L’Essentiel :

• Reclassification des dépenses de R&D en dépenses d’investissement

• Capitalisation des dépenses de R&D afin de créer un actif de R&D

• Ajustements des ratios de profitabilité et de capital

Sans plus tarder, entrons dans le vif du sujet.

Un compte de résultat non ajusté retranscrit une vision purement comptable de l’entreprise. En d’autres termes, une image erronée de la réalité financière de l’entreprise. Ceci en raison, à la fois de la complexité de retranscrire cette réalité financière via de simples états financiers, du principe de prudence comptable et enfin d’un certain retard des normes GAAP et IFRS vis-à-vis de l’évolution des actifs des entreprises. L’un des objectifs de la comptabilité d’entreprise est de retranscrire sur papier une réalité complexe et incertaine de la plus prudente des façons. Et ceci même si elle omet ainsi volontairement certains ajustements. Je m’explique.

 

Le principe de prudence comptable

Il est important de connaître le principe de prudence en comptabilité afin de comprendre au mieux la gestion comptable et la classification des dépenses de R&D. Pour ce faire, prenons un exemple.

Que ce soit à l’IFRS ou GAAP, lorsqu’une entreprise acquiert un immeuble, disons pour 100.000€, elle accroît ses actifs non-courants d’un même montant. Si nous partons du postulat que notre entreprise a acheté cet immeuble cash, alors on retrouvera ses 100.000€ du coté des capitaux propres de l’entreprise. Or, même si la valeur réelle (valeur de marché) de cet immeuble est de 150.000€, notre entreprise ajoutera la valeur d’acquisition à son bilan soit 100.000€. Omettant ainsi “volontairement” 50.000€ à son bilan et faussant par la même occasion sa valeur bilantielle.

Ceci s’explique par le fait que les normes comptables trouvent “plus prudent” d’utiliser le coût d’acquisition comme estimation de la valeur que la valeur de marché. C’est un exemple typique du principe de prudence des normes comptables qui, bien que plutôt compréhensible, peut considérablement fausser l’évaluation d’une entreprise. Que ce soit via une approche bilantielle ou une approche par les flux. Il existe d’autres exemples de ce type, comme la valeur de marché de la dette, de l’inventaire, des actifs tangibles… Soit autant d’ajustements à effectuer par l’analyste financier. 

Aujourd’hui nous nous concentrerons sur la gestion comptable des dépenses de R&D, et donc leurs ajustements. Ces dépenses peuvent entièrement fausser l’analyse d’une entreprise lorsqu’elles sont relativement élevées. Tout au long de cet article, une étude de cas sera menée sur Microsoft afin d’imager chacun de mes propos.

Autre exemple des règles de prudence comptable : cliquez ici

 

L'illogisme comptable de la classification des dépenses de R&D :

Revenons sur la construction du compte de résultat d’une entreprise. Un compte de résultat se compose principalement de trois types de dépenses :

  • Les dépenses d'exploitation ou opérationnelles
  • Les dépenses de financement
  • Les dépenses d'investissement

Les dépenses de financement sont relativement simples à reconnaître. Il s’agit de charges découlant du financement de l’entreprise. L’exemple le plus répandu est celui des intérêts financiers d’une dette. Les dépenses d’exploitation, quant à elles, sont des dépenses qui, en théorie, ne produisent des bénéfices que pour la période en cours (i.e l’exercice comptable). Nous pourrions citer la main-d’œuvre ou le coût des matériaux comme les exemples typiques de dépenses d’exploitation. Enfin, les dépenses d'investissement sont des dépenses qui sont censées générer des bénéfices sur plusieurs exercices. Nous pourrions citer, l’achat d’usines ou de terrains. Ces biens ont vocation à être utilisés pendant plusieurs années afin de concevoir des produits ou services pendant un long laps de temps.

