Oh oh oh, on dirait bien que la semaine ne sera pas aussi terne que prévu sur les marchés financiers. Les investisseurs s'attendaient à laisser les séances filer jusqu'à Noël au rythme de Maria Carey ou de Tino Rossi. Mais on dirait que l'ambiance est un peu plus électrique, avec les Jingle Bells façon Sex Pistols. Il faut dire que cette nuit, la Banque du Japon a pris tout le monde par surprise en opérant une inflexion de politique monétaire qui ressemble fichtrement à un revirement d'importance. La banque centrale japonaise est tellement passive en temps normal que chaque haussement de sourcil est un petit événement en soi. J'essaie de vous expliquer pourquoi un peu plus loin.

Mais commençons par les actions, dont les parcours ont été hier pour le moins divergents. En Europe, les principaux indices ont mis fin à trois séances consécutives vers le bas par un rebond modeste. Le strict minimum en Suisse par exemple (+0,03%), et à peine plus en Allemagne, en France et au Royaume-Uni (0,3 à 0,4% de gains). C'est maigre et ça manquait un tantinet de conviction. Et heureusement que l'énergie a tracté le convoi, sans quoi le rouge aurait probablement pris le dessus sur le vert. Aux Etats-Unis, la question de la couleur des indices a été vite tranchée. Si le début de séance a semblé hésitant, les vendeurs l'ont rapidement emporté pour entraîner les indices en baisse marquée. Alors ils n'ont pas clôturé au plus bas du jour, mais ils ont clairement souffert. Le Dow Jones n'a perdu que 0,5%, aidé par ses valeurs défensives (santé, énergie, armement), mais le S&P500 a lâché 0,9% et le Nasdaq 100 un peu plus de 1,4%. Le fonds Ark Innovation de Cathie Wood, archétype de la prise de risque extrême sur les valeurs de croissance, a touché en clôture un plus bas depuis l'été 2017. Il perd 66% depuis le 1er janvier.

Wall Street a du mal à se remettre de la mauvaise nouvelle trompétée par les banquiers centraux occidentaux la semaine dernière. La période de taux élevés sera plus longue que le marché ne l'anticipait. En parallèle, la Chine ne fait rien pour aider. Le booster de la fin de la politique zéro-covid est en train de se transformer en pétard mouillé avec la hausse rapide des contaminations dans le pays. C'est ballot parce que ça tombait à pic, cette histoire de redressement rapide de l'économie chinoise. Au lieu de cela, il faudra peut-être attendre encore un moment avant que les statistiques épouvantables de la seconde économie du monde ne s'améliorent.

Bref, c'est pas la joie sur les marchés actions. Et ça, c'était avant que la Banque du Japon ne vienne apporter sa pierre à l'édifice pendant la nuit. Je vais essayer d'expliquer les choses simplement. La Banque du Japon, la BoJ pour les intimes, était la dernière grande banque centrale à pratiquer une politique très accommodante. Il faut dire qu'elle attendait depuis si longtemps de réveiller l'inflation japonaise qu'elle n'avait aucune envie de tout mettre par terre au moment de toucher au but. Alors la politique nippone reste très souple, puisque les taux ont été maintenus au plancher, mais les banquiers centraux ont décidé d'élargir la fourchette de fluctuation tolérée sur les emprunts d'Etat à 10 ans. En clair, la BoJ ouvre à son tour la voie à une normalisation de sa politique monétaire, même si elle explique que c'est pour améliorer le fonctionnement du marché obligataire et pas à cause des craintes inflationnistes. Le gouverneur Kuroda a même pris soin de préciser qu'il ne s'agit pas d'une hausse de taux déguisée. Les professionnels s'y attendaient, mais plutôt dans six mois. La réponse du marché est une vive hausse des rendement du JGB (le 10 ans japonais) une baisse du Nikkei 225 (sauf les banques et les assurances, qui flambent) et une forte hausse du yen (+3% face au dollar).

Quant à la réaction en Europe et aux Etats-Unis, elle est visible sur les rendements obligataires qui ont pris la pente ascendante de façon marquée (le 10 ans US est passé de 3,5% hier matin à 3,67% actuellement). Les indicateurs avancés des marchés actions occidentaux ont creusé leurs pertes. J'imagine que les investisseurs raisonnent ainsi : si la BoJ, plutôt placide, agit dans l'urgence, c'est qu'il faut s'attendre à un degré de tension plus élevé que prévu sur les taux. Ce qui rejoint les craintes récentes issues des derniers commentaires de la Fed et de la BCE. "La Banque du Japon nous enseigne une fois de plus que la complaisance est le diable", résume l'analyste de City Index Matthew Simpson.

Dans le reste de l'actualité, l'UE plafonne finalement le prix du gaz à 180 EUR par MW. Le prix actuel est de 110 EUR, tandis que le plafond précédemment discuté était de 275 EUR. Les experts ont l'air partagés sur l'efficacité d'une telle mesure, notamment parce qu'elle risque de renforcer les échanges sur le marché de gré à gré, moins transparent que les bourses classiques. En Chine, en dehors de l'actualité pandémique, la banque centrale a laissé ses taux inchangés, comme prévu. Enfin, Elon Musk n'a pas l'air de vouloir quitter son poste de CEO de Twitter après avoir promis de le faire si un sondage lancé par ses soins tournait en sa défaveur. Ce qui a été le cas puisque 57,5% des répondants lui ont demandé de partir. La farce tourne de plus en plus au Docteur Elon et Mister Musk. "Lorsqu'un homme immensément riche, habitué non seulement à obtenir tout ce qu'il veut mais aussi à être une icône adulée, se retrouve à la fois en train de perdre son aura et de devenir un sujet de moquerie généralisée, il est évident qu'il se déchaîne de façon erratique et que, ce faisant, il aggrave encore ses problèmes", écrit l'économiste Paul Krugman dans un papier d'opinion du New York Times. Pour le dire autrement, tout génial et visionnaire qu'il est par ailleurs, quand les questions d'ego entrent en scène, Musk n'est pas la truite la mieux oxygénée du bassin, pour reprendre une expression entendue récemment à la maison.

