PARIS, 23 janvier (Reuters) - Les deux projets de lois qui réforment la justice, contestés par les professions judiciaires () et l'opposition, ont passé mercredi le cap de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale avant de retourner au Sénat en février.

Les députés ont adopté par 325 voix contre 213 le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice et par 327 voix contre 212 le projet de loi organique sur le renforcement de l'organisation des juridictions.

Ces textes créent notamment un parquet national anti-terroriste et ouvrent la voie à une révision de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs.

Il prévoit aussi de porter le budget de la justice de sept milliards d'euros en 2018 à 8,3 milliards en 2022.

Cette augmentation est censée permettre le financement de la "transformation numérique" de la justice et la création nette de 6.500 emplois entre 2018 et 2022.

Voici les principaux points de cette réforme, dont la version adoptée mercredi par les députés ne varie qu'à la marge par rapport à celle qu'ils ont votée en première lecture.

SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

- expérimentation de cours criminelles départementales composées de magistrats, au lieu d'une cour d'assises et d'un jury populaire, pour juger les crimes pour lesquels la peine maximum encourue est 15 ou 20 ans (57% des affaires actuellement jugées aux assises, qui resteront compétentes pour les crimes les plus graves punis de plus de 20 ans ou commis en récidive, et pour les procès en appel) ;

- possibilité de déposer les plaintes et de se constituer partie civile sur internet et instauration d'un dossier pénal unique et numérique, du dépôt de la plainte au jugement ;

- assouplissement des modalités d'interception des communications électroniques et autres techniques spéciales d'enquête qui pourront être utilisées pour tous les crimes, plus seulement pour la criminalité organisée ;

- extension de la possibilité de recourir à des écoutes téléphoniques et à la géolocalisation pour tous les délits punis d'au moins trois ans de prison ;

- mise en place d'amendes forfaitaires pour certains délits comme l'usage de stupéfiants ;

- développement de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui permet au procureur de proposer des peines de plus d'un an de prison mais ne dépassant pas la moitié de la peine encourue ;

- extension de la possibilité pour le parquet de conclure une transaction, notamment financière ;

SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE CIVILE

- possibilité de saisine en ligne, développement du règlement dématérialisé des petits litiges et création d'une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer (au lieu de 500.000 requêtes papier par an traitées dans 307 juridictions) ;

- développement des règlements amiables, généralisation des tentatives préalables de conciliation, médiation et arbitrage, simplification de certaines procédures de divorce ;

TRANSFORMATION NUMÉRIQUE

En plus des mesures de numérisation prévues pour simplifier les procédures pénales et civiles :

- triplement progressif, à partir de 2018, des débits des réseaux des sites de la justice ; déploiement de plus de 12.000 smartphones sécurisés et d'ultraportables en cinq ans ;

- développement des systèmes de visio-conférence et mise en place d'une plateforme d'échange des documents volumineux ;

- ouverture en 2018 d'un portail d'accueil unique du justiciable, le SAUJ, pour permettre aux greffes de donner des informations sur toute procédure ; numérisation complète des procédures, de la plainte au jugement ;

- extension du système Cassiopée de traitement informatisé des procédures et d'échange d'informations entre les parquets, aujourd'hui déployé dans les tribunaux de grande instance ;

SENS ET EFFICACITÉ DES PEINES

L'enjeu est notamment de réduire la surpopulation carcérale tout en assurant l'exécution effective de peines :

- suppression des peines d'un jour à un mois de prison et possibilité d'exécuter les peines d'un à six mois en dehors d'un établissement pénitentiaire; développement des peines alternatives, comme la surveillance électronique ;

- fin de l'automatisation systématique de l'aménagement des peines entre six mois et un an de détention (le tribunal devra décider explicitement cet éventuel aménagement) ;

- suppression des aménagements de peines pour les condamnations au-delà d'un an de prison ;

- instauration du "sursis probatoire" en fusionnant sursis avec mise à l'épreuve et contrainte pénale ;

- systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine pour celles inférieures ou égales à cinq ans ;

- développement du travail et de la formation en détention ;

- création d'unités de détention étanches dans près de 80 établissements susceptibles d'accueillir des détenus radicalisés ou violents, avec un objectif de 1.500 places dont 450 en 2018 ;

- création de 7.000 places de prison d'ici 2022 et livraison de 8.000 autres d'ici 2027, avec pour objectif 80% de placements en cellules individuelles ;

ADAPTATION DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE

- l'ensemble des implantations judiciaires sera conservé mais les tribunaux de grande instance (TGI) et d'instance seront fusionnés ; le TGI devient la seule juridiction en matière civile en première instance ; il sera possible de spécialiser des TGI dans des contentieux particuliers, civils ou pénaux ;

- un parquet national antiterroriste se substituera au parquet de Paris pour traiter les faits de terrorisme, les crimes de guerre et contre l'humanité et les infractions relatives à la prolifération des armes de destruction massive.

Il pourra recourir si besoin en cas de crise à une "réserve opérationnelle" de magistrats du parquet de Paris et s'appuyer sur des magistrats "délégués à la lutte contre le terrorisme" dans les territoires exposés à ce phénomène.

RÉVISION DE L'ORDONNANCE DE 1945 SUR LES MINEURS

Un amendement introduit par le gouvernement autorise celui-ci à réviser par ordonnance les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs.

Cette nouvelle révision de l'ordonnance de 1945 vise à simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs, à accélérer leur jugement, à renforcer leur prise en charge et à regrouper les dispositions les concernant dans un code de la justice pénale des mineurs. (Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)