Le bénéfice comptable ou résultat net d’une entreprise s’obtient en déduisant du chiffre d’affaires ; dépenses financières (i.g frais financiers) et dépenses d’exploitations (i.g main- d'œuvre, matériaux …). Les dépenses d’investissement n’apparaissent pas au compte de résultat. En revanche, elles sont amorties chaque année ce qui se fait ressentir sur le bilan grâce à la présence d’une charge de ce montant correspondant à la perte de valeur des investissements passés sur l’exercice. Ne sont ainsi comptabilisées que les dépenses destinées à générer des revenus dans la période en cours ainsi que la quote-part annuelle des investissements permettant cette génération de revenu. Si nous souhaitons obtenir le résultat d’exploitation, et ainsi isoler toutes les charges qui ne sont pas opérationnelles, nous n’avons qu'à soustraire au chiffre d’affaires les dépenses d’exploitation. Cela nous donne dans le cas de Microsoft, un résultat d’exploitation de 83 383 M$ en 2022.

Microsoft : Résultat d’exploitation

Si nous entrons un peu dans les détails des lignes précédant le résultat d’exploitation, nous nous apercevons qu’en plus des dépenses liées aux coûts des biens et services vendus,  aux frais généraux et administratifs et aux ventes et marketing, est présente une troisième catégorie appelée “Recherche et Développement”. Cette importante ligne vient diminuer notre résultat opérationnel de 24 512 M$. Ce qui est loin d'être anodin. Or, les dépenses liées à la R&D ne sont-elles pas des dépenses d’investissement ? De tout point de vue, oui elles le sont.

La R&D est une dépense non essentielle au bon fonctionnement de l’actif économique d’une entreprise (i.e le business). Le management peut, de manière totalement arbitraire, stopper ou accroître les dépenses en R&D d’un exercice à l’autre. Le but de ces dépenses d’investissement étant de développer de nouveaux produits ou services en espérant obtenir un retour sur investissement au moins égal au coût du capital sur les capitaux investis dans la recherche et le développement des produits ou services.

Une autre manière de voir les choses et de se demander si l’entreprise peut continuer de fonctionner si ces dépenses de R&D sont supprimées du jour au lendemain. La réponse est oui, même si à long terme cela mènerait sans nul doute à sa perte. La R&D n’étant, pour l’entreprise, qu’un moyen de continuer à innover, de se développer et de rester compétitive.

Prenons un exemple :

Stellantis investit dans une nouvelle usine pour maintenir sa performance opérationnelle. Cela ne signifie pas que Peugeot doit passer en charges toutes les dépenses d'investissement dans cette usine. Stellantis a dû effectuer des dépenses pour maintenir sa performance, mais il s’agit toujours d'un investissement pour l’aider à produire des flux de trésorerie futurs. Si un investissement doit avoir un impact sur la croissance des revenus et des flux de trésorerie d'une entreprise au-delà de la période en cours, cet investissement doit être capitalisé et non passé en charges. Nous verrons donc par la suite comment capitaliser les dépenses de R&D. Mais pour l’instant concentrons-nous sur l’ajustement des flux et sur la compréhension de notre sujet.

Alors pourquoi les dépenses de R&D sont-elles traitées comme des dépenses opérationnelles et non des dépenses d’investissement en comptabilité ? Tout simplement car le principe de prudence, abordé plus haut dans cet article, l’impose et que les normes comptables n’ont pas su s’adapter aux évolutions des entreprises. Je m’explique.

Primo, la composition des actifs d’une entreprise a fortement évolué. Bon nombre de sociétés comptent désormais une part plus importante d’actifs intangibles que d’actifs tangibles. Or, les normes comptables n’ont pas su se transformer pour accompagner cette évolution. Pire encore, nous pourrions même affirmer qu’elles ont fait machine arrière en supprimant en 1975 la possibilité de capitaliser les dépenses de R&D (GAAP). En réalité, un nouveau projet de loi "H.R1304" a été déposé auprès du congrès américain en 2021 pour plus ou moins revenir sur cette décision, mais il n'a pour l'instant pas donné suite.

Évolution de la part d’actif tangible dans les bilans des sociétés du S&P 500 (1975 - 2020).

