J'avais déjà eu l'occasion d'aborder l'abécédaire de la reprise économique au début du mois de mars, lorsque nous commencions tout juste à sortir de notre hébétude face aux conséquences du coronavirus. Je n'ai pas retrouvé le papier mais je crois me souvenir avoir ironisé sur tous les scénarios évoqués à l'époque. De la reprise en V des plus optimistes à celle en L des prudents, en passant par le U des indécis et le W des cyclothymiques. Sans parler d'autres versions plus exotiques dignes de Paco Rabanne. Près de deux mois plus tard, il est étonnant de constater que le débat n'a pas beaucoup progressé.

Exemple avec la gestion anglo-saxonne Columbia Threadneedle, qui a choisi de renforcer son analyse par des données "non-économiques" pour mieux modéliser l'avenir. En recourant par exemple aux niveaux de pollution, de trafic routier ou de déplacement des téléphones mobiles (une approche déjà largement utilisée par les hedge funds, comme l'explique Xavier Delmas dans cette vidéo Zonebourse). Bilan ? Ce serait une reprise en U, qui "pourrait prendre dix trimestres, de sorte que le niveau du quatrième trimestre de 2019 serait à nouveau atteint à la fin de 2022". Mais une "reprise en forme de V dans les six mois" est "également envisageable, mais moins probable", tout comme l'est le scénario du L. Moralité ? Eux, nous, les autres, toute la finance se perd en conjecture. Chaque crise crée son lot d'incertitudes, mais celle-ci est atypique car personne n'est capable de modéliser avec un niveau de fiabilité suffisant les conséquences économiques de la pandémie. Beaucoup parient que nous en saurons plus à la fin du mois de mai, avec les premières indications des déconfinements. Mais cela peut-il être aussi simple ?

Pour revenir à cette séance boursière du 29 avril, les Etats-Unis sont encore une fois au centre du jeu, et pas à cause d'un nouveau remède du Docteur Trump. L'administration publiera à 14h30 la première estimation du PIB du 1er trimestre, avec les premiers stigmates de la crise. Puis la Fed entrera dans la danse avec son annonce monétaire à 20h00 et la conférence de presse de Jerome Powell à 20h30. "Nous n’attendons pas de mesures d’ampleur ce mercredi car la Fed a changé son mode opératoire. Les annonces se font désormais au fil de l'eau", explique le chef-économiste de la banque Landolt & Cie, Arthur Jurus, qui attend malgré tout les nouvelles prévisions économiques de l'institution et d'éventuelles indications sur la trajectoire de taux.

En parallèle de cette activité "macro" très chargée, les publications de résultats d'entreprises continuent, avec une petite quarantaine d'annonces de sociétés du S&P500, dont Microsoft, Facebook et Boeing, rien que ça, et plus de 40 du STOXX Europe 600 (dont AstraZeneca, GlaxoSmithKline, Volkswagen, Iberdrola ou Airbus). Je pensais jusque-là que les publications d'entreprises allaient mettre un coup supplémentaire au moral des troupes, mais je me suis trompé : les investisseurs semblent avoir déjà fait leur deuil du second trimestre et se focalisent sur la perspective d'un rebond sur la deuxième moitié de l'année. Espérons que ces incorrigibles optimistes ont raison.

Le CAC40 a ouvert en légère hausse de 0,16% à 4577 points, malgré le contraste entre les gains marqués du vieux continent hier en clôture, et la baisse de Wall Street. Il faut dire que les "futures" américains sont bien ancrés dans le vert pour l'instant, en partie grâce aux indications positives d'Alphabet sur une stabilisation des recherches sur Google dernièrement. 

Les temps forts économiques du jour

La Fed communiquera à 20h00 sa position sur les taux et probablement sur beaucoup d'autres sujets à l'issue de deux jours de réunion. Conférence de presse de Jerome Powell à partir de 20h30. Auparavant, les marchés auront pris connaissance de l'estimation de l'inflation allemande d'avril (14h00), du PIB préliminaire américain du 1er trimestre (14h30), des chiffres de l'immobilier ancien (16h00) et des stocks pétroliers (16h30) aux Etats-Unis. Le Japon est fermé pour un jour férié.

