Hugo Mas, la méthodologie de gestion d’Erasmus est très "top-down". Comment s’applique-t-elle à un fonds de petites et moyennes valeurs ? Explique-t-elle la surperformance du fonds ?

"De façon similaire à nos investissements dans les grandes valeurs, notre processus de gestion chez Erasmus commence par une analyse du cycle économique et du cycle boursier. Nous définissons ensuite les thèmes d’investissements à privilégier, puis nous passons en revue notre univers de valeurs éligibles au PEA PME afin d’en sélectionner une cinquantaine. Cela permet de réaliser son allocation à la lumière des grandes tendances macroéconomiques et d’être le plus réactif possible afin de générer de l’alpha à travers le cycle. A noter que la surperformance du fonds depuis sa création masque une année 2018 particulièrement difficile pendant laquelle le fonds a pâti de son positionnement sur les valeurs cycliques et les micro-caps, peu liquides par essence, qui ont été particulièrement pénalisées. Ce positionnement avait également permis la surperformance du fonds en 2016 et 2017. Lors de mon arrivée il y a un an, j’ai repositionné le fonds sur des capitalisations plus élevées, avec un biais technologique marqué -surpondération de l’ordre de 20%- car j’ai la conviction qu’il s’agit d’un secteur durablement porteur, tout en écartant les valeurs med&biotech qui ne sont pas encore bénéficiaires."

Le fonds surperforme sa catégorie sur cinq ans. Source : Quantalys

 

A quoi ressemble la valeur idéale pour Erasmus Small Cap Euro ?

"Nous n’avons pas de profil idéal dans l’absolu. Nous nous intéressons aussi bien aux valeurs de croissance visible, fortement génératrices de trésorerie, avec un bilan solide et de fortes parts de marché qu’à des entreprises aux faibles valorisations en phase de recovery. Erasmus Small Cap Euro est un fonds Blend. Cela se traduit dans nos thèmes d’investissement favoris. Dernièrement, nous avons modifié notre approche en ajoutant les thèmes "pricing power", "recovery" et "engagement éthique" que nous jugeons porteurs pour 2020, après avoir privilégié les valeurs de qualité en 2019. Nous adoptons donc actuellement un biais plus ‘value’, plus riche en valeurs industrielles, italiennes notamment, sur la base d’un scénario macroéconomique de légère reprise en zone Euro".

 Quel est le principal point fort et point faible de deux de vos toutes premières positions du fonds ?

"Medios AG, distributeur allemand de produits pharmaceutiques personnalisés, notamment pour traiter les maladies chroniques, est notre principale conviction. Elle pèse pour 3,5% du fonds après un doublement de son cours de Bourse en 2019. Son principal point fort est sa taille critique qui lui permet d’être un leader sur une niche en croissance.  Opérant dans un segment de niche peu rentable et très contraignant du point de vue réglementaire, cela lui permet de faire des économies d’échelles et d’être rentable là où la concurrence ne l’est pas. Cela constitue une réelle barrière à l’entrée et lui ouvre la voie à un très fort développement : la société travaille actuellement avec 200 pharmacies mais pourrait doubler ce chiffre à moyen terme. Son principal point faible ? Sa position de distributeur dans la chaîne de valeur entre 2 entités fortes : l’Etat qui veut réformer la santé pour faire des économies, et la puissance des lobbys des big pharma.

Autre forte conviction : Voyageurs du Monde. Son positionnement unique sur le voyage sur mesure à destination des particuliers recherchant des parcours personnalisés associés à des services élevés permet un fort taux de fidélisation. En revanche, VDM doit faire face à une concurrence des acteurs 100% online non rentables car agressifs sur les prix, mais heureusement encore novices et dont les services sont moins développés."

Principales positions du fonds (Source : rapport mensuel du fonds à fin décembre)

 

La fin d’année est souvent propice au nettoyage de portefeuille. En avez-vous profité pour sortir certaines positions ?

"Nous avons effectivement sorti Robertet, un titre dont la valorisation intègre une dimension spéculative qui semble peu probable à court terme, en plus d’un momentum de publication peu favorable. Nous avons également vendu Focus Home Interactive car nous avons identifié un certain nombre de risques : non renouvellement de la franchise Farming Simulator, absence d’acquisition dans les studios, risque d’amende de la part de la Commission européenne sur des pratiques anticoncurrentielles, et enfin une année 2020 marquée par une absence de nouveautés qui devrait se traduire par une activité peu dynamique."

Les petites valeurs sont délaissées depuis début 2018 et les offres publiques se multiplient…comment voyez-vous 2020 pour les PME cotées ?

"Rappelons tout d’abord que ce sont essentiellement les PME françaises qui ont soufferts en 2018 et 2019 alors que les homologues de la zone euro se sont mieux comportées et ont même surperformé les larges en 2019. Je distinguerais deux facteurs d’explication : leur valorisation pré 2018 et la mise en place du PEA-PME qui avait attiré des flux qui ont dopé leur performance. 2018 et 2019 ont corrigé cela, avec en plus pour 2019 des révisions de BPA plus fortes en France qu’en zone euro. Pour 2020, nous sommes très optimistes pour les small caps pour plusieurs raisons. D’une part, cette classe d’actifs surperforme structurellement dans les phases de reprise économique modérée, ce que nous anticipons pour 2020 à ce stade compte tenu de la détente des deux incertitudes majeures, la guerre commerciale et le Brexit. D’autre part, nous observons un regain d’intérêt sur la classe d’actifs dans les dernières enquêtes auprès des gérants, et les derniers chiffres de collecte au quatrième trimestre 2019 le confirment.  D’autre part, les enveloppes fiscales incitatives assouplies en France (PEA-PME avec la loi pacte) et en Italie (PIR) pourraient alimenter les flux de collecte de la part des particuliers. Enfin, fondamentalement, les valorisations des petites valeurs restent relativement attractives et les attentes de croissance de BPA semblent plus réalistes et pourraient être dépassées dans certains cas. Notre travail est d’aller chercher ce type de valeur. En ce début 2020, nous surpondérons la France pour sa dynamique intrinsèque relativement à la zone euro et la sous-performance boursière de ses small caps depuis 2 ans."

Les critères ESG sont mis en avant par le fonds. Au-delà de l’argument marketing, en quoi sont-ils pertinents ?

"Notre société de gestion souhaite mettre l’accent sur l’accompagnement des sociétés à impact sociétal et environnemental positif, ce que notre clientèle apprécie de plus en plus. J’ai la conviction que la thématique ESG sera, au-delà de l’intérêt éthique, vertueuse économiquement et qu’elle favorisera la performance de nos fonds. Rappelons que le traitement des données ESG, Gouvernance en tête, a toujours été un axe fort dans notre recherche fondamentale. En 2019, nous avons cependant décidé de formaliser notre démarche ESG à la fois dans les fonds mais aussi au sein de la société de gestion (mise en place d’une charte ESG). Pour les fonds, cela se traduit par une évaluation des critères ESG dans les sociétés détenues en portefeuilles soit avec l’aide de sociétés spécialisées dans l’évaluation extra financière des sociétés, soit en interne. Pour le fonds Small Cap, étant donné la très faible quantité d’informations extra financière disponibles, nous avons décidé de nous reposer sur nous-mêmes. Nos 3 analystes épluchent les rapports annuels afin de déterminer une notation en interne sur la base de critères définis. Si la société répond de manière favorable à ces critères, elle a sa place dans notre poche d’investissement ‘engagement éthique’."

 

Performance d’Erasmus Small Cap Euro : point bleu sur le graphique de droite. Source : Quantalys