Pour cette analyse des banques de détail, nous nous sommes basés sur cinq entreprises européennes de grande capitalisation. Chacune des entreprises est le premier groupe bancaire de son pays. Il s’agit de HSBC Holdings, BNP Paribas, Banco Santander, Intesa Sanpaolo et ING Groep.

Source : Zonebourse.com

Ces cinq entreprises exercent des activités de banque de détail en majorité, et sont également banques d’investissement. Les activités de détail sont majoritairement tournées vers le crédit et les produits de placements, quand les activités d’investissement visent principalement les opérations sur les marchés financiers telles que des introductions en bourse ou encore les fusions et acquisitions. L’activité de détail offre donc un rendement récurrent, mais peu important, tandis que les activités d’investissement peuvent être très rentables, mais sont plus aléatoires et par essence plus risquées.

Depuis plusieurs années, nous observons une baisse structurelle de la valorisation des valeurs bancaires. Elles ont beaucoup chuté en mars 2020, en prévision d’une baisse de marge d’intérêt, d’une réduction de la demande de prêts et d’une activité de marché et d’intermédiation plus faible. Que l’on se place sur cinq années, ou depuis début 2020, le constat est le même : les valeurs bancaires sont à la traîne des performances indicielles. L’exception qui confirme la règle est la période récente, avec une très belle performance au cours des six derniers mois.

Source : Zonebourse.com

Le secteur bancaire est en pleine mutation. L’arrivée des fintechs telles que N26, Chime, Nubank ou encore Square, qui adaptent leurs offres aux clients du fait de leur agilité numérique, change la donne. Les interfaces utilisateur sont plus attrayantes et personnalisables, les coûts réduits car il n’y a pas d’agences, et les nouvelles fonctionnalités comme la biométrie, les micro-crédits et les micro-placements séduisent les clients les plus jeunes. Ainsi, environ un tiers des comptes ouverts aujourd'hui le sont auprès d’une néobanque.

Les banques plus traditionnelles restent sur le devant de la scène pour les prêts aux particuliers et aux entreprises, et pour la gestion de patrimoine : on ne peut pas contracter un prêt immobilier auprès d’une néobanque et les sociétés ont besoin de contreparties solides dans leurs relations bancaires. De plus, malgré les nouvelles possibilités d’investir sans commissions ou presque via les néobanques, les clients les plus matures ou les plus fortunés restent dans le giron des banques classiques pour leurs placements. Il sont en effet peu susceptibles de quitter leur gestionnaire de patrimoine pour un nouvel acteur sans antécédents.

Revenons aux cinq entreprises que nous avons retenues pour les besoins de notre étude. Nous allons voir des ratios spécifiques au secteur, car l’activité bancaire est différente des business traditionnels. Aux traditionnelles lignes de compte de résultat, on préférera des indicateurs plus spécifiques que nous allons détailler ensemble. Mais les indicateurs classiques restent pertinents, et nous utiliserons principalement le résultat d’exploitation, la variation de chiffre d’affaires et les multiples de bilan et compte de résultat.

  • Le Common Equity Tier 1

Un indicateur primordial pour les valeurs bancaires est le Common Equity Tier 1 (CET1). C’est le ratio minimal de fonds propres ‘durs’, c'est-à-dire la partie jugée la plus solide des fonds propres. Il a pour but de rendre les banques solvables en cas de choc, et ainsi de garantir la solidité du système financier. Le seuil minimal est de 7% (4.5% d’exigence minimale, augmentée de 2.5% de coussin de conservation), mais il est agrémenté de couches supplémentaires par le régulateur en fonction de l'activité de chaque banque. Généralement, les banques se fixent des objectifs bien supérieurs à ce seuil, car un ratio réel proche du ratio prudentiel susciterait de l’inquiétude de la part des investisseurs institutionnels, des actionnaires et également des clients. Plus ce ratio est élevé, plus l’entreprise sera résiliente et à même d’honorer ses engagements.

Si nous prenons l’exemple de BNP Paribas (tableau ci-dessous), on retrouve l'exigence minimale et le coussin de conservation. On retrouve également 0.7% correspondants au pilier 2, qui couvre les risques sous-estimés ou non couverts par le premier pilier. Viennent s’ajouter à cela le coussin de banque d’importance systémique (G-SIBs), de 1.5% dans ce cas, et le coussin de fonds propres contracycliques (0.03%), qui permet de lisser les cycles économiques en obligeant les banques à provisionner davantage leurs réserves, afin de mieux résister aux périodes de récession. Le ratio CET1 de la banque française au 31 mars dernier était de 12,8% pour un niveau requis de 9,22%.

