Chaque mois, l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles, la fédération professionnelle transfrontalière en Europe) publie, autour du 16 à 8h00 du matin, un bilan des immatriculations de véhicules neufs qui agrège les données de la plupart des marchés du vieux continent. Depuis septembre 2018 et l'entrée en vigueur des nouvelles normes d'émissions polluantes en Europe, le marché souffre (ou plutôt certains constructeurs ont souffert pour mettre leur gamme en adéquation avec les enjeux environnementaux, mais c'est une autre histoire). Résultat, huit mois consécutifs de baisse, jusqu'à une quasi-stabilité (-0,4%) en avril dernier, puis un frémissement (+0,1%) en mai. De quoi espérer un renforcement du rebond en juin ?
 
Pas vraiment à première vue, au regard du bilan publié ce matin par l'ACEA, dont la teneur est résumée par la copie d'écran ci-dessous, prise directement dans la page presse du site de l'organisation.
 
 
On peut y lire que le marché a baissé de -7,8% en juin et que le bilan semestriel est de -3,1%. Chez un grand média américain spécialisé dans la finance dont le nom commence par B et se finit par G, cela donnait ça ce matin : "Les ventes automobiles européennes reprennent leur spirale baissière avec un gros plongeon en juin", accompagné de liens vers deux autres articles à connotation négative, l'un sur les avertissements de Lear et Daimler et l'autre sur le marché automobile chinois (cf. image ci-dessous). D'autres médias ayant pignon sur rue ont aussi exploité cette thématique négative accrocheuse.
 
 
 
En réalité, la situation n'est peut-être pas aussi catastrophique pour le secteur. Il suffit de lire le sous-titre de l'ACEA pour le comprendre. Le communiqué mentionne que "dans une large mesure, cette chute peut être attribuée à un effet calendaire négatif". En l'espèce, précise plus loin l'organisation, le mois de juin n'a compté que 19 jours ouvrés contre 21 en 2018. Il n'y a eu que 1,446 million d'immatriculations contre 1,569 million sur le même mois en 2018, soit une différence de 123 180 véhicules. L'ACEA ne va pas plus loin : elle ne fournit malheureusement pas une estimation de la variation en données ajustées du calendrier.
 
Mais rien ne nous empêche de nous livrer à un exercice d'une simplicité enfantine. En divisant les immatriculations totales par le nombre de jours ouvrés par exemple. Il apparaît ainsi que les ventes quotidiennes moyennes de juin 2018 ont atteint 74 731 véhicules tandis que celles de juin 2019 représentent 76 115 véhicules. Soit une hausse de 1,85% entre juin 2018 et juin 2019. Ainsi le "Big June Drop" est-il à relativiser. Sur la base des ventes journalières, on pourrait même titrer "Les ventes automobiles européennes accélèrent en juin". Cela serait excessif au regard de la méthode grossière que nous venons d'utiliser, mais ne serait pas faux. Pas plus que le titre de l'Agence Bloomberg n'est faux d'ailleurs. Mais tout est relatif.
 
Le problème, c'est que la perception est biaisée par le titre de ce papier, un sentiment renforcé par l'ajout juste en dessous de deux articles allant dans le même sens. Que l'industrie automobile mange son pain noir après des années fastes ou que le marché chinois paie ses excès, personne ne le conteste. Mais il faut conserver un certain recul et un esprit critique face aux données. C'est en tout cas une bonne piqûre de rappel pour nous, journalistes, qui sommes souvent tentés de titrer agressivement pour accroître l'intérêt d'un papier, que l'on travaille chez Bloomberg, Zonebourse ou ailleurs. 

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