Les marchés actions ne sont pas parvenus hier à remettre la marche avant après la forte correction subie vendredi. Parfois, un rebond dit "technique" suit ce genre de baisse. Mais hier, les investisseurs sont restés préoccupés par les conséquences de la crise énergétique qui sévit, après avoir été pris au dépourvu vendredi par la fermeté du président de la Fed. Jerome Powell a sabré le surcroît d'optimisme qui circulait depuis quelques semaines en rappelant que la lutte contre l'inflation est un combat de longue haleine, qui ne sera pas gagné sans douleur. En un sens, ce discours me rappelle un article que j'ai lu il y a quelques temps sur le "mythe de la bataille décisive" (disponible gratuitement ici). En l'occurrence il traite du conflit en Ukraine, mais ses enseignements peuvent être transposés à la situation économique : l'inflation a beau marquer des signes d'inflexion, la guerre n'est pas finie. Loin de là, a fait comprendre Powell.

Côté indices, le Nasdaq a encore perdu hier 1% après avoir cédé 4% vendredi. L'indice technologique américain, qui est une sorte de marqueur pour la santé des marchés financiers, évolue certes 13% au-dessus de son point bas du 16 juin dernier, mais il est toujours en baisse de 23,5% en 2022. En Europe, le même exercice pour le CAC40 donne un rebond de 7,5% depuis les plus bas récents, remontant au 5 juillet, mais une baisse de 13% sur l'année en cours. En Europe comme aux Etats-Unis lundi, le principal sanctuaire reste le compartiment énergétique, c’est-à-dire en majorité les entreprises du secteur pétrolier.

Et d'énergie, on est partis pour en parler encore un moment. On utilise à tort et à travers le mot crise depuis des années. Il y a toujours une crise de quelque chose. Et puis il y a les Crises avec un grand "C". La Crise financière de 2008 par exemple. Parlera-t-on aussi de la Crise énergétique de 2022 à l'avenir ? Peut-être pas à l'échelle planétaire, mais en Europe, cela semble presque évident. Hier, l'annonce d'un remplissage plus rapide que prévu des stocks de gaz en Europe a permis une détente relative sur les prix. Mais ils restent affreusement élevés et tirent vers le haut les tarifs de l'électricité, mettant à mal de nombreux intermédiaires. Uniper, le principal importateur de gaz allemand, a déjà brûlé la ligne de crédit de 9 Mds€ qui lui avait été accordée pour parer au plus pressé. Son PDG estime que l'entreprise perd actuellement plus de 100 M€ par jour et que le plan de sauvetage public décidé le mois dernier ne suffira pas. Le chaos sur le marché de l'énergie force l'Europe à une réponse politique. Apparemment, une réunion d'urgence des ministres de l'énergie est prévue le 9 septembre. Si j'étais un brin cynique, je dirais que je n'ai pas tout à fait la même conception de l'urgence, mais j'imagine que des techniciens sont déjà à pied d'œuvre pour plancher sur une solution acceptable.

"La Commission européenne et Madame von der Leyen ont maintenant une meilleure idée de la façon dont les prix de l'électricité basés sur le gaz conduisent l'Europe à un effondrement total de ses marchés énergétiques", souligne le patron du bureau d'études AlphaValue, Pierre-Yves Gauthier. Qui ajoute, et je partage totalement ce point de vue que "l'Europe paie une taxe massive à tous les fournisseurs d'énergie alors qu'elle ne devrait payer que le gaz. Tout caprice de Poutine ou de MBS entraîne des convulsions énergétiques croisées en Europe et l'argent quitte les consommateurs ou les poches du gouvernement pour filer dans celles des dictatures". Pour bien comprendre la relation entre le prix du gaz et celui de l'électricité, il faut savoir que la formation du prix de gros de l'électricité en Europe est déterminée par le coût de production de la dernière centrale mobilisée pour satisfaire la demande, qu'on appelle centrale "marginale" et qui est le plus souvent une centrale à gaz lors des pics de consommation (ou une centrale au charbon quand il faut aller encore plus loin). Quand le prix du gaz flambe, le prix de gros de l'électricité flambe donc aussi. D'autant que plus l'énergie de production d'électricité est "sale", plus elle est affectée par le mécanisme d'échange de quotas carbone européen, donc plus elle est chère. Ainsi l'ensemble de la chaîne de prix se retrouve tiré vers le haut.

