Berlin (awp/afp) - Croissance poussive, usines privées de composants, flambée des coûts de l'énergie, avenir des dépenses publiques: le nouveau gouvernement allemand n'a même pas encore pris ses fonctions que les défis économiques s'imposent déjà à son agenda.

Le gouvernement sortant d'Angela Merkel présente mercredi ses nouvelles prévisions de croissance pour 2021, attendues nettement révisées à la baisse par rapport aux estimations du printemps (3,5%).

Dans la première économie européenne, les indicateurs inquiétants s'enchaînent comme autant de signaux adressés au trois partis -sociaux-démocrates, Verts et libéraux- qui négocient actuellement la formation d'une coalition.

Il y a une semaine, les experts des principaux instituts économiques avaient déjà donné le ton tablant désormais sur une hausse du PIB de 2,4% en 2021.

Principale cause: les pénuries de composants et de matières premières qui brident la reprise post-covid du pays particulièrement dépendant de sa puissante industrie exportatrice.

Les carnets de commande des fabricants de voitures ou de machines-outils sont pleins mais les chaînes de production tournent au ralenti, ou sont contraintes à l'arrêt, tandis que la hausse du prix du bois, des plastiques, des métaux, du gaz alourdit la facture.

Fin d'année morose

En septembre, les industriels allemands ont vu leurs coûts grimper de 14,2 % sur un an. Ils n'avaient pas connu une telle hausse depuis octobre 1974, c'est-à-dire à la suite du premier choc pétrolier.

La production industrielle a plongé de 4% en août sur un mois. Les exportations, qui n'avaient cessé de se redresser depuis la première vague de Covid-19, ont fléchi de 1,2%.

Au dernier trimestre, "l'économie allemande ne devrait pas faire mieux que stagner", prévoit Andrew Kenningham, économiste chez Capital Economics.

"Avec le risque évident qu'elle ne retrouve pas son niveau d'avant la crise (du Covid) cette année", avertit Carsten Brzeski, analyste chez ING.

Le moral des entrepreneurs allemands a reculé en octobre pour le quatrième mois d'affilée.

C'est "un indice pour la coalition naissante" qui va devoir "éviter autant que possible d'imposer des charges supplémentaires à l'économie", juge Jens-Oliver Niklasch, économiste à la banque LBBW.

Si les experts misent sur un regain d'activité en 2022, à condition que la crise mondiale des chaînes d'approvisionnement se résorbe, la dégradation de la conjoncture pèse sur les négociations politiques en cours à Berlin.

L'accord préliminaire de gouvernement entre les trois partis fait figurer en tête des priorités un plan d'investissements massifs, indispensable pour que l'Allemagne décarbone et numérise son économie.

Le montant des dépenses à engager dans la prochaine décennie est évalué entre 30 et 50 milliards d'euros par an, selon différentes estimations.

"Créativité"

Les futurs partenaires de gouvernement ont promis de faire preuve de "créativité" pour dégager les ressources nécessaires mais la voie est étroite: ils se sont engagés à ne pas augmenter, ni créer de nouveaux impôts ; ils veulent aussi revenir au dispositif de "frein à l'endettement", qui empêche l'Etat d'emprunter plus de 0,35% de son PIB chaque année.

Cette règle a été suspendue, comme le permet la constitution, pour affronter la pandémie de coronavirus, à coup de centaines de milliards d'euros d'aides publiques.

Avant de revenir à l'orthodoxie en 2023, plusieurs voix, y compris dans le camp des adeptes de la rigueur, plaident pour un tour de passe-passe budgétaire: gonfler au maximum l'enveloppe des nouveaux emprunts à contracter l'an prochain, dernière année de suspension du frein à l'endettement, pour constituer une cagnotte affectée aux investissements d'avenir.

Autre piste: le gouvernement allemand ne contracterait pas d'emprunts pour son propre budget, mais pour le compte de structures publiques, comme la Banque publique d'investissement (KfW), comptabilisés comme des dépenses "extra-budgétaires".

Le co-patron vert Robert Habeck va jusqu'à imaginer de nouvelles entreprises d'Etat, dédiées à des projets de modernisation comme l'extension du réseau de bornes de recharge pour voitures électriques.

Le temps presse, fait valoir le puissant syndicat de la métallurgie IG Metall, qui appelle les salariés à manifester vendredi dans tout le pays.

"Le prochain gouvernement fédéral peut prêcher la modernisation - mais il doit rapidement faire suivre ces annonces d'actions", juge son chef Jörg Hofmann. "Pour que l'Allemagne reste un pays industriel et car des centaines de milliers d'emplois en dépendent".

afp/lk