Je démarre ce matin avec une sorte de décryptage du sentiment de marché actuel, pour expliquer les mouvements récents. Depuis mars 2020 et le point bas de la crise pandémique, il y a eu grosso modo deux phases pour les marchés actions occidentaux. Une remontée effrénée qui s'est inscrite du 23 mars 2020 au 4 janvier 2022 (avec quelques à-coups sur la période octobre / novembre 2020) et une période plus trouble depuis trois mois presque jour pour jour. Les remous du début 2022 s'expliquent par deux événements aussi distincts que leurs conséquences sont mêlées. D'une part la persistance d'une inflation hors de contrôle, qui nécessite une réponse monétaire. D'autre part, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui modifie l'ordre des choses qui prévalait depuis la fin de la guerre froide. Le tout se déroulant dans un contexte de dynamisme économique indéniable, sans quoi la situation aurait vite été pliée : la stagflation – ce cocktail d'inflation et de marasme économique - aurait vite fait de s'insinuer partout et les porteurs d'actions rigoleraient moins.

Depuis le début de l'année donc, les investisseurs oscillent entre phases de spleen et d'excitation. Ils ont le moral dans les chaussettes quand ils se rendent compte que les prix flambent et que le robinet de l'argent gratuit est en train de se refermer. Mais ils s'enthousiasment pour les baisses de cours parce que quand-même-le-marché-était-un-peu-cher-ma-pauvre-madame-et-une-petite-respiration-permet-d'acheter-à-meilleur-compte. Sur les trois dernières semaines, les optimistes l'ont emporté sur les pessimistes, au point d'effacer les pertes accumulées post-conflit russo-ukrainien. Mais le sentiment a l'air de chanceler à nouveau depuis hier. Cela a commencé avec la perspective d'un nouvel empilement de sanctions à l'encontre de la Russie, avec des Européens qui ont l'air prêts à se faire violence sur les énergies fossiles russes. Et cela s'est accentué avec les déclarations de deux banquières centrales américaines dans la journée.

Ether George, qui dirige la Fed de Kansas City, a déclaré que la Réserve Fédérale pourrait relever ses taux de 50 points de base lors de sa réunion prévue début mai. Elle a ajouté que les conditions sont réunies pour un retrait accéléré des mesures de soutien économique. Un peu plus tard, la vice-présidente de la Fed, Lael Brainard, a tenu le même discours sur le fond, dans une version plus édulcorée sur la forme. Courber l'inflation avec des hausses de taux est un processus économique classique qui ne contrarie pas outre-mesure les marchés actions en temps normal, sauf quand le mouvement est jugé trop brusque ou que les investisseurs ont l'impression que la banque centrale ne sait pas trop où elle met les pieds. En l'occurrence, l'inflation est si élevée par rapport aux standards récents et la Fed a tant tardé à réagir que les perspectives sont nébuleuses. Taux en hausse forte et réduction à marche forcée du bazooka à liquidités sont synonymes d'accès plus difficile et plus onéreux à l'argent. Tout le monde sait depuis des semaines que c'est ainsi que ça va se passer, mais les réactions sont exacerbées quand les échéances se rapprochent.

Le marché obligataire a vivement réagi hier aux déclarations des deux banquières. Les taux à 10 ans ont bondi de 20 points à 2,63%. Ils sont inférieurs aux taux à 5 ans (2,79%) et continuent leur chassé-croisé avec les taux à deux ans (2,6%). Des signes clairs de l'incertitude dans laquelle sont plongés les financiers, qui savent que l'austérité monétaire va s'accroître, mais qui doutent des conséquences. A mon humble avis, la vigueur économique américaine sera plus scrutée que jamais dans les semaines à venir et elle n'a pas intérêt à trop flancher, car c'est elle qui constitue le principal point d'ancrage pour les marchés, surtout depuis que la Chine redonne des signaux de faiblesse. Le réveil de l'ancien Empire du Milieu était en effet un puissant relais d'optimisme pour les investisseurs. Mais c'était avant que la vague Omicron ne déferle sur le pays, où les mesures de confinement se multiplient, avec des conséquences économiques déjà visibles. C'est le cas dans la logistique, le monde n'avait pas vraiment besoin de ça, et dans les indicateurs d'activité. S&P a publié ce matin un indice PMI Caixin des services de 42 points pour le mois de mars en Chine. Si vous n'êtes pas familiers avec les PMI, sachez qu'il s'agit d'un des indicateurs les plus utilisés au monde pour jauger la dynamique économique. Une lecture inférieure à 50 points signifie une contraction. Le PMI Caixin des services était à 50,2 en février. Il touche en mars un plus bas depuis février 2020. Le réveil chinois risque de se faire un peu attendre.