C'est ce système fondé sur un prix du gaz très bas qui est ultra-pénalisant désormais, puisque les coûts de production réels de l'électricité sont actuellement bien plus faibles que les prix du marché de gros. Ce ne sera plus le cas cet hiver s'il est rigoureux, puisqu'il faudra utiliser le gaz payé à prix d'or pour faire face aux pics de consommation, mais c'est ce qui fait dire à Pierre-Yves que le Russie est en train de siphonner les budgets européens puisque non seulement elle vend presque autant de gaz et de pétrole qu'avant, mais en plus à des prix incroyablement élevés. J'espère ne pas vous avoir perdu en route, ni écrit d'ânerie, mais s'il fallait retenir une seule chose, c'est qu'il est manifestement temps de changer la structure du marché en Europe.

Dans le reste de l'actualité financière, il faut aussi noter que la Fed va accélérer à partir du 1er septembre (cette semaine donc) la réduction de la taille de son bilan. C'est ce que l'on appelle le "QT", pour "quantitative tapering" ou resserrement quantitatif. Le rythme du QT va doubler, alors que la phase initiale n'a pas l'air d'avoir provoqué trop de remous. Mais les financiers sont attentifs parce que cela marque un désengagement accru de la banque centrale. En Chine, les autorités vont débloquer l'équivalent de 1,5 Md$ de subventions pour aider les producteurs céréaliers. En parallèle, des résurgences du covid ont conduit certaines régions à relever leur niveau d'alerte. Enfin, Joe Biden serait sur le point de demander au Congrès d'approuver une vente d'armes de 1 Md$ à Taiwan, selon la presse américaine. Cela ne devrait pas œuvrer en faveur du réchauffement des relations entre Pékin et Washington.

En Asie Pacifique, le Japon (+1,2%) et l'Australie (+0,7%) rebondissent ce matin, mais la Chine perd du terrain, après avoir connu la semaine dernière une semaine solide, à contrecourant du reste de la cote. Les indicateurs avancés européens laissent entrevoir un rebond à l'ouverture, dans un contexte plus nerveux, illustré par un indice VIX revenu sur ses niveaux de la mi-juillet. Le CAC40 a démarré la séance en hausse de 0,5% à 6254 points.

Les temps forts économiques du jour

L’Allemagne publiera l’inflation estimée d’août à 14h00. Aux Etats-Unis, l’indice FHFA du prix des maisons (15h00) précèdera l’enquête JOLTS sur les ouvertures de postes et l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board (16h00). Tout l'agenda macro ici.

