Vous pouvez retrouver l’introduction de cette chronique ici.

Cours au 7/9/2020 – données brutes avant retraitements - source : Zonebourse, S&P Global Market Intelligence

Loin des leaders historiques menacés par les grandes valeurs technologiques, nous nous intéressons ici à des PME et ETI françaises, leader sur leur niche de marché, qu’il convient d’étudier au cas par cas.

HighCo : un titre pas si décoté à y regarder de plus près

Commençons donc par HighCo, valeur qui semble la plus décotée. Je dis bien semble, car sa valeur d’entreprise mérite un retraitement important. En effet, cet acteur du marketing promotionnel, dont nous avions interviewé la DG il y a un an, touche des avances en trésorerie de la part de ses clients, essentiellement des grandes marques de consommation. Ces avances constituent de la trésorerie encaissée et stockée temporairement par HighCo mais qui ne lui appartient pas, d’où la présence chez HighCo non pas d’un Besoin en Fond de Roulement (BFR) comme dans la plupart des sociétés, mais d’une Ressource en Fonds de Roulement (RFR> ou BFR<0). Les comptes consolidés font donc l’objet d’un retraitement de la part de l’entreprise quand elle les présente aux investisseurs comme ici au 30 juin 2020 :

Présentation de la trésorerie nette retraitée d’HighCo au 30 juin 2020 (source : HighCo)

Une fois ces RFR d’une soixantaine de millions d’euros retraitées, la société affiche une situation de trésorerie nette légèrement positive et donc une valeur d’entreprise légèrement inférieure à la capitalisation boursière actuelle d’une centaine de millions d’euros qu’il convient de mettre en rapport avec la vingtaine de millions d’euros d’Ebitda 2021 attendue par le cabinet Portzamparc, soit un ratio VE/Ebitda qui reste bas, à moins de 5x 2021.

Source : HighCo

Comment expliquer la valorisation d’HighCo ?

HighCo est une petite société peu suivie dont l’activité traditionnelle de promotions via des supports papier (couponing, prospectus publicitaires) est en déclin, ce qui lui vaut une décote historique (la société se négocie autour de 5x l’Ebitda depuis plusieurs années), auquel il faut ajouter le choc de la crise Covid, avec un confinement qui a stoppé net certaines offres du groupe avant d’opérer un rebond dès juin, porté par des activités digitales qui représentent maintenant 59% de la marge brute, avec une accélération post Covid qui devrait se prolonger.

Source : société

A noter enfin l’intérêt spéculatif d’HighCo, détenue à 34,1% par un mastodonte de la publicité. Une situation en soit peu idéale mais qui pourrait finir évoluer. Soit via une prise de contrôle de l’entreprise par WPP, ou plus probablement par une monétisation de cette participation auprès d’un management de plus en plus impliqué et qui par les temps qui courent n’aura pas de mal à trouver l’appui d’un fonds pour mener une telle opération.

Source : société

Chiffres clés (hors retraitement de la trésorerie) et évolution du cours de HighCo depuis 2019

Source Zonebourse, S&P Global Market Intelligence

Catering International Services : un sous n’est pas un sous

Que fait Catering International Services (CIS) ? Nous pourrions qualifier CIS de "petit Sodexo de l’extrême". En effet, CIS se met, dans le monde entier, au service de groupes pétroliers et gaziers, de mines, de la construction et de la défense en leur fournissant, souvent dans des conditions extrêmes, la restauration, l’hôtellerie, le facility management et différents services supports (nettoyage, gestion des déchets, de l’eau etc.). CIS est présente dans 20 pays et sur près de 230 sites opérationnels, employant plus de 12 000 personnes.

Source : site société

De même que pour HighCo mais pour une raison très différente, il convient de retraiter la situation d’endettement net de CIS. En effet, si la société compte bien une cinquantaine de millions de trésorerie à l’actif de bilan, à mettre en face d’une bonne vingtaine de millions de dettes financières (hors dette de loyers IFRS 16), plus de la moitié de sa trésorerie (soit 34,6 M€ sur un total de 53,4 M€ à fin 2019) est bloquée en Algérie !

Extrait du rapport financier 2019 du groupe CIS (p95)

Les activités algériennes étant très rentables, la situation qui remonte aux années 2000 prend de l’ampleur année après année. Une solution amiable pour trouver un accord avec la Banque d’Algérie qui fait obstacle au rapatriement des fonds de la filiale algérienne vers la maison mère marseillaise reste privilégiée par la direction de CIS. En attendant, il est logique que cette trésorerie, qui n’est plus très loin de représenter la moitié de la capitalisation boursière du groupe, mérite une décote, provoquant une réévaluation de la valeur d’entreprise et donc du ratio VE/Ebitda.

En appliquant une décote de 50% sur la trésorerie Algérienne, le ratio VE/Ebitda 2020 se situe autour de 4,5x, ce qui reste faible compte tenu des qualités du Groupe.

Rappelons que cette ETI familiale indépendante, acteur global du multiservices, a repris le chemin de la croissance après quelques années de consolidation pendant lesquels ses résultats sont toujours restés positifs.

Une décote qui semble néanmoins excessive

L’exercice 2019 s’est en effet soldé par une croissance de 18,5% et 2020 avait commencé par un excellent premier trimestre : +24% en organique. La dynamique de croissance a été "ponctuellement" pénalisée par l’effet du COVID-19. Sur le second trimestre, le chiffre d’affaires ressort ainsi en repli de -1,4% à taux de change constant (-9,6% à données publiées).  Cette baisse limitée traduit la bonne résistance du Groupe sur la période. En effet, l’impact du COVID-19 a été compensé par la montée en puissance de nombreux contrats, par les succès commerciaux enregistrés, par l’intégration des sociétés brésiliennes Alternativa et Beta et par l’ouverture de nouveaux pays d’opération.

En termes de perspectives, malgré la faible visibilité sur la durée  de  la  crise, le  Groupe prévoit un  exercice en légère croissance hors effets de change. Enfin, "au regard des nombreuses consultations enregistrées, et pour certaines, aux effets économiques significatifs, le Groupe confirme toute sa confiance pour renouer avec une forte dynamique de croissance dès l’exercice 2021" concluait-il dans son communiqué du 5 août dernier.

VE / EBITDA - Hors retraitement de la trésorerie bloquée en Algérie

L’analyste en charge du dossier chez Portzamparc, à l’achat sur le titre avec un objectif de cours à 11.1€, prévoit cette année 260 M€ de CA contre 266 en 2019 (effet de change défavorable oblige compte tenu de la force de l’Euro) et une reprise de la croissance en 2021, à 266 M€, pour un Ebitda 2021 de 18 M€. Des prévisions qui font ressortir un ratio EV/Ebitda très décoté par rapport à l’historique de valorisation du groupe. Au-delà de la crise sanitaire, qui impacte peu CIS, c’est certainement la forte présence du groupe auprès du secteur des hydrocarbures qui, combinée à la faiblesse du cours du pétrole, sert de repoussoir aux investisseurs. Ce n’est pas un hasard si les valeurs parapétrolières TechnipFMC et CGG figurent en bonne place parmi les valeurs actuellement les plus décotées !

Chiffres clés et évolution du cours de HighCo depuis 2016

NB : L’auteur est actionnaire d’HighCo à titre personnel