Voilà où nous en sommes ce matin. Le balancier est de retour dans la zone de doute avec des indicateurs avancés qui sont légèrement baissiers pour les marchés actions européens et américains autour de 8h00. Les places asiatiques perdent du terrain, plus de 1,5% au Japon et plutôt 0,5% en Australie. Les bourses chinoises, closes hier, reprennent en baisse. Le gros événement macroéconomique de la journée est à nouveau monétaire avec la publication du compte-rendu de la dernière réunion de la Fed. Mais ce sera à 20h00 heure de Paris, donc largement hors de la séance européenne. Le CAC40 a démarré la séance en baisse de 0,3% à 6624 points.

Les temps forts économiques du jour

Les commandes d'usines allemandes de février (8h00) et les minutes de la dernière réunion de la Fed (20h00) sont au programme aujourd'hui. Tout l'agenda macro ici. En Chine, l'indice PMI Caixin des services plonge à 42 points en mars (un indice inférieur à 50 signale une contraction économique).

L'euro recule à nouveau à 1,0897 USD. L'once d'or hésite autour de 1922 USD. Le pétrole remonte légèrement après son reflux de la veille, avec un Brent de Mer du Nord à 106,3 USD et un brut léger américain WTI à 101,80 USD. Le rendement de la dette américaine se tend à 2,61% sur 10 ans, en-dessous des échéances à 30 et 5 ans. Le bitcoin baisse à 45 100 USD pièce.

Les principaux changements de recommandations

  • Acciona : AlphaValue passe d'alléger à accumuler en visant 203 EUR.
  • Aéroports de Paris : Goldman Sachs passe de neutre à vendre en visant 110 EUR.
  • Banca Popolare di Sondrio : Jefferies démarre le suivi à conserver en visant 3,80 EUR.
  • Delivery Hero : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 75 à 88 EUR.
  • Diageo : Jefferies reste à l'achat avec un objectif relevé de 4100 à 4400 GBp.
  • Fraport : Goldman Sachs passe de neutre à achat en visant 64 EUR.
  • Global Fashion Group : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 12 à 7 EUR.
  • Hochschild Mining : Berenberg passe de conserver à acheter en visant 160 GBp.
  • Klépierre : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 21 EUR.
  • Netcompany : ABG reprend le suivi à l'achat en visant 685 DKK.
  • Orange Belgium : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 21 EUR.
  • Polymetal : Berenberg passe d'acheter à conserver en visant 300 GBp.
  • Randstad : HSBC passe de conserver à acheter en visant 70 EUR.
  • Repsol : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 15 EUR.
  • Rio Tinto : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 5700 à 6700 GBp.
  • Standard Chartered : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 855 à 972 GBp.
  • Ströer : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 70 EUR.
  • TotalEnergies : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 50 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Saint-Gobain cède son activité de distribution en Pologne.
  • Thales poursuit la modernisation du métro de Montréal.
  • Alstom signe une grosse commande de 650 M€ avec SJ.
  • Danone prépare une campagne corporate avec BETC, selon La Lettre A.
  • Electricité de France boucle une augmentation de capital de 3,16 Mds€ à 6,35 EUR par action, dont 2,7 Mds€ apportés par l'Etat français.
  • La ministre néerlandaise des Finances fustige le salaire du DG d'Air France-KLM.
  • Gaztransport & Technigaz obtient une commande du chantier navale Jiangnan pour la conception des cuves de deux méthaniers de grande capacité.
  • UTA Edenred s'associe avec ChargePoint.
  • Envea va livrer 15 stations mobiles de surveillance de la qualité de l'air pour l'État de Maharashtra.
  • Amoeba repousse l'émission de sa 5e tranche d'OCA Nice & Green.
  • Gaussin et Qatar Airways Cargo conduisent avec succès des essais avec le transporteur ADMT Full ELC.
  • Néovacs tire de nouvelles tranches d'OCABSA EHGOS.
  • Sidetrade, Augros, CS Group, Eurobio, Vogo et Barbara Bui ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et autres)

Lectures