Anciennement « Ostrum Actions Euro PME », ce fonds PEA-PME vient de rejoindre la gestion collective de DNCA (groupe Natixis), une société plus entrepreneuriale, spécialiste des actions. Son gérant, Daniel Dourmap, nous fait part de ses choix stratégiques et de ses arbitrages tactiques alors que 2021 s’ouvre dans l’incertitude. Pour compléter cette interview, retrouvez notre sélection mensuelle des meilleurs fonds small & midcaps français et leurs derniers choix

Daniel Dourmap, votre fonds affiche une performance annuelle de 11% sur 5 ans et de 18% en 2020. Quelle est la recette de cette surperformance ?

"Nous n’avons pas de recette particulière hormis la sélection de valeurs : nous choisissons des titres de qualité et de croissance dans l’univers européen des sociétés cotées de moins de 5000 personnes et réalisant moins de 1,5 Md€ de CA. Cet univers correspond au fonds à celui du PEA-PME, la moitié du fonds est investi hors France dans la zone Euro. Le fait de ne pas avoir d’indice de référence facilite notre liberté d’action, même si nous veillons sur la répartition sectorielle et géographique qui résulte de notre sélection de valeur sur la base des rencontres de sociétés à travers l’Europe. Certaines de nos thématiques favorites, car porteuses sur le long terme, ont très bien fonctionnés dans cette année 2020 mouvementée, comme la digitalisation de l’économie (au travers de Reply, Esker, Flatex, Aubay…), les énergies renouvelables (Solaria, Solarpack, Albioma, Voltalia…), le vieillissement de la population/la santé (LNA Santé, Pharmagest, …). D’autres ont eu un succès plus mitigé. C’est le cas de notre thématique sport & loisirs avec un Bigben qui a profité du confinement tandis que le hollandais Basic-Fit et surtout le belge Kinepolis en ont pâti. Succès mitigé également pour notre thématique transverse « consolidateurs de marché » où l’on trouve Chargeurs, qui a su compenser le choc de la crise en se positionnant sur les barrières sanitaires, mais aussi GL Events, grande victime de ces restrictions sanitaires. Nous avons réduit cette dernière position car l’évènementiel fut le premier secteur à entrer dans la crise et sera le dernier à en sortir. Plus structurellement, nous sommes conscients que les salons digitaux ont vocation à occuper durablement une part du marché de l’évènementiel, tout comme le télétravail perdurera au-delà de la crise."

Le fonds surperforme sa catégorie sur cinq ans. Source : Quantalys

A quoi ressemble la valeur idéale pour DNCA Actions Euro PME ?

"Idéalement, elle profite de la digitalisation, est leader sur son marché ce qui lui donne un bon pricing-power, dispose d’un management familial de qualité qui offre de la stabilité et qui agit avec une vision à long terme sur un secteur en consolidation. Lors de notre dernier entretien, j’illustrais mon propos avec Pharmagest et la crise qui est intervenue entre temps a renforcé ses atouts. Dans une perspective à 10 ans, la thématique restera porteuse et les derniers mois vont dans ce sens. "

 Les principales valeurs du fonds se traitent sur des multiples de valorisation élevés. N’y a-t-il pas un risque de bulle sur certaines valeurs ?

"La qualité et la visibilité offerte par les entreprises de qualité ayant un prix, la valorisation n’est pas notre principal critère, même si nous sommes attentifs aux multiples de valorisation comme le PER, le PEG car il prend en compte la croissance, et à la bonne génération de flux de trésorerie qui facilite la consolidation des parts de marché via la croissance externe. La transformation digitale a été considérablement accélérée par la Covid. Il nous semble trop tôt pour vendre : il nous semble plus judicieux nous laisser porter. Nous avons récemment renforcé nos positions dans les pépites technologiques françaises Ekinops et Soitec car elles surfent sur la 5G et l’explosion des transferts de données. Certes des bulles se créent, mais je pense que cela concerne davantage le bitcoin ou certaines valeurs d’énergies renouvelables que nous avons d’ailleurs fortement allégé comme Albioma, Solaria et Voltalia, préférant nous positionner sur des acteurs plus émergents comme Alfen ou McPhy.  Nous ne sommes qu’au début de l’histoire en matière de stockage et de distribution d’énergie via les bornes de chargement et l’utilisation de l’hydrogène. Alors certes, leur valorisation est élevée, mais les mastodontes de l’énergie et les grands équipementiers automobiles ont des ambitions énormes dans le secteur. Or, faute d’acteurs connus, il y a un effet rareté avec des barrières à l’entrée technologiques élevées qui relèguent, pour l’instant, la valorisation au second plan."

