de véhicules électriques Leapmotor mettrait son IPO à Hong Kong en sourdine.
  • Principales publications du jour : Kroger, Computacenter, Interparfums, Viel… Tout l'agenda ici.

Lectures