L'euro remonte légèrement à 1,0849 USD. L'once d'or se négocie 1708 USD. Le pétrole remonte, avec un WTI à 13,7 USD et un Brent à 20,94 USD. Le rendement de l'obligation d'État américaine recule légèrement à 0,61% sur 10 ans. Le Bitcoin gagne 0,8% à 7820 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ABB Ltd : J.P. Morgan reste à souspondérer avec un objectif de cours relevé de 16,50 à 17 CHF. LBBW passe de vendre à conserver en visant 18,50 CHF.
  • BP Plc : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 280 à 320 GBp.
  • Dassault Systèmes : Baader Helvea passe d'accumuler à alléger avec un objectif de cours inchangé de 146 EUR.
  • Engie : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 14 à 13,10 EUR.
  • Eramet : AlphaValue passe d'acheter à accumuler avec un objectif de cours réduit de 37,20 à 32,40 EUR.
  • Glanbia : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 13,50 à 11,15 EUR.
  • Norma : HSBC passe de conserver à alléger en visant 18 EUR.
  • OC Oerlikon : Baader Helvea passe d'accumuler à alléger avec un objectif de cours réduit de 12,50 à 7 CHF.
  • ProSiebenSat : Exane BNP Paribas passe de sousperformance à surperformance en visant 12 EUR
  • Swedish Match : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 382 à 453 SEK.
  • Teleperformance : AlphaValue reste à accumuler avec un objectif de cours relevé de 232 à 234 EUR.
  • Thales : J.P. Morgan réduit son objectif de cours de 109 à 88 EUR.
  • Verallia : Credit Suisse réduit son objectif de cours de 40 à 31 EUR.
  • Wirecard : DZ Bank passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 132,80 à 105 EUR.

L’actualité des sociétés

En France

Les principales publications de comptes d'entreprises

  • Airbus : le résultat opérationnel du premier trimestre a été divisé par deux à 281 M€. Le cash-flow libre était négatif de 8,5 Mds€ sur le trimestre, et l'industriel met tout en œuvre pour limiter l'hémorragie. Les objectifs 2020 sont naturellement abandonnés.
  • Carrefour : la croissance organique atteint 7,8% sur le premier trimestre. Le groupe confirme son plan stratégique 2022 et ses objectifs.
  • Elis : les revenus sont grevés par la baisse d'activité en hôtellerie, mais la décroissance organique se limite à 1,8% au premier trimestre. Le second trimestre sera compliqué, avec un point bas en avril.
  • Groupe Seb : sans surprise, le chiffre d'affaires se contracte de 16,5% au premier trimestre, mais l'activité est restée bénéficiaire. Le second trimestre s'annonce difficile mais le groupe a pris des mesures pour limiter les dégâts.
  • Klépierre : les revenus locatifs nets du premier trimestre sont quasiment stables, mais la situation va se dégrader par la suite. La foncière prépare la réouverture de ses centres commerciaux, mais les objectifs annuels sont naturellement abandonnés.
  • M6 Métropole Télévision : subit les premières conséquences du Covid-19, avec un chiffre d'affaires consolidé en baisse de 7,1% à 321,3 M€ au premier trimestre, et une rentabilité en retrait.
  • Rémy Cointreau : au terme de l'exercice 2019/2020, le chiffre d'affaires a reculé de 11,2% en organique à 1,02 Md€. Le résultat opérationnel courant de la période devrait baisser d'environ 25% en organique. Le premier trimestre du nouvel exercice, pénalisé par le confinement et le déstockage, devrait chuter de 50 à 55%. Une reprise graduelle est attendue par la suite.
  • Tarkett : annonce un chiffre d'affaires en légère baisse au premier trimestre, pour un Ebitda qui fait de la résistance.
  • Teleperformance : la croissance a atteint 6,2% en données comparables au premier trimestre, mais le second trimestre est attendu en repli, avec une marge semestrielle qui baissera malgré le programme de réduction des coûts de 250 M€. Il n'est pas possible à ce stade de formuler de prévisions annuelles.

