PARIS, 16 février (Reuters) - L'armée française réfléchit à des mesures disciplinaires contre un colonel qui s'est attiré les foudres de sa hiérarchie en rédigeant un article mettant en cause sans réserve la stratégie de la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak.

"Des sanctions sont à l'étude", a déclaré samedi à Reuters le colonel Patrik Steiger, porte-parole de l'état-major, sans plus de précisions.

Un article publié par le colonel François-Régis Legrier dans le numéro de février de la Revue de défense nationale est à l'origine de la colère de la haute hiérarchie militaire.

L'auteur, qui a officié comme commandant fin 2018 et début 2019 au sein de la coalition, y tire les leçons de la bataille d'Hajine, une localité syrienne proche de la frontière avec l'Irak, d'où les djihadistes ont été chassés début janvier, après plus de quatre mois de combats.

"Nous n'avons en aucune façon gagné la guerre faute d'une politique réaliste et persévérante et d'une stratégie adéquate. Combien d'Hajin faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route ?", écrit-il en conclusion de cet article intitulé "Victoire tactique, défaite stratégique ?".

Le colonel François-Régis Legrier y déplore une victoire remportée "de façon très poussive, à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions" alors même que l'EI ne pouvait aligner que 2.000 combattants environ ne disposant pas des moyens technologiques des puissances coalisées.

Ce constat doit, selon lui, conduire "décideurs politiques et chefs militaires à un examen critique salutaire" au sujet de la stratégie consistant à déléguer la conduite des opérations au sol aux Forces démocratiques syriennes (FDS).

Résultat : l'EI "ne semble pas atteint dans sa volonté de continuer la lutte" et la coalition dirigée par les Etats-Unis a "donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l'occidentale laissant derrière (elle) les germes d'une résurgence prochaine d'un nouvel adversaire".

Auteur de l'ouvrage "Si tu veux la paix, prépare la guerre", François-Régis Legrier commandait encore récemment les artilleurs français de la task force Wagram, basée en Irak. A ce titre, il a rencontré la semaine dernière la ministre de la Défense, Florence Parly, alors en déplacement dans le pays.

Dans un communiqué publié vendredi, la revue a fait savoir que l'article avait été retiré de son site internet à la fois parce qu'il portait sur des opérations encore en cours et parce qu'il n'avait pas obtenu l'approbation des autorités militaires, normalement indispensable en pareil cas. (Sophie Louet et Simon Carraud avec John Irish, édité par Nicolas Delame)