Créé en 2000, le cabinet de recherche indépendante IDMidcaps suit 300 petites et moyennes valeurs françaises. Son objectif ? Aider les gérants de fonds à détecter les actions offrant le meilleur rapport qualité/valorisation dans une perspective moyen-long terme. Une approche devenue assez originale dans un marché où le momentum à court terme a pris le dessus sur la valorisation intrinsèque des entreprises. Les investisseurs particuliers peuvent également suivre les plus fortes convictions des analystes d’IDMidcaps via la lettre mensuelle boursière « French Flair ».  

Sébastien Faijean, que pensez-vous de la vague de publications des résultats 2021 qui vient de s’achever pour les petites valeurs ? 

 " Encore plus solides qu’attendu, les publications des résultats annuels 2021 ont une nouvelle fois démontré la capacité d’adaptation rapide des PME et ETI cotées françaises. Le fait que ces sociétés s’appuient généralement sur des actionnaires forts et soient souvent aux mains de familles dont c’est l’essentiel du patrimoine n’y est pas pour rien. En reprenant les résultats 2021 de 175 sociétés de l’indice CAC Mid & Small (hors sociétés financières, foncières et holding), nous avons calculé un CA médian supérieur de 3% à celui de 2019 et surtout une évolution médiane du ROC de 9% vs 2019. Avec plus de 60% des sociétés affichant un ROC supérieur à celui de 2019, force est de constater que la sortie de crise fut très rapide pour cet échantillon de PME et ETI françaises …" 

Cette embellie sera-t-elle de courte durée ? 

" Les chiffres d’affaires du 1er trimestre ont prolongé cette tendance et se sont montrés en avance sur nos attentes annuelles, malgré la guerre en Ukraine et malgré les pénuries et retards d’approvisionnement. Les carnets de commandes sont fournis, s’étalant parfois au-delà de 2022 voire 2023. Mais il est clair que cela ne suffit pas à rassurer les investisseurs qui ont très peu de visibilité sur les marges de ces 12/18 prochains mois en raison de la hausse des coûts généralisée (matières premières, énergie, salaires) et de pénuries persistantes. Ce sont même parfois les sociétés au carnet de commandes le plus long qui font l’objet du plus d’incertitude compte tenu du risque d’effet ciseau entre les prix de vente embarqués et les coûts de production à venir. Je pense à Hexaom, Manitou-Haulotte, ou encore au secteur nautique.  

Pour résumer, pour les dossiers industriels se pose la question de la capacité à répercuter les hausses de prix, et pour les sociétés de services la capacité à recruter du personnel pour les dispenser. Alors certes, pour l’instant, les chiffres d’affaires pourraient être revus en hausse grâce à l’effet prix, mais quid des résultats ? Sans compter que la guerre russo-ukrainienne et le contexte sanitaire en Chine pourraient finir par peser sur la demande en volume... " 

Dans ce contexte très incertain, que pensez-vous des niveaux de valorisation de cette classe d’actifs ? 

" Avec la baisse de ces derniers mois, les multiples ont retrouvé leurs niveaux moyens historiques, dans un contexte de taux d’intérêt encore très bas. Surtout, ces niveaux médians ou moyens cachent une forte disparité entre les sociétés à croissance visible et les sociétés étiquetées cycliques (équipementiers automobile, Clasquin, Jacquet, nautisme, intérim…), quand bien même certaines disposent d’un carnet d’ordre record (Manitou, Beneteau, Trigano…). La plupart des niveaux de valorisation des acteurs de la consommation sont également extrêmement bas. Je pense à Fnac Darty, Maisons du Monde et à tous les acteurs du e-commerce qui, bien qu’offrant toujours des perspectives de développement intéressantes à moyen-long terme, pâtissent d’un effet de base difficile couplé à des problématiques de pouvoir d’achat. Les investisseurs, faute de visibilité, se concentrent plus que jamais sur la qualité de la prochaine publication et de sa capacité à décevoir ou surprendre favorablement. Nous pensons qu’il est difficile de surperformer durablement en ayant un horizon court et que dans une optique moyen-long terme, certains dossiers présentent des opportunités majeures. Compte tenu de la faible visibilité dont nous disposons sur les résultats 2022 et 2023, le ratio capitalisation boursière sur fonds propres constitue un bon repère en ce qu’il reflète, pour simplifier, la valorisation des résultats des 10 dernières années. C’est ainsi que l’on peut aujourd’hui mettre assez sereinement en portefeuille des sociétés de qualité, saines financièrement, en profitant d’une décote significative sur la valeur comptable de leur actif net. Je pense à Jacquet Métals, Vicat, Haulotte, Vilmorin, et à la plupart des équipementiers automobile, ces derniers étant plus proches de leur bas de cycle que l’inverse…" 

Quelles sont vos valeurs favorites ? 

" Parmi les valeurs citées plus haut, nous sommes à l’achat fort sur Jacquet Metals qui décote de 20% sur un actif net essentiellement constitué de stocks. Les aciers inoxydables constituent plus de la moitié des ventes de ce distributeur d’aciers spéciaux, ce qui lui confère des débouchés soutenus dans l’armement, les infrastructures hydrogène et les méthaniers. Toujours dans une optique d’investissement à moyen-long terme, Beneteau est à regarder. Nous apprécions la qualité de sa gestion de ce leader mondial et sa faible valorisation : 6.5x le ROC attendu en 2022. L’équipementier télécom Ekinops nous semble également faiblement valorisé à 1 fois la valeur d’entreprise rapportée aux ventes sachant que la société a commencé l’exercice 2022 avec un record de croissance organique depuis sa cotation. Les besoins sont là, la visibilité sur la fourniture de composants satisfaisante, et la valorisation attractive à 7.6x le ROC 22 compte tenu de la qualité du parcours historique. Toujours dans la technologie, salons la très forte croissance organique retrouvée par l’éditeur de logiciels Ateme au 1er trimestre 2022 qui s’est accompagnée d’une révision à la hausse ses objectifs financiers. Citons également la Rolls des ESN, Wavestone, dont la valorisation instantanée n’est certes pas donnée mais dont le parcours est loin d’être terminé. Enfin, de plus petits dossiers pourraient tirer leur épingle du jeu dans les prochains trimestres : Boa Concept, Dekuple, Visiativ, Bilendi." 

Une valeur à vendre ? 

Malgré ses qualités indiscutables, Interparfums reste chèrement valorisée malgré la chute récente de son cours de Bourse. Qu’est ce qui justifie que ses multiples de valorisation soient presque deux fois plus élevés que LVMH ?" 

Un « coup de gueule » pour finir ? 

Ou un constat malheureux : depuis 30 mois consécutifs, les fonds de petites et moyennes valeur décollectent. Dans un monde incertain où la performance relative à court terme prévaut, les petites valeurs souffrent de leur manque de liquidité et de leur éviction de la gestion passive.  De moins en moins d’investisseurs valorisent la qualité des fondamentaux et la valorisation intrinsèque des dossiers, s’attachant surtout à tracker les dynamiques court terme. Conséquence de ce phénomène, la surperformance boursière de la classe d’actif ne s’est vérifiée qu’une année sur les quatre dernières, alors que dans les précédentes décennies c’était plutôt huit années sur dix. "