Il y a donc eu un mini-séisme hier sur les marchés boursiers, à cause d'un léger décalage entre la réalité et la conviction des investisseurs. Jusqu'à hier en début d'après-midi, l'ambiance ressemblait un peu à ça :

  • "Euh Maurice, l'inflation américaine, tu me confirmes qu'on s'en fout maintenant ? Parce que je viens de vider le livret A des enfants et la pension de mamie pour acheter du bitcoin".
  • "Ouais t'inquiète mobylette, l'inflation, c'est comme la transition énergétique et la démocratie, c'est du passé".

Le problème, c'est que l'inflation américaine n'a pas continué à s'assagir entre juillet et août. Elle a même réaccéléré d'une certaine façon. Les investisseurs s'étaient persuadés du contraire. Ils envisageaient la chose comme un triangle : l'inflation grimpe d'un côté, atteint un pic, puis redescend de l'autre. Si j'osais une comparaison montagnarde, le marché croyait être sur le Cervin (la montagne qui est sur le Toblerone) mais se retrouve sur les Grandes Jorasses. Le truc, c'est que le scénario dominant depuis quelques semaines est que le combat contre l'inflation, à grands renforts de hausses de taux, était plus ou moins gagné, ce qui permettait de se projeter sur le moment où la banque centrale américaine redeviendrait plus souple. D'où l'appétit retrouvé récemment pour les actifs à risque. Depuis quelques jours, le marché se prenait même à espérer une bonne nouvelle sur les prix, pourquoi pas une normalisation plus rapide que prévu ?

C'est dire si l'annonce hier à 14h30 a fait des dégâts. La baisse du pétrole aurait dû permettre à l'inflation générale de reculer légèrement entre juillet et août. Mais elle a progressé, certes légèrement, mais progressé quand même. L'inflation de base (hors énergie et alimentaire) pour sa part était encore attendue en hausse. Ce fut le cas, mais à un rythme de 0,6%, deux fois plus élevé que prévu, portant son ascension sur un an à 6,3%. Les spécialistes notent que les hausses de prix s'incrustent dans tous les compartiments de l'économie, ce qui devrait conduire la Fed à maintenir un discours très offensif sur le relèvement de ses taux. Les autres banques centrales occidentales n'y échapperont pas non plus.

Evidemment, tout cela déplaît fortement aux marchés actions, qui se sont effondrés à Wall Street hier. Cela illustre à quel point le sentiment était à côté de la plaque (vous vous rappelez, cette satanée complaisance). Le Nasdaq 100 a plongé de 5,5%. Le S&P 500 a rendu 4,3%, pour sa pire séance depuis plus de deux ans. Ce faisant, les indices américains ont perdu la quasi-totalité du bénéfice de la phase de rebond entamée la semaine dernière. Ça plombe l'ambiance évidemment, parce qu'il faut réintroduire davantage de prudence dans les scénarios. En Europe, les indices avaient (beaucoup) moins souffert, avec notamment un CAC40 à -1,4% en France et un SMI à -0,9% en Suisse. Wall Street faisait encore mine de résister quand les places européennes ont baissé le rideau, mais il faut s'attendre à un ajustement un peu épicé ce matin à l'ouverture sur le vieux continent. Tous les secteurs se sont fait pulvériser mardi aux Etats-Unis, et je ne vous apprendrai probablement rien en précisant que le secteur cyclique a été le plus broyé tandis que celui de l'énergie a affiché des pertes un peu moins lourdes que les autres. Ah si, il y avait quand même une petite cachette sur le S&P500, mais il fallait aimer la chimie, et en particulier l'agrochimie : Corteva, CF Industries, Albemarle et Mosaic sont les quatre rescapées sur des gains très limités. C'est toujours mieux que les plongeons de 9% de Meta Platforms et d'Advanced Micro Devices.

J'ai noté dans une sorte de pense-bête que je conserve pour trouver l'inspiration à potron-minet qu'un bureau d'analyse recommandait fin août à ses clients de se garder pour le moment d'être trop optimiste sur l'inflation. J'aurais mieux fait d'en reparler hier, ça m'aurait permis de briller en société. Mais en gros, le message était "attention bande de petits écervelés, les marchés clefs qui déterminent l'inflation restent inflationnistes". En l'occurrence il s'agit des matières premières dont l'énergie, du marché du travail avec des taux de chômage toujours au plancher et du logement dont les prix ne sont pour l'heure que courbés par rapport aux niveaux bullesques atteints précédemment. Peut-être qu'il faut prêter plus d'attention à la combinaison de ces trois éléments. La Fed a l'air de le faire en tout cas, au vu de ses nombreux recadrages.

