(Actualisé avec autres déclarations de Porochenko, réaction de l'Eglise orthodoxe russe, précisions)

KIEV, 15 décembre (Reuters) - L'Eglise orthodoxe ukrainienne s'est choisi samedi un nouveau patriarche, officialisant le schisme avec Moscou lors d'une cérémonie comparée par le pouvoir à la rupture avec l'Union soviétique en 1991.

Le président ukrainien Petro Porochenko a annoncé que le métropolite Epiphanie, gouverneur du patriarcat de Kiev âgé de 39 ans, avait été élu pour diriger la nouvelle Eglise par un concile réuni à la cathédrale Sainte-Sophie, dans la capitale ukrainienne.

"Ce jour entrera dans l'Histoire comme un jour sacré (...) le jour de notre indépendance définitive de la Russie", a proclamé par la suite le chef de l'Etat devant des milliers de partisans, dont beaucoup arboraient les couleurs jaune et bleu du drapeau national ukrainien.

L'établissement d'une Eglise d'Ukraine "autocéphale" (indépendante), après plus de 300 ans sous la tutelle de l'Eglise orthodoxe russe, a été autorisé en octobre dernier par le Patriarcat oecuménique de Constantinople.

Il s'inscrit dans le contexte de tensions qui prévaut dans les relations entre Kiev et Moscou depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 et l'apparition de groupes séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine.

Le gouvernement de Porochenko accuse le Patriarcat orthodoxe de Moscou d'exercer une influence pernicieuse sur le sol ukrainien et de se comporter en agent de Moscou pour justifier l'expansionnisme russe.

Petro Porochenko, qui milite depuis longtemps pour la création d'une Eglise indépendante, espère également que cette scission lui fera gagner en popularité avant l'élection présidentielle de mars prochain.

UNE "EGLISE SANS POUTINE"

Le Patriarcat de Moscou rejette ces accusations et assure qu'il a tout fait pour favoriser la paix dans le Donbass. La Russie compare cette rupture au Grand Schisme de 1054 entre les Eglises chrétiennes d'Orient et d'Occident.

Le patriarche de l'Eglise orthoxoxe russe Cyrille a demandé cette semaine à la chancelière allemande Angela Merkel et au président français Emmanuel Macron, médiateurs dans le conflit russo-ukrainien, d'intervenir pour bloquer cette scission.

L'Eglise orthodoxe russe a jugé l'élection d'Epiphanie illégitime car seulement deux membres du Patriarcat de Moscou, l'Eglise qu'elle soutient en Ukraine, ont assisté selon elle au concile.

"A l'exception de deux traîtres", le projet "visant à persuader l'Eglise canonique d'Ukraine de participer à la création de cette nouvelle structure a échoué", a estimé le métropolite Hilarion, porte-parole de l'Eglise orthodoxe russe.

Devant la foule rassemblée à Kiev, Porochenko a salué l'avènement d'une "Eglise sans Poutine, (...) d'une Eglise sans Cyrille, (d')une Eglise sans prière pour le pouvoir russe et sans l'armée russe qui tue des Ukrainiens".

"La question d'une Eglise autocéphale est une question de sécurité nationale pour l'Ukraine", a également estimé le président ukrainien devant le conseil du Patriarcat de Kiev.

"C'est une question de souveraineté. Nous acquérons l'indépendance spirituelle, ce qui peut être comparé à l'obtention de l'indépendance politique. Nous brisons les menottes qui nous liaient à l'empire." (Pavel Polityuk, Matthias Williams Jean-Stéphane Brosse pour le service français)