Comme le souligne Anthony dans son édito de ce matin, la hausse est tout de même plus marquée aux US qu’en Europe :L'indice large américain S&P500 n'accuse plus que 4,7% de retard sur son cours de la fin 2021. Il a creusé l'écart la semaine dernière sur son homologue européen STOXX Europe 600, qui affiche un passif 2022 de 7%.” J’ajouterai à cela que les si l’on prend le 24 février comme référentiel (début des conflits), les marchés américains sont en hausse de plus de 4% !

 

Eurostoxx 600
Eurostoxx 600
S&P500
S&P500

Pour y voir plus clair, il est nécessaire de prendre un peu de recul. Peser le pour et le contre est un exercice que l’on s’efforce de faire quotidiennement chez Zonebourse, et nous ne sommes certainement pas les seuls. Voici un récapitulatif des catalyseurs haussiers et baissiers qui rythment les marchés au moment où j’écris ces lignes.

  • Catalyseurs haussiers

Enlisement des troupes russes en Ukraine

Au dernière nouvelles, l’armée russe a annoncé vouloir se concentrer vers l’est de l’Ukraine, du côté de la région du Donbass. C’est d’ailleurs certainement cette information qui tire les marchés vers le haut en ce début de semaine. S’agit-t-il d’un premier aveu d’échec de Moscou ou d’un repli stratégique ? Quoi qu’il en soit, cette information ne doit pas être au centre de vos prises de décisions. La prudence est de mise tant les communications de ce genre peuvent être trompeuses.

Les historiques de cours montrent que la bourse progresse après le départ d’un conflit

Vous avez certainement vu passer le graph ci-dessous sur les réseaux sociaux à la suite des déclarations de Poutine le 24 février. Historiquement, les marchés se reprennent vite après une invasion militaire. Ce même graphique a servi d'étendard à beaucoup d’analystes pour justifier leur sentiment bullish sur les marchés et certains crient déjà victoire. Pour autant, la baisse n’est toujours pas comblée et le conflit n’est pas terminé.

 

Achetez l'invasion
"Achetez l'invasion"

Le discours rassurant de Jérôme Powell

Jérôme Powell tient depuis plusieurs semaines un discours rassurant vis-à-vis de l’économie américaine. Opération de communication ou réalité statistique ? La réponse est sûrement entre les deux. Le marché du travail américain est solide, les estimations de croissance sont moins remises en question qu’en Europe, les conditions semblent réunies pour poursuivre sereinement la hausse des taux, mais la consommation est attendue en baisse. Il convient de rappeler que l’impact des conflits est moins significatif sur l’économie américaine que sur l’ancien continent.

Les marchés montent par vents et tempêtes

“Il n’y a pas d’alternatives aux marchés actions”. Il s’agit certainement de la phrase que j’ai le plus lue ces derniers mois lorsqu’il s’agit de justifier la hausse de la bourse. Pas besoin d’épiloguer pendant des heures pour comprendre à quel point ce catalyseur est fragile. En revanche, il faut reconnaître que les investisseurs sont morts de faim. Mais les décisions prises sont-elles vraiment rationnelles ? Ce qui est certain, c’est que les marchés n’ont pas perdu leur attrait et que les opérateurs ne se sont pas trop éloignés de leurs écrans. En effet, ces mois de fevrier et mars sont historiques avec près de 70 milliards d'euros d'échanges par jour dans les carnets d’ordres (beaucoup de transactions sont effectuées off-book) sur les marchés européens, bien au-dessus de la moyenne de 43 milliards sur si l’on prend janvier 2020 - janvier 2022 comme référentiel.

 

TINA : There Is No Alternative
TINA : There Is No Alternative
  • Catalyseurs baissiers

Aplanissement de la courbe des taux

S’il existe un indicateur économique qui a démontré son pouvoir prédictif par le passé, c’est bien l’aplanissement de la courbe des taux. Nous en avions déjà parlé dans un article précédent que je vous conseille vivement de lire. Le comportement des marchés obligataires nous montre que les agents qui interagissent sur ce marché ont une vision assez pessimiste de la situation économique. Les taux longs (10 ans par exemple), censés refléter l’anticipation de la politique monétaire de la banque centrale, ne suivent justement pas la hausse des taux courts (marché monétaire). Autrement dit, la logique selon laquelle un prêteur attend une rémunération plus importante lorsque le remboursement du principal s’éloigne, ne se vérifie pas, et cela est plutôt inquiétant.