On restera dans l'ambiance prix aujourd'hui avec l'inflation mensuelle britannique publiée à 8h00 et les prix à la production américains à 14h30. Sans oublier à un moment de la journée l'annonce du dispositif de crise de l'UE pour faire face à la crise des prix énergétiques. Je constate que j'ai écrit 6 fois "prix" (7 fois donc) et 11 fois "inflation" (+1) dans ce papier, ce qui semble tout à fait déraisonnable. Voire qui est le signe de l'indigence de mon vocabulaire matinal. Si un de mes jeunes collaborateurs lit ça avant d'arriver, qu'il sache que du Toblerone égaierait ma journée et accroîtrait significativement ses perspectives d'évolution dans l'entreprise.

En Asie Pacifique, Tokyo, Hong Kong et Sydney perdent plus de 2%. La Chine continentale, la Corée du Sud et l'Inde tiennent un peu mieux. Les indicateurs avancés européens sont donc baissiers. Le seul amortisseur visible ce matin est l'orientation positive des "futures" américains, même si leur avance est mince et fort susceptible de changer d'ici l'ouverture cet après-midi. Le CAC40 perd 0,5% à 6212 points.

Les temps forts économiques du jour

L'inflation mensuelle britannique (8h00) précèdera la production industrielle européenne (11h00) et les prix à la production aux Etats-Unis (14h30). Tout l'agenda macro ici.

L'euro a lourdement rechuté à 0,9987 USD. L'once d'or retombe à 1700 USD. Le pétrole faut de la résistance, avec un Brent de Mer du Nord à 92,80 USD le baril et un brut léger américain WTI à 87,02 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans monte à 3,43%. Le bitcoin a décroché à 20 300 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • AMS-Osram : Research Partners démarre le suivi à conserver en visant 7,50 CHF.
  • Brunello Cucinelli : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 50 à 55 EUR.
  • Chr. Hansen : Jefferies démarre le suivi à sous performance en visant 380 DKK.
  • Croda : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 8200 GBp.
  • Deutsche Lufthansa : Stifel passe d'acheter à conserver en visant 6 EUR.
  • EasyJet : Stifel passe de conserver à vendre en visant 300 GBp.
  • Fevertree : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 900 à 1000 GBp.
  • Givaudan : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 3000 à 2600 CHF.
  • International Consolidated Airlines : Stifel passe de conserver à vendre en visant 86,70 GBp.
  • Intertek : Numis passe d'accumuler à acheter en visant 5000 GBp.
  • Kerry : Jefferies démarre le suivi à conserver en visant 105 EUR.
  • Kion : Oddo BHF passe de surperformance à neutre en visant 39 EUR.
  • Legrand : Jefferies passe de conserver à sousperformance en visant 65 EUR.
  • MIPS : Berenberg reste à conserver avec un objectif réduit de 600 à 480 SEK.
  • Novartis : Berenberg passe d'acheter à conserver en visant 80 CHF.
  • Novozymes : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 450 DKK.
  • Pernod Ricard : HSBC passe de conserver à acheter en visant 212 EUR.
  • Rémy Cointreau : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 196 EUR.
  • Roche : Berenberg passe de conserver à acheter en visant 380 CHF.
  • Royal DSM : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 150 EUR.
  • Ryanair : Stifel passe de conserver à vendre en visant 10 EUR.
  • Salvatore Ferragamo : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 15,50 à 14 EUR.
  • Sanofi : Berenberg reste à conserver avec un objectif réduit de 110 à 91 EUR.
  • Schneider Electric : Deutsche Bank passe de conserver à acheter en visant 145 EUR.
  • Sika : Oddo BHF démarre le suivi à surperformance en visant 270 CHF.
  • Straumann : UBS passe de neutre à vendre en visant 96,75 CHF.
  • Swiss Life : Julius Bär reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 650 à 640 CHF.
  • Treatt : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 750 GBp.
  • UBS : Credit Suisse reste à surperformance avec un objectif de cours relevé de 22 à 22,50 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Inditex publié des ventes en vive hausse, mais le ralentissement guette.
  • Apple prévoit d'utiliser la dernière technologie de puce de Taiwan Semiconductor dans les iPhones et les Macs.
  • Les actionnaires de Twitter approuvent le rachat par Musk, qui ne veut plus racheter.
  • Le fonds souverain norvégien lorgne une participation dans Porsche lors de l'IPO.
  • Fosun International chute en bourse après la publication d'informations rapportant que les autorités chinoises de régulation ont prié les grandes banques du pays d'évaluer leur exposition au conglomérat propriétaire de Club Med. La société juge les informations absurdes.
  • Redrow souligne que la demande se modère sur le marché du logement britannique.
  • La Corée du Sud inflige une amende à Google et Meta Platforms, accusés d'avoir violé la loi sur la protection de la vie privée.
  • Honda songerait à faire coter sa branche motos électriques, selon le WSJ.
  • AB Volvo lance la production en série de camions électriques lourds.
  • Lalique reprend le label de soie zurichois Fabric Frontline.
  • Ferrari fait la cour aux super riches avec un SUV à essence à 390 000 USD mais il ne faut pas dire que c'est un SUV.
  • Principales publications du jour : Inditex, BRP Inc, Manchester United, Redrow, ITM Power, S4 Capital… Tout l'agenda ici.

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