Deuzio, étant impossible d’estimer le retour sur investissement d’une dépense de R&D au préalable, les normes comptables considèrent qu’il est plus prudent de considérer ces dépenses comme n’ayant aucun retour sur investissement et de les traiter comme de simples dépenses. Si le retour sur investissement de ces dépenses est positif, cela fera croître les bénéfices futurs et sera donc régularisé tôt ou tard au sein même du compte de résultat. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si le retour sur investissement est nul ou négatif, les bénéfices d’aujourd’hui sont d’ores et déjà imputés de ces dépenses et les bénéfices de demain ne seront pas plus importants. Or, si l'on suit ce raisonnement, il existe un certain nombre d'investissements en capital considérés comme risqués, qui pourraient être comptabilisés en charges, simplement parce qu'ils n'ont pas de valeur de liquidation et que leurs flux de trésorerie sont incertains (Exemple : Private Equity). De plus, ce raisonnement des normes comptables comporte deux erreurs majeures. Or, les bonnes entreprises investissent dans des projets rentables et omettre cette information peut entraîner de graves erreurs d’évaluation. Nous conseillons donc, peu importe l’entreprise, de capitaliser ses dépenses de R&D. Ce qui accroîtra ses flux présents et futurs immédiatement, illustrant au passage une performance opérationnelle conforme à la réalité, et lui constituera un actif de recherche sur la base de sa valeur d’acquisition.

Tertio et dernier argument, les actifs créés par la R&D ne permettent pas d'emprunter sur cet actif. Mais le traitement de la R&D comme une dépense implique que les dépenses de R&D ne créeront jamais un actif. Or, je pense que tout le monde est d'accord pour dire que l'iPhone est effectivement un actif pour Apple, ce qui met en évidence le problème que pose cette règle.

Mais pour le moment concentrons-nous sur l’augmentation des flux et la façon dont nous allons les corriger/réajuster. Inscrire les dépenses de R&D aux comptes de résultat comme des dépenses opérationnelles faussera les comparaisons entre sociétés proches mais aux dépenses d’investissement différentes. Aussi, le traitement de la R&D comme une dépense d'exploitation a pour effet immédiat de réduire le résultat d'exploitation et le résultat net d’une entreprise. L'impact est quelque peu atténué par la déductibilité fiscale des dépenses de R&D, mais en découle toujours un écart significatif :

Effet après impôt des dépenses de R&D sur le bénéfice = Dépenses de R&D (1 - taux marginal d'imposition).

Pour les entreprises qui se retrouvent avec des bénéfices négatifs en raison des dépenses de recherche, l'effet après impôt sera encore plus important car l'avantage fiscal sera reporté sur plusieurs exercices.

Le traitement des dépenses de recherche comme des dépenses d'exploitation implique également que les dépenses de recherche ne créent aucun actif. Ainsi, les brevets issus de la recherche interne ne figureront pas à l'actif du bilan. En revanche, les brevets acquis auprès de tiers peuvent être traités comme des actifs. Ceci insinue également que les sociétés développant de nombreux brevets via de la R&D interne voient l’actif de leur bilan considérablement sous-évalué.

Exemple Boeing :

Si nous jetons un œil aux comptes de résultat de Boeing sur la période 2008-2010, l’entreprise américaine semble avoir eu un important creux dans ses bénéfices en 2009. En réalité, cette baisse temporaire des bénéfices s’explique par d’importantes dépenses de R&D concernant le Boeing 787, modèle sorti la même année.

En réalité, si nous ajoutons les dépenses de R&D au résultat net, de manière grossière (sans ajustements fiscaux, ni amortissements) nous obtenons un résultat net bien moins volatile et plus représentatif de la réalité opérationnelle de Boeing sur la période. Aussi, imaginons qu’Airbus n'ait pas effectué de dépenses de R&D particulièrement importantes en 2009 (ce qui est le cas), une comparaison entre Boeing et Airbus sur les multiples de résultats serait alors complètement erronée.

Maintenant que nous avons conscience de l’impact d’une mauvaise classification des dépenses de R&D sur les comparaisons entre entreprises et sur l’image comptables des différents seuils intermédiaires de gestion (EBITDA, EBIT, Résultat net…), nous allons voir en quoi cela fausse également la valorisation d’entreprise via une approche par les flux ou DCF.

