D’abord évacuons une quasi-certitude : l’impact psychologique, d’une victoire ou d’une défaite, sur les investisseurs n’est pas à négliger. La Coupe du monde de football est le deuxième événement sportif planétaire le plus suivi, après les Jeux Olympiques, avec 3,2 milliards de téléspectateurs pour la dernière en date au Brésil. Alors est-ce que les marchés boursiers sont vraiment influencés par le Mondial ?

Baisse conséquente des volumes échangés

De nombreuses études ont déjà démontré que les transactions sont plus faibles en période de Mondial, surtout quand l’équipe nationale est sur le terrain. Cette année, certains matchs auront lieu pendant les heures d’ouverture des bourses européennes (contrairement à la Coupe du Monde 2014 au Brésil). Potentiellement, il faudra donc s’attendre à une plus faible volatilité sur les marchés !

En fait, cette réduction des volumes est vérifiée pendant toute la durée de la Coupe du monde. Il suffit de comparer les volumes échangés pendant le Mondial 2014 par rapport à la même période de 2015. On constate une baisse de 20 à 30% des volumes moyens pour le CAC 40, le BEL 20, le DAX et le FTSE100. Mais il existe des sources beaucoup moins empiriques, notamment l'étude réalisée par deux économistes de l'Eurosystème, publiée dans les "Working Papers" de la Banque centrale européenne. Michael Ehrmann et David-Jan Jansen ont observé les marchés boursiers de 15 pays durant les coupes du monde de football de 2010 et de 2014. Avant d'entrer dans le détail, la lecture de l'abstract de l'étude permet déjà de se faire une idée assez précise des conclusions. "Nous avons récolté des preuves d'une substantielle inattention des investisseurs pendant ces événements sportifs majeurs", écrit le duo, une inattention encore plus marquée lorsque l'équipe nationale joue. Le mouvement est si puissant qu'il peut ponctuellement entraîner une décorrélation entre un marché local et la tendance générale. Ils constatent plusieurs tendances :

- Le trader est chauvin : le volume de trades a chuté de -35,8% pendant les matchs de l'équipe nationale du marché boursier concerné en 2010, et même de -43,8% en 2014.

- Le trader n'est pas que chauvin : durant les matchs des autres équipes, la baisse est moins forte mais elle est avérée.

- Le trader est dispersé : un but provoque aussi de l'inattention, avec -10,6% de baisse additionnelle (en nombre de trades en 2010).

- Le trader est bavard : il faut entre 30 et 60 minutes après la fin d'un match pour que l'activité revienne à la normale.

Nombre de trades et volumes échangés lors des matchs nationaux pendant le Mondial 2014 (en noir) et en temps normal (en gris), en fonction du temps (0 représente le coup d’envoi du match). Source : étude réalisée par Michael Ehrmann et David-Jan Jansen.


Qui perd ? Qui gagne ?

En dehors des volumes échangés, les effets sur l’évolution des cours sont plus subtils car plus difficiles à démontrer. Pour autant, quelques études prouvent qu’une défaite a bel et bien un effet négatif sur les marchés boursiers nationaux. Si une équipe perd lors des phases de poule, ce qui n’est pas forcément synonyme d’élimination directe, le marché national perd en moyenne 0,38% (coucou le DAX), d’après une étude réalisée par des universitaires américains (MIT) et norvégiens. La sentence est plus dure pour les matchs à élimination directe, puisque le marché perdrait jusqu’à 0,49% en moyenne.

En cas de victoire, aucune corrélation significative n’a été prouvée jusqu’à présent avec les cours des marchés boursiers. Seul le pays vainqueur semble en retirer quelques bénéfices. Les experts de la banque néerlandaise ABN AMRO, dans leur étude "Soccernomics 2006", insistent sur ce point : "les effets macroéconomiques et boursiers d'une victoire en finale de Coupe du monde ne doivent pas être sous-estimés". Outre les effets à court terme sur les marchés financiers, c’est la situation économique toute entière qui s’embellit : de 1970 à 2002, le pays vainqueur du Mondial a enregistré en moyenne un surplus de croissance de 0,7% l’année suivant sa victoire. Tout bénéfice pour le pouvoir politique. Nous saurons dans quelques jours si l'économie brésilienne sortira du marasme, si Angela Merkel parviendra à rebâtir sa coalition, ou si Emmanuel Macron disposera d'une marge de manœuvre accrue pour faire passer ses réformes. A moins que Vladimir Poutine ne parade sur la Place Rouge ?

En bref

Sans tomber dans le jeu des pronostics, les études montrent toutes que les volumes échangés et le nombre de trades sont plus faibles en cette période de Mondial, surtout lorsque l’équipe nationale est sur le terrain. Par ailleurs, une défaite a une incidence significative (et négative) sur les marchés boursiers, mais pas une victoire, sauf lors de la finale. Gardons tout de même en tête que comme le football, les marchés boursiers sont imprévisibles.