En bref. L'assemblée générale de Sanofi a rejeté la résolution portant sur la rémunération 2019 de son ancien directeur général, Olivier Brandicourt. Les syndicats d'Air France-KLM saluent le soutien apporté par l'État. Eurofins Scientific fournira mensuellement plus de 20 millions de tests pour le Covid-19 d'ici fin 2020. Novacyt a signé 103 M€ (!) de contrats pour des tests Covid-19. Erytech Pharma reçoit la désignation Fast Track de la FDA américaine pour eryaspase dans le traitement de seconde ligne du cancer du pancréas et prévoit de publier des données intermédiaires de phase III en fin d'année. IT Link prévoit le transfert de la cotation de ses titres sur le marché Euronext Growth Paris. MND et Bleecker reportent la publication de leurs résultats. Moneta AM débouté dans son action en justice contre Altamir et condamné pour dénigrement. Dominique Derveaux est nommé directeur général délégué de Vétoquinol.

Ils communiquent sur les conséquences du Covid-19 : Séché (assemblée générale), Thermador (activité), Mr Bricolage (assemblée générale).

Ils ont publié leurs comptes trimestriels : Solutions 30, Verallia, Sidetrade, Kinepolis, IGE+XAO, SergeFerrari, Alliance Developpement Capital SIIC, Prodways, Safe Orthopaedics, Installux, Groupe Pizzorno, Paref, Groupe IRD, Ucar, Exel Industries, Groupe Gorgé, ECA, Wavestone, Gold by Gold, Roctool, Paragon ID, Lysogène, LucibelDNXCorp, Crédit Agricole Brie Picardie, ID Logistics, Mauna Kea, SQLI, LDLC, Elis, Median Technologies

A l'international

Les principales publications de comptes d'entreprises

  • Alphabet : a publié des ventes trimestrielles supérieures aux attentes des analystes au T1, la baisse des recette publicitaires étant moins forte que prévu (le titre gagne 8% hors séance).
  • Daimler : le résultat opérationnel du premier trimestre a atteint 617 M€, contre 2,8 Mds€ un an plus tôt. Le constructeur avait prévenu la semaine dernière de la dégradation des résultats. Les performances annuelles seront inférieures à celles de 2019, mais le résultat opérationnel de la division Mercedes-Benz Cars & Vans sera plus élevé que l'année dernière, compte tenu des charges exceptionnelles qui avaient été prises.
  • Deutsche Bank : le chiffre d'affaires du premier trimestre a dépassé les attentes, mais l'établissement a subi une perte nette de 43 M€. Sur l'année entière, la banque anticipe une légère baisse de ses revenus.
  • Ford : les pertes atteignent 2 Mds$ au 1er trimestre et devraient dépasser 5 Mds$ au second.
  • Mondelez : a dépassé les attentes grâce aux stocks de précaution constitués par les consommateurs.
  • Samsung : le géant sud-coréen a fait état d'une progression de 3 % de son bénéfice d'exploitation au premier trimestre de l'année 2020, mais la situation va se dégrader par la suite.
  • Standard Chartered : la banque britannique a engrangé un bénéfice avant impôt de 1,22 Md$ au T1, en baisse de 12%. La crise actuelle pourrait remettre en cause l'objectif 2021 de StanChart.
  • Volkswagen : le constructeur automobile allemand espère éviter une perte nette en 2020, malgré le Covid-19. Les résultats seront malgré tout en très net recul.

En bref. Le B737MAX de Boeing ne devrait pas revoler au moins jusqu'en août, selon les informations de Reuters, qui croit aussi savoir que l'industriel prépare une émission obligataire XXL. International Consolidated Airlines pourrait supprimer 12 000 emplois chez British Airways. Pfizer pense pouvoir mettre à disposition un vaccin contre le coronavirus dès l'automne. Google va proposer cinq titres d'Electronic Arts sur son service de streaming Stadia. Oracle décroche un contrat de cloud computing avec Zoom Video. Southwest Airlines veut lever 3,4 Mds$ d'argent frais avec des actions et des obligations. L'agence Fitch a placé la dette du brésilien Embraer en catégorie spéculative. La disparition du trafic sur les autoroutes italiennes va amputer le chiffre d'affaires d'Atlantia d'environ 3 Mds€ cette année.

Ça publie. Microsoft, Facebook, Samsung, Mastercard, Tesla, AstraZeneca, GlaxoSmithKline, Boeing, Volkswagen, Iberdrola, Airbus, Safran, Daimler… du très lourd aujourd'hui. 

Lectures