Première étape de l’ajustement de l'EBIT Après Impôt :

Comme vous le savez probablement si vous vous intéressez à la valorisation d’actif, une entreprise se valorise en fonction de ses flux opérationnels diminués de ses dépenses d’entretiens des investissements. Cette mesure s’appelle flux de trésorerie disponible ou Free Cash Flow en anglais. Pour un souci de vulgarisation, nous partirons dans notre exemple de l’EBIT pour construire notre flux de trésorerie disponible. Pour les plus aguerris qui utilisent d’autres seuils intermédiaires de gestion non GAAP comme le NOPLAT ou le résultat d’exploitation, le raisonnement reste identique.

EBIT Ajusté Après Impôt = EBIT x (1-IS) + Dépenses de R&D

La première étape du reclassement des dépenses de R&D consiste à les retirer des dépenses d'exploitation et à les faire apparaître comme des dépenses d'investissement. Cela signifie que nous ajoutons nos dépenses de R&D à l’EBIT.

 

Exemple Microsoft sur l’exercice 2021 :

  • EBIT = 83 383
  • Dépenses de R&D = 24 512
  • IS = 27%

*Nombres en millions de dollars

  • Avant ajustement des dépenses de R&D, FCF = 30 296M$
  • Après ajustement des dépenses de R&D, FCF = 48 190M$

Attention, ce nouveau montant ne représente en rien le montant final des flux de trésorerie disponibles ajustés des dépenses de R&D que nous utiliserons pour une valorisation d’entreprise. Il ne s’agit que de la première étape vers cet objectif. Et pour parvenir à ce but, nous allons maintenant construire un actif de recherche issu des dépenses de R&D.

 

Les répercussions bilantielles de cet ajustement :

Avant toute chose, il est important de savoir ici sous quelles normes comptables évolue l’entreprise que vous analysez. En effet, si sous GAAP il n’est pas autorisé de construire un actif de recherche, c’est possible en IFRS sous certaines conditions. Les frais de recherche doivent cependant toujours être passés en charge. Je vous invite donc à lire ce papier pour plus de détails : ici. Toujours est-il, très peu d’entreprises sous IFRS, construisent effectivement un actif de recherche.

Rappelez-vous que les dépenses d'exploitation ne créent pas d'actifs et n'affectent le capital que par le biais des bénéfices non répartis. Ce qui entraîne d’ores et déjà une erreur au bilan, mais pas d’inquiétude, nous allons la rectifier. Les dépenses d'investissement, en revanche, créent des actifs et affectent directement le capital. Or, comme nous l'avons mentionné précédemment, depuis la montée en puissance des actifs intangibles (goodwill, marques etc.), les actifs qui alimentent la croissance des grands groupes d’aujourd’hui, sont bien différents de ceux des grands groupes industriels d’hier. En fait, nous pourrions même faire valoir que pour beaucoup d’entreprises, les dépenses de recherche et développement constituent davantage un investissement à long terme qu’un actif corporel (exemple : Nvidia ou Moderna).

Pour régler ce problème, la façon la plus simple de procéder et de bâtir un actif de R&D et de cumuler les dépenses de recherche et développement sur un laps de temps préalablement défini. Cet actif sera ensuite amorti de façon linéaire. La durée de la période d'amortissement étant déterminée en fonction de la société que vous analysez et donc des produits ou services qu’elle cherche à développer. Nous pouvons par exemple déterminer que pour Moderna, dix ans est un laps de temps convenable entre le début de la recherche et la commercialisation d’un produit issu de ces recherches. A contrario, nous pouvons estimer que les produits de R&D de Paypal sont plus rapidement commercialisés et donc que la durée de capitalisation des dépenses sera plus courte. Il s’agit probablement de l’aspect le plus compliqué dans le réajustement des dépenses de R&D. Une part hautement subjective rentre en considération et la connaissance de chaque secteur est nécessaire. Pour simplifier cette étape, je vous invite à vous baser sur les travaux de A.Damodaran : ici. Les dépenses de R&D ayant eu lieu avant le laps de temps préalablement déterminé n'auront pas d'impact significatif sur la valeur actuelle de l'actif de recherche puisqu'elles auront été entièrement amorties. Aussi, si l'amortissement de la R&D n'est que d'un an, il n'y a aucun avantage à la faire passer du statut de dépense d’exploitation à celui de dépense d’investissement.