L'euro reste juste sous la parité avec le dollar. L'once d'or remonte à 1734 USD. Le recule légèrement après des gains copieux hier, avec un Brent de Mer du Nord à 104,12 USD le baril et un brut léger américain WTI à 96,56 USD. La dette américaine à 10 ans est rémunérée 3,09%, tandis qu’une poussée est constatée à 3,31% sur le 6 mois. Le bitcoin est remonté à 20 200 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Alfen : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 110 à 125 EUR.
  • Carrefour: J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 20,50 EUR.
  • Dufry: HSBC démarre le suivi à l’achat en visant 47,50 CHF.
  • Galenica : Deutsche Bank passe de conserver à vendre en visant 60 CHF.
  • Harbour Energy: Jefferies reste à l’achat avec un objectif de cours relevé de 490 à 600 GBp.
  • Hennes & Mauritz : Handelsbanken passe d'acheter à conserver.
  • Kingspan: Jefferies passe d’acheter à conserver en visant 63,60 EUR.
  • Kudelski: Research Partners reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 3,10 à 3 CHF.
  • Medartis: Credit Suisse reste à sous performance avec un objectif de cours réduit de 100 à 78 CHF.
  • NXP Semiconductors: AlphaValue reste à l’achat avec un objectif de cours relevé de 229 à 243 USD.
  • Recticel : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 24 à 22 EUR.
  • Rockwool : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 2100 à 1600 DKK.
  • SFS: Julius Bär reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 105 à 95 CHF.
  • Sonova : Deutsche Bank passe d'acheter à conserver en visant 291 CHF.
  • SoftwareOne: Research Partners reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 14,50 à 15 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Les discussions entre Engie et le groupe algérien d'énergie Sonatrach portent sur des contrats de moyen et long termes mais ne concernent pas l'hiver prochain. L'énergéticien a par ailleurs annoncé que Gazprom allait réduire ses approvisionnements.
  • La FDA accorde un examen prioritaire à l'efanesoctocog alpha de Sanofi et Swedish Orphan Biovitrum pour le traitement de l'hémophilie A.
  • AXA va racheter 2 Mds$ d’obligations subordonnées. Par ailleurs, l'assureur finalise la cession de ses activités d'assurance en Malaisie.
  • Eiffage remporte en groupement les travaux d'extension du bassin et de rénovation des quais du port de Cotonou au Bénin pour un montant global de plus de 160 M€.
  • Frey acquiert pour 105 M€ un centre commercial en Pologne.
  • Orpea rembourse une partie des fonds publics réclamés.
  • Cegedim Santé et Val Solutions optimisent le suivi médical grâce à la téléconsultation nouvelle génération.
  • Poxel obtient des résultats positifs en phase IIb avec PXL065 dans la NASH. "Nous attendons les résultats de l'histologie des biopsies le mois prochain, qui seront probablement déterminants pour la décision de passer à la phase III", souligne Jefferies.
  • Teva lance une phase III avec mdc-TJK, ce qui déclenche un paiement d’étape de 3 M$ pour Medincell.
  • Afyren remporte deux contrats.
  • Cybergun reçoit un contrat de "plusieurs centaines de milliers d'euros" pour des répliques de mitrailleuses lourdes destinées à des simulateurs pour l’entraînement au tir, via la filiale Arkania.
  • Osmozis veut réduire son empreinte carbone.
  • Freelance et Cast ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Des actionnaires de BHP demandent l'inclusion d'une analyse de sensibilité au climat dans les états financiers à partir de 2023.
  • Zendesk a reçu une proposition de recapitalisation non sollicitée de la part d’un actionnaire minoritaire, en alternative au rachat par Hellman & Friedman et Permira Advisers.
  • Microsoft modifie les conditions des licences de son cloud en Europe après des plaintes.
  • Uniper demande une nouvelle aide de l’Allemagne pour faire face aux coûts.
  • Bunzl relève ses perspectives de marge d'exploitation après la croissance de son bénéfice au premier semestre.
  • Netflix ferait payer entre 7 et 9 USD par mois pour sa nouvelle offre avec publicité aux Etats-Unis, contre 15,49 USD actuellement pour son offre la plus populaire.
  • Schlumberger crée une coentreprise avec Aker ASA et Subsea 7.
  • Pierer Mobility relève ses prévisions de revenus pour l'exercice 2022 grâce à une détente sur la chaîne d'approvisionnement.
  • Philips rappelle certains appareils Respironics en raison d'une contamination potentielle du plastique, indique la FDA.
  • Les actions de Bed Bath & Beyond ont flambé avant la mise à jour stratégique de mercredi.
  • Mahindra & Mahindra crée une filiale spécialisée dans l'énergie solaire.
  • Principales publications du jour : Bank of Montreal, Baidu, Alimentation Couche-Tard, CrowdStrike, HP Inc, Partners Group, Adevinta, Brunello Cucinelli, Pierer, Flatexdegiro… Tout l'agenda ici.

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