FRANCFORT (awp/afp) - La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi de ramener son principal soutien face à la pandémie à un rythme de croisière. Elle a dans la foulé maintenu son cap monétaire accommodant, au moment où l'économie européenne reprend des couleurs et subit un réveil marqué de l'inflation.

Cette baisse de rythme, présentée comme un ralentissement "modéré", va se concrétiser par un plus faible volume de rachats de dette publique et privée sur le marché dans les prochains mois. Elle était largement attendue par les marchés.

L'institution de Francfort a en revanche laissé sur leur faim ceux qui espéraient des indices sur une éventuelle stratégie de normalisation de la politique monétaire alors que la conjoncture économique s'améliore.

La discussion sur l'avenir des soutiens monétaires sera menée "en décembre", a indiqué à la presse la présidente de la BCE, Christine Lagarde, affirmant qu'il n'en avait pas été question lors de la réunion du Conseil des gouverneurs jeudi. La reprise, elle, est bien là, a constaté l'institution qui a relevé à 5% ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour cette année.

L'activité économique en zone euro devrait même "dépasser son niveau d'avant pandémie" d'ici la fin de 2021, selon la BCE. "L'économie rebondit, mais nous n'y sommes pas encore. Nous ne sommes pas sortis du bois", a cependant souligné Mme Lagarde pour justifier le choix des gouverneurs de ne pas encore aborder la question du retrait progressif du stimulus monétaire (tapering).

"Le temps viendra" pour normaliser la politique monétaire, tout comme la politique fiscale du ressort des gouvernements, mais "c'est encore prématuré", a-t-elle ajouté. La présidente de la BCE a renvoyé ce débat, politiquement sensible parmi les banquiers centraux de la zone euro, à la réunion de décembre.

Inflation temporaire

"Le Conseil des gouverneurs a décidé du minimum possible. Ne rien changer du tout aurait été trop peu au vu de la hausse de l'inflation" enregistrée depuis le printemps en zone euro, analyse Jens-Oliver Niklasch, de la banque LBBW.

Mais en décembre prochain, les "faucons", responsables monétaires hostiles à une politique trop accommodante, "auront probablement de bonnes cartes en main" pour obtenir un changement de cap, ajoute l'expert.

L'inflation en zone euro devrait en effet atteindre un pic dans les prochains mois. Propulsée à 3% en août, signe du rebond de la consommation mais aussi de pénuries de matériaux, elle pourrait atteindre 2,2% sur l'ensemble de l'année 2021, selon la BCE qui a également relevé ses prévisions de hausse des prix.

La conviction de Christine Lagarde reste que l'augmentation actuelle des prix "devrait être largement temporaire" et liée à des facteurs passagers comme la rareté de certains composants industriels, a-t-elle indiqué. Mais ces pressions sur les prix "pourraient être plus persistantes", a-t-elle ajouté, ce qui obligerait le cas échéant la BCE à réagir.

Avec la décision prise jeudi, la BCE module donc ses interventions mais sans présenter cela comme la première étape d'un retrait de son programme d'urgence PEPP, qui perdure depuis mars 2020. Devant la presse, Christine Lagarde a assuré qu'elle ne fermait pas les vannes.

Le terme de cette enveloppe exceptionnelle est toujours fixé à mars 2022 et l'institut de Francfort se garde la possibilité de remettre la vapeur si les conditions de marché l'exigent.

"rythme d'escargot"

D'environ 80 milliards d'euros, les rachats mensuels devraient être ramenés entre 60 et 70 milliards d'octobre à décembre, selon les attentes des observateurs. La BCE a par ailleurs reconduit les autres outils de sa potion anti-crise faite de taux d'intérêt historiquement bas et d'achats massifs de dettes pour garantit des conditions de crédit favorables aux entreprises et aux consommateurs.

En particulier, le taux négatif de 0,5% va continuer à s'appliquer sur une fraction des liquidités des banques déposées à la BCE au lieu d'être distribuées à l'économie.

Il s'agissait de la deuxième réunion de politique monétaire des banquiers centraux de la zone euro depuis qu'ils ont, début juillet, dévoilé leur nouvelle cible d'inflation à 2%, un objectif à moyen terme pouvant tolérer des déviations temporaires.

"La BCE bouge - à un rythme d'escargot", conclut l'analyste Holger Schmieding, de la banque Berenberg.

afp/vj