Exemple Microsoft :

Si nous nous référons aux estimations de A.Damodaran, nous pouvons opter pour une durée d’amortissement comprise entre 3 ans (Computer Software & Svcs) et 10 ans (Research, with Patenting) en raison des nombreuses recherches de pointe entreprises par Microsoft (AI, quantique…). Prenons une moyenne haute à 7 ans. Le but ici n’est pas d’être le plus précis possible sur la ventilation des dépenses de R&D de Microsoft mais de comprendre comment fonctionne la capitalisation des dépenses de R&D.

Il nous faut donc récupérer les dépenses de Microsoft sur les 7 dernières années. Sachant que Microsoft clôt ses comptes au 30 juin de chaque années, l'année N-1 est bien 2022 et l'année actuel 2023. Nous prenons donc les chiffres à partir de l'année N-1.  Ce qui nous donne le tableau suivant :

Nous allons maintenant amortir ces dépenses selon la méthode de l’amortissement linéaire. Cela signifie que nous allons déprécier les recherches de 1/7 chaque année. Cela nous donne le tableau suivant :

Nous pouvons donc ajouter 60 121 millions de dollars à l’actif du bilan de Microsoft à titre d’actif de R&D. L’actif du bilan 2022 de Microsoft passe donc de 364 840 M$ (valeur comptable) à 424 961 M$ (ajusté du reclassement des dépenses de R&D).

L'amortissement généré n'est pas déductible fiscalement, mais il aura une incidence sur le résultat d'exploitation. Le passage de la R&D de la colonne des dépenses d'exploitation à celle des dépenses d'investissement peut avoir de profondes répercussions sur les mesures de rentabilité et sur les projections des flux de trésorerie dans le futur. Les projections de flux de trésorerie dans le futur. Voyons ceci sans plus tarder (spoiler, c’est la dernière étape).

 

Impact des dotations aux amortissements de R&D sur le FCF :

En contrepartie de cette création d’actif issu du reclassement des charges de R&D, il faut, à la manière de tout actif, inscrire les dépenses d’amortissements au compte de résultat. Cet ajustement va en général augmenter le résultat d’exploitation pour les entreprises qui ont des dépenses de R&D qui augmentent à travers le temps. Le résultat net sera donc aussi impacté par ce réajustement. Si nous repensons à notre équation précédente :

EBIT Après Impôt ajusté = EBIT x (1-IS) + Dépenses de R&D

Et que nous la complétons avec les Charges d’Amortissement de R&D, cela nous donne :

EBIT Après Impôt ajusté = EBIT x (1-IS) + Dépenses de R&D - Charges d’Amortissement de R&D

En d’autres termes, la nouvelle mesure du résultat d’exploitation de l’entreprise se voit augmenter de la différence entre les dépenses de R&D et les charges d’amortissement de R&D. Dans le cas de Microsoft, nous obtenons donc un EBIT ajusté des dépenses de R&D de :

EBIT - Dépenses de R&D + Charges d’Amortissement de R&D = 83 383 + (24 512) - (15 524) = 92 371M$

Contre 83 383 M$ si nous n’ajustons pas l’EBIT. Ces nouvelles mesures ajustées (FCF, EBIT et actifs), peuvent avoir un impact important sur les ratios de profitabilité mais aussi de rentabilité.

Concernant les FCF, l'équation original reste inchangée puisque les dépenses de R&D ne sont pas fiscalement déductible. Soit :

FCF = EBIT Après Impôt Ajusté - Dépenses de R&D + Charges d’Amortissement de R&D + D&A + Change in WC - CapEx

Or, si le flux de trésorerie disponible (FCF) de l'année N est inchangé, le bilan lui est bel est bien modifié. Ce qui entraine une modification certaine et non accessoire du taux de croissance de l'EBIT calculé via la formule suivante :

Croissance de l'EBIT = Taux de réinvestissement x Retour sur Capital

Sachant que :

