LONDRES (Reuters) - Les ministres britanniques des Finances et de la Santé ont annoncé mardi qu'ils quittaient leurs fonctions, des départs qui fragilisent encore davantage la position du Premier ministre Boris Johnson après que celui-ci a tenté de s'excuser pour un nouveau scandale secouant son administration.

Rishi Sunak et Sajid Javid ont présenté leurs démissions dans des lettres adressées à Boris Johnson, à quelques minutes d'intervalle, dans lesquelles ils ont remis en question la capacité de l'ancien maire de Londres à diriger une administration répondant à des standards.

Ces deux démissions ont été annoncées juste après que Boris Johnson s'est exprimé à la télévision pour présenter ses excuses pour n'avoir pas réalisé qu'un ancien membre de son administration n'était pas un choix adéquat, alors que celui-ci était visé par des accusations d'inconduite sexuelles.

Le Premier ministre continue de travailler comme d'habitude après la démission des deux ministres, a déclaré à la chaîne de télévision Sky News le ministre en charge des opportunités du Brexit, Jacob Rees-Mogg.

D'après la BBC, la ministre des Affaires étrangères, Liz Truss, a assuré qu'elle restait "à 100%" derrière Boris Johnson. Le ministre de la Défense, Ben Wallace, continuerait aussi de soutenir le dirigeant conservateur, selon les médias locaux.

Il est toutefois attendu que des membres de rang inférieur du gouvernement annoncent à leur tour leurs départs.

Le chef de file de l'opposition travailliste, Keir Starmer, a fait savoir qu'il soutiendrait la tenue d'élections anticipées.

Pendant des mois, Rishi Sunak et Sajid Javid avaient publiquement soutenu Boris Johnson face aux scandales ayant éclaboussé son administration, dont le "Partygate" - les fêtes alcoolisées organisées à Downing Street en dépit alors des restrictions sanitaires face à l'épidémie de COVID-19.

Boris Johnson a surmonté le mois dernier une procédure lancée par des députés de son Parti conservateur en vue de le destituer, à la suite de ces scandales à répétition.

"AGONIE"

Rishi Sunak, qui aurait eu en privé d'importants désaccords avec Boris Johnson sur les dépenses publiques, a dit n'avoir pas pris sa décision "à la légère", dans un contexte économique délicat à la suite de la crise sanitaire, de la guerre en Ukraine et "d'autres défis importants".

"Le public attend à juste titre que le gouvernement se conduise de bonne manière, avec compétence et sérieux", a-t-il écrit dans sa lettre. "Je pense que ces standards méritent d'être défendus et c'est pour cela que je démissionne".

Sajid Javid a, lui, déploré que l'opinion publique et les parlementaires aient perdu confiance dans la capacité de Boris Johnson à gouverner dans l'intérêt national.

"Je regrette de devoir vous dire (...) qu'il me paraît clair que la situation ne changera pas sous votre direction et que vous avez aussi perdu ma confiance", a-t-il écrit à Boris Johnson.

La démission la semaine dernière de l'éminent député conservateur Christopher Pincher a donné lieu à plusieurs jours d'un récit fluctuant de la part de Downing Street sur ce que savait, ou non, Boris Johnson à propos du comportement de Pincher.

Nombreux sont ceux au Parti conservateur à être exaspérés par la nouvelle accusation de mensonge visant Boris Johnson et le recours par Downing Street à l'argument de la perte de mémoire. Certains députés estiment que l'administration britannique est paralysée par la gestion des scandales.

Des voix s'élèvent à nouveau dans les rangs conservateurs pour tenter d'engager des démarches visant à chasser Boris Johnson du pouvoir, alors que d'autres avaient exhorté les principaux ministres à agir.

"Il est fini", avait dit dans la journée, sous couvert d'anonymat, un élu conservateur à propos de Boris Johnson. "Il ne devrait pas prolonger l'agonie. C'est irrespectueux envers ses collègues, son parti et son pays".

Un autre député conservateur avait tenu des propos similaires: "C'est fini. Je serais étonné qu'il passe l'été".

(Reportage du bureau de Londres; version française Nicolas Delame et Jean Terzian)

par Elizabeth Piper, Alistair Smout et Andrew MacAskill