L'analyse d'un incident ou d'un accident aérien répond à des règles strictes, contenues en annexe de la Convention relative à l'aviation civile internationale de l'ICAO, l'organisme qui régit le transport aérien mondial. Elles visent à organiser l'enquête et à assigner des rôles à chacun des protagonistes, qui sont souvent nombreux. Songez qu'un avion civil est opéré par une compagnie, qu'il a une immatriculation, un fabricant, que ses composants sont construits à un endroit et assemblés ailleurs, qu'il peut survoler plusieurs territoires et qu'il embarque des personnels et des passagers de plusieurs nationalités. L'Annexe 13 de la Convention de l'ICAO vise à gérer au mieux ce patchwork pour assurer l'efficacité de l'enquête puisque le but ultime est de comprendre les circonstances d'un incident ou d'un accident pour éviter qu'il ne se reproduise.
 
L'Etat d'occurrence a la priorité
 
Le principe est que l'Etat compétent pour mener l'enquête est "l'Etat d'occurrence", c’est-à-dire celui sur le territoire duquel se produit l'incident ou l'accident. "L’Etat d’occurrence ouvrira une enquête sur les circonstances de l’accident et sera en outre responsable de la conduite de l’enquête", peut-on lire dans l'Annexe 13 à la Convention relative à l'aviation civile internationale de l'ICAO. Si l'événement se produit hors du territoire d'un Etat, dans les eaux internationales par exemple, c'est l'Etat d'immatriculation qui devient responsable de l'enquête. L'Etat d'occurrence, dès qu'il a connaissance d'un événement, doit rapidement avertir l'Etat d'immatriculation, l'Etat de l'exploitant, l'Etat de conception, l'Etat de construction et l'ICAO.
 
L'Etat responsable de l'enquête, que ce soit l'Etat d'occurrence ou l'Etat d'immatriculation, a la faculté de déléguer tout ou partie de l'enquête à un autre Etat ou à un organisme régional d’enquête par consentement mutuel. Il peut aussi s'entourer des expertises nécessaires. En pratique, cela se passe souvent ainsi. Lors du crash de l'A330 Air France assurant la liaison Rio-Paris en 2009, survenu dans les eaux internationales, le BEA français avait été désigné comme enquêteur principal en tant qu’autorité d’enquêtes de sécurité de l’Etat d’immatriculation de l’avion. Il s'était notamment entouré d'experts américains parce que les réacteurs équipant l'appareil avaient été construits aux Etats-Unis, de représentants des agences de l'aviation brésilienne et sénégalaise (les deux derniers espaces aériens traversés) ou de l'AAIB britannique qui a apporté son appui lors des recherches en mer. En outre, dix pays additionnels ont pu chacun désigner un observateur pour représenter les nationalités des victimes du crash. Si l'Etat de l’exploitant (Air France) ou de la construction (Airbus) n'avaient pas été français dans ce cas précis, il aurait fallu aussi associer des représentants d'autres pays.
 
Assistance technique
 
Pour en revenir à la question du début, pourquoi le BEA français est-il le destinataire des boîtes noires de l'appareil ? En l'occurrence, parce que le bureau d'enquête aéronautique éthiopien, l'AIB, n'a pas les capacités techniques nécessaires pour exploiter les données. Il avait initialement approché le BFU allemand, mais celui-ci ne dispose pas non plus des outils adéquats car l'équipement et son logiciel sont trop récents. Mais le BEA, en revanche, tenait sa bibliothèque à jour, si bien que c'est lui qui sera chargé de la récupération des données. L'institution aurait de toute façon été saisie dans le dossier puisque plusieurs français sont au nombre des victimes, voire du fait que les réacteurs ont été fournis par CFM International, la coentreprise entre General Electric et Safran.  
 
Précision importante, les enquêtes servent uniquement à la prévention de futurs accidents ou incidents, mais n'ont pas vocation à déterminer les responsabilités. C'est à la justice de s'emparer de ces questions.