Taux de réinvestissement = (CapEx - D&A + Change In WC + Dépenses de R&D - Charges d’Amortissement de R&D) / (EBIT Ajusté Après Impôt)

et

Retour sur Capital = EBIT Ajusté Après Impôt / (Valeur Comptable des Actifs + Actif de R&D)

Croissance de l'EBIT avec EBIT Après Impôt Non Ajusté :

  • D&A = 14 460
  • Increase in WC = -21 147
  • CapEx = 23 886
  • Assets = 364 840

Taux de réinvestissement avec EBIT Après Impôt Non Ajusté = (23 886 - 14 460 + 21 147) / 83 383 = 36.6%

Retour sur Capital = EBIT / (Valeur Comptable des Actifs) = 83 383 364 840 = 

Croissance de l'EBIT = Taux de réinvestissement x Retour sur Capital = 36.6 x 22.85 = 8.36%

Croissance de l'EBIT avec EBIT Après Impôt Ajusté :

Taux de réinvestissement avec EBIT Après Impôt Non Ajusté = (23 886 - 14 460 + 21 147 + 24 512 - 15 524) / 92 371

Retour sur Capital = 92 371 / (364 840 + 60 121) = 21.73%

Croissance de l'EBIT = 42.82 x 21.73 = 9.30%

 

En d'autres termes, la reclassification des dépenses de R&D modifie la valorisation d'une entreprise via une approche par les flux même si elle ne modifie pas les FCF de l'année en cours. Car :

  • Les estimations de la croissance attendue peuvent être liées beaucoup plus étroitement à la question de savoir si et combien une entreprise investit pour cette croissance (dans la R&D) et à l'efficacité avec laquelle elle convertit la R&D en bénéfices (par le biais du rendement du capital). Ainsi, cela oblige les analystes à tenir compte non seulement de l'ampleur des dépenses de recherche, mais aussi de la qualité de ces investissements.
  • En matière d'évaluation, nous supposons souvent que les marges d'exploitation et le rendement du capital des entreprises convergent vers les moyennes du secteur au fil du temps. Si ces moyennes sectorielles sont calculées en utilisant la définition conventionnelle de la R&D en tant que dépense d'exploitation, il n'y a aucune raison de supposer que les entreprises se rapprocheront de ces moyennes. Si, en revanche, les moyennes sectorielles sont calculées en considérant la R&D comme une dépense d'investissement, on peut affirmer que les pressions concurrentielles pousseront les marges vers la convergence.
  • Lors du calcul de la valeur finale, il est essentiel que les hypothèses de croissance soient cohérentes avec les hypothèses de taux de réinvestissement et de rendement du capital. Cela est impossible à faire tant que les dépenses de R&D sont traitées comme des dépenses d'exploitation. Lorsqu'elles seront reclassées comme dépenses d'investissement, le taux de réinvestissement pourra être calculé et il inclura les dépenses de recherche et développement.

Résumé de l’article :

Ne pas reclassifier les dépenses de R&D de dépenses d'exploitation à dépenses d’investissement biaise :

  1. Les mesures de flux de trésorerie d'exploitation, d’EBIT, d’EBITDA et de résultat net
  2. Les comparaisons de pair à pair
  3. La baisse des bénéfices non distribués biaise les fonds propres comptables
  4. Omettre la R&D au bilan biaise la croissance des actifs
  5. Les mesures de rentabilité et de retour sur capital

Étapes nécessaires au réajustement du bilan et du compte de résultat d’une reclassification des dépenses de R&D de flux opérationnels à flux d’investissement.

Étape 1 : Définir la durée de vie des investissements de cette entreprise

Étape 2 : Construire un actif de recherche issu des dépenses de R&D

Étape 3 : Amortir cet actif de R&D

Étape 4 : Ajouter le delta entre dépenses de R&D et dotations aux amortissements de l’actif de R&D au résultat d’exploitation

Une fois ceci effectué, vous aurez nous seulement un bilan corrigé de la reclassification des dépenses de R&D, mais aussi un résultat d’exploitation plus cohérent pour vos comparaisons et/ou valorisations.

 

Sources :

 

Corporate Finance :