Source : BNP Paribas

  • Le coût du risque

Le coût du risque est le montant des provisions réalisées par les banques pour pouvoir résister aux défaillances de leurs clients. Ce coût du risque a globalement augmenté pour l’année 2020, dû à la dégradation des conditions économiques et financières. Pour HSBC, le coût du risque est en hausse de 125%. Pour BNP, il a augmenté de 79%. Chez Santander, le coût du risque a presque été multiplié par 3, celui d’Intesa a été multiplié par 2, et enfin, celui d’ING a été multiplié par 2.4. Les plus faibles hausses représentent une bonne gestion des risques. A noter que les prêts garantis par l'Etat (PGE) ne s’intègrent pas au coût du risque, ceux-ci étant considérés comme sûrs pour les banques car l’Etat est garant.

  • Le produit net bancaire

Le PNB permet de mesurer la valeur ajoutée générée par l’activité bancaire. C’est donc la différence entre les produits (commissions perçues et marge d’intermédiation) et les charges (commissions versées, charges liées à l’emploi et intérêts versés sur les placements). C’est en quelque sorte l’équivalent d’un chiffre d’affaires pour une entreprise non-financière, puisqu’il s’agit de la première ligne du compte de résultats. Il est intéressant à regarder, mais dans notre analyse nous privilégierons l’étude de la rentabilité.

  • Résultat d’exploitation

Le résultat d’exploitation, aussi connu sous le nom d’EBIT, représente le bénéfice avant déduction des charges, produits d’intérêt et impôts. Nous allons étudier plus bas sa variation, afin de voir l’impact du COVID sur le résultat de notre sélection.

  • Return On Tangible Equity

Le ROTE, ou rendement des capitaux propres tangibles, est le rapport entre le résultat net d’une entreprise et ses fonds propres, retraités du goodwill et de la dette pouvant être convertie en actions. Ce ratio permet de mesurer la rentabilité annuelle des fonds propres. Plus il est élevé, plus les fonds propres sont rentables. Attention toutefois, car il ne prend pas en compte tous les capitaux propres et peut donc être biaisé.

Penchons-nous maintenant sur les entreprises sélectionnées, en analysant les chiffres clés :

Source : Zonebourse.com

Nos entreprises ont toutes un CET1 très satisfaisant.

HSBC a vu son résultat d’exploitation baisser fortement. Le consensus estime qu’il baissera encore de l’ordre de 9% cette année. Son ratio ROTE a été assez fortement impacté. Le chiffre d’affaires de HSBC a chuté de 9.1% en 2021, pour une marge nette de 7.8%, en baisse de 28.3% par rapport à 2019.

Le résultat d’exploitation de l’entreprise BNP Paribas a connu la plus forte hausse des cinq valeurs, montrant une certaine résilience à la crise. Les analystes attendent une croissance de ce chiffre d’environ 6%. Le ROTE a faiblement diminué, montrant là aussi une bonne gestion en temps de crise. Le chiffre d’affaires a baissé de moins de 1%. Enfin, la marge nette a diminué moins que ses homologues.

Pour l’entreprise Santander, les chiffres sont mitigés : d’un côté, on observe un ROTE parmi les plus élevés (mais tout de même en baisse). De l’autre, l’EBIT et le chiffre d’affaires diminuent tous deux. Il restera stable pour l’exercice 2020 selon le consensus. L’entreprise a enregistré une perte comme le montre la marge nette négative.

Intesa Sanpaolo s’en est bien sortie, son résultat d’exploitation est en légère hausse, son ROTE est inchangé et son chiffre d'affaires croît. La marge nette, elle, a diminué de 25%. Ces éléments nous montrent qu’elle a su faire face à la crise.

Pour finir, ING Groep a subi la plus forte baisse de son résultat d’exploitation. Le ROTE diminue également, et le chiffre d'affaires a lui aussi faiblement diminué. La marge nette reste élevée, malgré sa baisse de presque 50%.