 

Aplanissement de la courbe des taux américains
Aplanissement de la courbe de taux américains

Les estimations de résultats qui seront sûrement revues à la baisse

Aussitôt sorti de la saison des résultats annuels, une nouvelle démarre. Pour autant, les publications risquent d’être moins bonnes au vu de la situation dans laquelle on se trouve et de la hausse du prix du pétrole. La réaction des marchés vis-à-vis des taux de surprises au Q4 2021 n'était déjà pas fantastique, on peut donc s’attendre au pire. Il est fort probable qu’il pleuve des révisions de bénéfices dans les semaines à venir.

 

Réaction des marchés aux taux de surprise des EPS publiés au Q4 2021
Réaction des marchés aux taux de surprise des EPS publiés au Q4 2021. Source : FACTSET

Pour l’instant, elles se font attendre, ce qui aura simplement pour effet de tomber d’un peu plus haut lorsqu’elles sortiront. Les révisions des estimations de croissance du PIB ont quant à elles déjà commencé. Pour la zone Euro, elles sont passées de 4,2% à 3,5%, un réajustement non négligeable puisque l’effet peut être 5 fois plus important sur les bénéfices. A ce jour, la croissance moyenne des bénéfices annuels attendus pour 2022 tourne autour des 10%. Gardons ce chiffre en tête, nous y reviendrons certainement dans les prochaines semaines.

La poursuite de l’inflation

La hausse des prix continue son chemin en Europe comme aux US. Tous les mois, les chiffres annuels grimpent, pour atteindre 5.9% en Europe et 6.4% aux US. Pour rappel, au Q3 2021, on parlait d’un pic vers février 2022. Aujourd’hui cette inflation semble incontrôlable et la BCE a fini par l’admettre autour du 14 février.

 

Consumer Price Index US. Source : Bureau of labor statistics
Consumer Price Index US. Source : Bureau of labor statistics
Indice des prix à la consommation Europe. Source : Eurostats
Indice des prix à la consommation Europe. Source : Eurostats

 

Sans surprise, c’est la composante énergétique qui drive le plus cette hausse des prix. 

 

Variation 12 mois de certaines composantes du CPI US. Source : Bureau of labor statistics
Variation 12 mois de certaines composantes du CPI US. Source : Bureau of labor statistics

Alors que certaines entreprises sont relativement bien positionnées pour profiter de ce contexte inflationniste en répercutant la hausse de la hausse de leurs coûts sur leurs clients, la majorité en souffre car elles ne sont pas en mesure de le faire. Et depuis le début de cet article, on parle de deux régions développées, dans certains pays cette inflation est bien plus dévastatrice.

Pour vaincre cette inflation, les banques centrales augmentent leurs taux (qui sont, par essence, des taux courts), rendant les crédits à la consommation moins attractifs, ce qui a pour effet de freiner les achats compulsifs qui contribuent à la hausse des prix. En faisant cela, la banque centrale espère aussi que cette hausse de taux aura un impact sur le financement à long terme, or, nous venons de voir avec l’aplanissement de la courbe des taux que la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle est compromise. 

Une hausse des taux trop tardive

On notera que du fait que la guerre ait lieu sur le territoire européen, les divergences de politique monétaire continuent de se creuser. La BCE est plus craintive quant à l’impact de la hausse des taux sur les marchés financiers dans un contexte de conflits aux frontières. Pour autant, de nombreux économistes s’accordent à dire que ces hausses de taux sont urgentes. Les conséquences d’un report perpétuel, pensant que l’inflation se tassera d’elle-même, peuvent être considérables. En effet, si les robinets de crédits restent ouverts, cela alimente les bulles spéculatives comme celle que l’on observe depuis plusieurs années sur l’immobilier. 

Le conflit se poursuit

Enfin, il convient de rappeler que le conflit se poursuit en Ukraine. Comme nous l’avons dit plusieurs fois au sein de cet article, les agents économiques, et plus particulièrement les ménages qui investissent en bourse, ne mesurent pas l’ampleur des conséquences sur les chaînes d’approvisionnement et sur l’énergie si ce conflit perdure ou s’intensifie. Les informations sont extrêmement difficiles à traiter au vu du volume. 

Ce récent rebond des marchés est donc le bienvenu, mais on s’aperçoit que les catalyseurs haussiers sont bien plus fragiles que les catalyseurs baissiers que l’on côtoie depuis maintenant plusieurs mois. Alors que les niveaux actuels représentent une porte de sortie acceptable pour certains, d’autres estiment que le hausse devrait se poursuivre, accordant une confiance aveugle aux banquiers centraux.