Loin des ex-stars de la cote menacées par les technologiques de rupture (Carrefour, Renault, TF1 …), nous nous intéressons ici à deux groupes de référence dans leur domaine dont les dirigeants-fondateurs restent majoritaires au capital.

Données brutes avant retraitements

Commençons par Boiron, une société dans la tourmente non pas à cause de la Covid mais d’une remise en cause très forte d’une partie de son activité française : les médicaments homéopathiques à nom commun, c’est-à-dire les tubes de granulés génériques qui ne répondent pas à une maladie en particulier. Ces tubes, vendus quelques euros pièce, sont dans le collimateur du gouvernement qui a fait baisser leur taux de remboursement de 30% à 15% en 2020, et à 0% au 1er janvier 2021.

Résultat, sur 2018-2021, ce n’est pas moins d’un cinquième du chiffre d’affaires Groupe qui est en train de disparaître. La baisse des volumes traités est encore supérieure compte tenu du prix bas de ce type de produit par rapport à l’homéopathie de spécialités (produits à marque Boiron vendus plus cher). D’où le lancement d’un plan de licenciement massif (plus de 600 personnes sur 2400 en France soit >25% de l’effectif) et un bras de fer qui s’annonce dans les prochaines semaines entre la direction et les salariés d’une part, et la direction et le gouvernement d’autre part afin qu’il revienne sur sa décision.

C’est bien entendu cette tendance baissière des ventes et du résultat et le bruit médiatique négatif autour de Boiron et de l’homéopathie qui sont à l’origine de la forte décote du n°1 mondial de l’homéopathie.

Boiron : évolution des résultats et prévisionnel (source Zone Bourse, S&P Global Market Intelligence)

Pourtant, la direction de Boiron, renouvelée, n’a pas attendu pour entamer une transformation profonde : réduction de coûts (cumul >30M€ en année pleine à partir de 2021 hors plan de réorganisation en cours), lancement de nouveaux produits (homéo, compléments alimentaires, probiotiques…) et accélération à l’international (Asie notamment).  Le Groupe peut s’appuyer sur une trésorerie nette de dettes d’environ 200 M€ pour accélérer via de la croissance externe. De quoi changer de façon structurelle le profil de l’entreprise et entamer dès 2021 un fort rebond des résultats. A moins qu’une offre publique sur ses propres titres s’avère finalement plus judicieux financièrement …

Retrouvez ici notre interview de la DG de Boiron, Valérie Lorentz-Poinsot.


Dans un secteur tout autre, le Groupe Bigben affiche un ratio VE/Ebitda 2021 (clôture en mars) de 3,8x d’après les prévisions des 4 analystes sell-side en charge du dossier. Cela peut paraître très peu cher pour une société positionnée sur le marché très porteur des jeux vidéo où les studios sont régulièrement convoités (Microsoft vient d’annoncer vouloir racheter les studios ZeniMax pour 7,5 Md$).

Seulement voilà, la décote de Bigben mérite d’être décortiquée … Tout d’abord, les comptes du Groupe consolident à 100% deux activités très différentes : Nacon (jeux vidéo et accessoires) et Bigben (accessoires audio/telco). Ces deux pôles suivent des dynamiques très différentes, notamment en termes de résultats. Un phénomène exacerbé par la crise sanitaire comme on peut le voir ci-dessous avec le poids et l’évolution de l’Ebitda annuel en 2019/20.

Pour l’investisseur, acheter du Bigben c’est donc acheter pour moitié un business sans croissance et à faible marge, fortement dépendant de canaux de distribution physiques. D’où la cotation en Bourse des activités gaming (Nacon) en mars dernier et son franc succès auprès d’investisseurs près à payer cher un acteur du jeux vidéo en forte croissance avec des ambitions fortes d’amélioration de la profitabilité dans les prochaines années. Même si, à y regarder de plus près, les ventes de jeux ne représentent que 57% des ventes de Nacon, le reste étant là aussi constitué d’accessoires, certes dédiés aux jeux vidéo (manettes, casques, etc.), mais en décroissance sur l’exercice passé.

Or, aujourd’hui, les investisseurs exercent une telle discrimination auprès de toute activité mature, lié à la distribution physique, sans valeur ajoutée particulière, par rapport aux activités en croissance, digitales (les jeux vidéo se vendent de plus en plus en ligne et se jouent dans le cloud et la Covid a accéléré le phénomène avec 69% de ventes en ligne au S1 pour Nacon) que les 76,7% détenus par Bigben dans Nacon (~420 M€) valent beaucoup plus que la capitalisation boursière de Bigben (~280 M€). Ceci sachant que la trésorerie nette logée dans Nacon (43M€ à fin mars 2020) est équivalente à celle du Groupe Bigben en consolidé.

Il n’y a donc pas de loup, si l’on pense que la valorisation certes riche de Nacon (9x Ebitda 2021e et 28x le RN 2021e) est juste, le business d’accessoires audio/vidéos du Groupe (134 M€ de CA et un ROC de 1,1M€ à mars 2021) est valorisé -140 M€ ! Autrement dit, en valorisant cette activité mal aimée ne serait-ce que 10% du CA (13 M€ - approche très conservative), on obtient par somme des parties (420M€ + 13 M€) une valorisation globale de 433 M€ faisant ressortir une décote de holding de minimum 35% pour un Groupe dont les activités gardent leur cohérence globale et entre lesquelles existent de vraies synergies.

S’il y a un loup, ce serait plutôt sur le ratio VE/Ebitda du Groupe de seulement 3,8x. En effet, Nacon représentant environ 90% de l’Ebitda groupe et n’étant contrôlé qu’à 76,7%, la valeur d’entreprise retenue mériterait un retraitement du prix de rachat des minoritaires (~130 M€ tout de même) soit un ratio VE/Ebitda retraité de 5,8x 2021e clairement moins attractif !

On l’aura compris, tout l’enjeu pour Bigben est maintenant de parvenir à relancer la croissance de ses activités d’accessoires (ou en sortir complètement) si le Groupe veut combler la décote dont il pâtit. D’où les nombreux produits innovants lancés dernièrement. A voir s’ils rencontreront rapidement leur marché... On en saura un peu plus le 26 octobre 2020 à l’occasion de la publication des ventes au 2e trimestre.