Comment avez-vous ajusté le portefeuille ces dernières semaines alors que des vaccins ont quelque peu changé la donne ?

"Les perspectives de vaccination nous ont conduit à investir dans des sociétés positionnées sur l’automobile mais pas sur l’aéronautique, tout simplement car nous volerons moins mais le trafic automobile lui reprendra très vite. Nous sommes ainsi revenus sur Lectra, société de découpe de textile à destination de la fabrication des sièges auto et des airbags. Également fournisseur du secteur de la mode, leur positionnement plutôt haut de gamme et sur le luxe devrait limiter les perturbations. Nous sommes également revenus sur Exel Industries, spécialiste des pulvérisateurs agricoles et pour l’industrie automobile, car la famille Ballu qui contrôle cet industriel a montré sa capacité à bien gérer les périodes difficiles.

Nous avons également acheté des actions Thermador et Delta Plus, deux sociétés à la fois très bien gérées et exposées à la reprise de l’économie, notamment du BTP.

Autres sociétés cycliques mise en portefeuille : Jost Werke, spécialiste des attaches de camion, l’italien Datalogic, spécialisé dans la lecture de code-barres à destination de la distribution et également pour la traçabilité des pièces dans l’automobile, ou encore l’italien Carel Industries, positionné sur le traitement de l’air conditionnée, très importante pour l’hygiène et la performance énergétique des bâtiments.

Nous avons en contrepartie allégé les dossiers qui ont bénéficié du Covid en incluant les valeurs de la santé au sens large (Morphosys, Shop Apotheke …) car elles ont pour la plupart profité directement ou indirectement de la crise sanitaire, les dossiers "green deal" ou encore des dossiers cycliques de qualité."

Performance du fonds sur cinq ans : point bleu sur le graphique de droite (Source : Quantalys)

 Solutions 30 faisait partie de vos toutes premières positions avant la division par deux de son cours de Bourse fin décembre. Comment avez-vous réagi aux publications mettant en doute les comptes de l’entreprise et l’honnêteté de ses dirigeants ?

"Rappelons tout d’abord que l’activité de Solutions 30 se porte très bien puisque la société profite du boom des installations de fibres, de compteurs électriques de nouvelle génération et de stations de recharge, qu’elle travaille avec des donneurs d’ordre de premier plan qui lui confient de plus en plus d’installations et d’interventions techniques dans de plus en plus de pays… Concernant cette attaque qui a mis en cause l’honorabilité et les pratiques de la société, nous avons rencontré ses dirigeants, nous leur avons posé les questions soulevées par le rapport anonyme et leurs réponses nous paraissent transparentes et pertinentes. Il s’agit d’une société d’hyper croissance qui n’a pas encore la même capacité de vigilance qu’une multinationale bien établie, mais à la différence de chez Wirecard, dont les comptes étaient faux, l’activité de Solutions 30 est plus lisible et vérifiable. Les grands clients sont de gros opérateurs qui n’ont pas modifié leur relation avec Solutions 30.  Les lanceurs d’alertes ont profité de la fin de l’année boursière pour alimenter une controverse de telle sorte que les fonds, de plus en plus scrutés sur leur démarche RSE, pouvaient craindre d’afficher cette valeur en fin d’année. La société a réussi à croître fortement sur un marché indispensable de l’installation de la fibre ou à venir de la 5G, le tout sans avoir recours à des augmentations de capital. "

 Le haut niveau de marges de Solutions 30 pose des questions à de nombreux analystes, qui la comparent à Spie. Qu’en pensez-vous ?

"Spie ne fait pas le même métier et n’emploie pas du tout le même genre de techniciens. Les interventions de Solutions 30 sont moins techniques et sont réalisées par des employés peu qualifiés à la base ou des auto-entrepreneurs. Ces métiers sont délaissés par les grandes opérateurs télécoms ou les opérateurs de réseaux électriques qui ont besoin ponctuel d’installation de la fibre ou des compteurs. Les opérateurs n’ont que peu de fournisseurs disposant de milliers d’installateurs capables de déployer efficacement et à grande échelle, c’est la grande force de Solutions 30, qui a réussi à industrialiser ce métier et à dégager une bonne profitabilité. Pour l’instant, nous avons décidé de conserver notre position qui pointe à 2,5% du fonds, accordant notre confiance au management que nous accompagnons dans la durée, surtout que la société continue d’engranger des contrats. D’ailleurs sa performance a repris des couleurs depuis le début de l’année et affiche un gain de 21% au 18/01/2021."