Sur les marchés actions d'Asie Pacifique, la décision de la BoJ a donc creusé les pertes indicielles. Le Nikkei 225 perd 2,5% à Tokyo, pendant que le Hang Seng de Hong Kong cède 1,7%. Les autres places évoluent aussi dans le rouge. Les indicateurs avancés européens laissent présager une baisse marquée à l'ouverture. Le CAC40 démarre la séance en baisse de 0,8% à 6418 points.

Les temps forts économiques du jour

Journée calme au niveau de l'agenda macro, avec essentiellement les permis de construire & mises en chantier de novembre aux Etats-Unis. Tout l'agenda macro ici.

La paire euro / dollar reste proche de 1,06 USD. L'once d'or se négocie autour de 1789 USD. Le pétrole varie peu, avec un Brent de Mer du Nord à 79,93 USD le baril et un brut léger américain WTI à 75,61 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans explose en hausse à 3,69%. Le bitcoin s'échange autour de 16 800 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Aroundtown : Berenberg passe d'acheter à conserver on visant 3 EUR.
  • Bénéteau : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 19 à 21 EUR
  • bioMérieux : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 89 à 86 EUR.
  • Cosmo : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 89 à 82 CHF.
  • Crédit Agricole : AlphaValue passe d'acheter à accumuler en visant 11 EUR.
  • Crédit Suisse : RBC reprend le suivi à la performance sectorielle en visant 3,50 CHF.
  • Derwent London : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 2800 à 2450 GBp.
  • Getinge : Handelsbanken passe d'acheter à conserver.
  • Harvia : Inderes passe d'acheter à accumuler en visant 21 EUR.
  • Kardex : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 205 à 200 CHF.
  • Kinepolis : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 68 à 58 EUR.
  • Polypeptide : UBS reste neutre avec un objectif de cours relevé de 25,50 à 26,50 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Ramon Fernandez va quitter la direction financière d'Orange pour CMA CGM.
  • Engie confirme ses objectifs et évalue l'impact de la révision triennale des provisions nucléaires belges.
  • Stellantis augmente sa production de moteurs électriques en France.
  • Kering et Société Générale bouclent leurs programmes de rachat d'actions.
  • Vinci consacre 820 M$ à la rénovation de l'aéroport mexicain de Monterey.
  • Electricité de France obtient un jugement favorable du TC de Paris en marge du contentieux sur sa sortie de la cote.
  • Elior va racheter Derichebourg Multiservices pour 450 M€ en titres. Derichebourg monterait à 48,4% du capital, mais demanderait une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique d'achat.
  • Scor renouvelle son mécanisme de capital contingent pour renforcer ses capitaux en cas d'événement extrême.
  • Spie conclut la vente de ses activités britanniques à Imtech.
  • Suez et Waga Energy démarrent une cinquième unité de production de biométhane.
  • Mercialys vend deux centres commerciaux français pour 10 M€.
  • Somfy et Atlantem (Herige) scellent un partenariat autour de la fenêtre coulissante connectée.
  • Eagle Football boucle finalement le rachat de l'Olympique Lyonnais à 3 EUR par action.
  • Hydrogen Refueling Solutions obtient 3,1 M€ de subventions.
  • Precia liquide deux filiales australiennes.
  • Riber met la technologie MBE au service des matériaux pour ordinateurs quantiques.
  • Carmat obtient 17,5 M€ de financements dans le cadre du programme européen EIC Accelerator.
  • Exel Industries et Bleecker ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Steel Dynamics va rejoindre le S&P500 à la place d'Abiomed.
  • Siemens Energy décroche 93% des parts de Siemens Gamesa et va retirer le fabricant d'éoliennes de la cote.
  • Boeing obtient le soutien du Congrès américain pour prolonger le délai de certification du 737 MAX.
  • Le fabricant chinois de smartphones Xiaomi va supprimer 15% des emplois.
  • Le Credit Suisse traîne en justice le blog suisse Inside Paradeplatz pour des commentaires sous des articles.
  • Moody's relève la perspective de Clariant à positive suite à une restructuration complète.
  • L'affaire entre Citigroup et les créanciers de Revlon aurait été abandonnée.
  • AMS-Osram cède ses activités Clay Paky.
  • Honeywell va payer 202,7 M$ pour mettre fin à des enquêtes anti-corruption aux États-Unis et au Brésil.
  • Apple condamné à une amende d'1 M€ par un tribunal français concernant les politiques de l'App Store, rapporte Reuters.
  • Klöckner va acquérir le National Material of Mexico pour 340 M$.
  • Sika ouvre une nouvelle usine en Chine.
  • La vente de l'usine de fabrication américaine d'Electrolux est reportée à 2023.
  • Principales publications du jour : Nike, General Mills, Fedex, FactSetTout l'agenda ici.

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