Une marge nette élevée sera à privilégier, elle indique une bonne gestion des frais. On voit que c’est le cas de BNP, Intesa et ING. De plus, Intesa a su augmenter son chiffre d’affaires malgré la crise.

  • Rendement

Sur cinq années glissantes, l’indice de référence, le STOXX 600 Banks, a alterné avec une phase haussière jusqu’à 2018, puis a entamé une phase baissière jusqu’en mai 2020, et est aujourd’hui tout juste neutre. On peut donc légitimement se poser la question de l’intérêt d’investir dans les valeurs bancaires au vu de leur faible performance. Parmi nos valeurs, on peut voir que HSBC a longtemps surperformé, pour se retrouver à une performance neutre, aux côtés des entreprises Intesa et ING. Sur cette même période, BNP a suivi la tendance et surperforme depuis ce début d’année. Seule l’entreprise Santander affiche une performance négative de l’ordre de -15%.

Source : Zonebourse.com

Si l’on se base sur le cours de bourse et le versement de dividendes, le rendement annuel net par action, calculé sur 5 années, est de 4.8% pour BNP, 1.6% pour ING et 0.6% pour HSBC et Intesa. L’entreprise Santander affiche une performance négative moyenne de 5% par an.

Source : Zonebourse.com

On constate que HSBC et Santander offrent un moins bon rendement que leurs homologues depuis 2019. BNP et Intesa ont offert la meilleure performance sur ces deux dernières années. ING alterne entre hausse et baisse, mais vient tout de même se placer deuxième lorsque l’on fait la moyenne des cinq années.

Depuis début 2020, la performance de HSBC est la plus faible (-25%), malgré le fait qu’elle avait d’abord mieux résisté à la chute de mars. A contrario, le néerlandais ING, qui avait perdu 60%, se retrouve dans le trio de tête avec une performance de -2%. L’entreprise Santander perd 12%, et BNP affiche la meilleure performance, de 6%.

Source : Zonebourse.com

Nous allons maintenant nous pencher sur les multiples de valorisation de nos 5 challengers, en retenant le PER pour le compte de résultat, ainsi que le P/B pour le bilan.

  • Price Earning Ratio

Le PER moyen du secteur bancaire en Europe est de 10.5. L’entreprise BNP semble faiblement valorisée avec un PER de 9.68. Celui de Santander est de 9.45. ING et Intesa se payent respectivement 10.3 et 11.7 les résultats, ce qui reste très raisonnable par rapport aux autres secteurs. HSBC est fortement valorisée avec un PER de 14.7.

  • Price to Book

Le price to book moyen est de 0.68. BNP et Santander ressortent sous valorisées avec des P/B respectifs de 0.66 et 0.67. Le cours sur actif net de HSBC est de 0.69. Enfin, le cours sur actif net d’ING et Intesa est de respectivement 0.76 et 0.79. Il apparaît clairement que le secteur est sous valorisé, car on paie moins que le total des actifs détenus par l’entreprise.

 

Pour conclure, le secteur bancaire souffre d’une valorisation structurellement faible en Europe depuis la crise de 2008. Il faut dire qu’il est confronté à une mue inédite liée à la concurrence des fintechs et aux nouveaux usages des consommateurs et des entreprises. Pour autant, les valeurs bancaires ont leur place dans un portefeuille diversifié car elles offrent un bon rendement lorsque la conjoncture économique est favorable. On peut voir qu’avec les anticipations d’inflation, les valeurs anciennement laissées de côté reviennent sur le devant de la scène. Depuis le 1er janvier, nos 5 valeurs ont augmenté en moyenne de 30%. 

Pour un investissement value, le choix le plus logique serait BNP Paribas, qui a su se montrer résistante pendant les périodes de baisse du secteur. Elle a offert le meilleur rendement par le passé et est très faiblement valorisée avec son PER de 9.68 et son P/B de 0.68. Pour un investissement plus dynamique, ING Groep semble être un bon candidat : son chiffre d’affaires peu impacté par la crise est attendu en hausse significative par le consensus pour l’exercice 2021. Ses fondamentaux sont bons, malgré une valorisation élevée, et les bénéfices nets par action viennent d’être révisés à la hausse. Si vous êtes indécis, il existe des ETF, comme le Lyxor STOXX Europe 600 Banks (BNK) par exemple, éligible au PEA, et disponible en capitalisant ou distribuant, selon votre préférence.

 

Pour aller plus loin